Yverdon-les-Bains – Josiane Mauron Blanchard est la plus ancienne sociétaire de l’Aurore. En cinquante-sept ans, elle n’a jamais manqué un seul concert annuel du club d’accordéonistes.
Un peu gênée, Josiane Mauron Blanchard prend la pose sur un ponton situé près du quai de Nogent, à Yverdon-les-Bains. «Je ne pensais pas qu’un photographe serait présent», glisse-t-elle. Se tenir debout face à l’objectif n’est pas un exercice facile pour cette femme modeste. Pourtant, lorsque ses doigts effleurent les boutons de son accordéon, son regard s’illumine. Sur les quais du vieux Paris, un air de musette qu’elle apprécie particulièrement, résonne alors jusqu’au parc des Cygnes.
L’Yverdonnoise fait partie de la Société des accordéonistes Aurore depuis 1962. Elle a dirigé l’orchestre pendant dix-sept ans, et a repris la présidence l’année dernière. Si elle reconnaît qu’il y a beaucoup de travail en amont de chaque concert, elle sait qu’elle peut compter sur l’appui de l’actuel vice-président Cédric Pillard, qui a présidé le club pendant vingt ans.
«J’avais 11 ans lorsque j’ai intégré l’Aurore», explique cette enseignante à la retraite et mère d’un garçon et d’une fille. Les premiers airs d’accordéon qui ont fait frémir son cœur d’enfant remontent toutefois à ses 3 ans. Assise sur un lit dans l’une des chambres de l’Hôtel de la gare d’Yvonand, qui était tenu à l’époque par ses parents, la petite fille et sa sœur jumelle Marianne appuyaient l’oreille contre le mur pour écouter les mélodies de l’accordéoniste Charles Porchet, qui donnait des cours dans l’une des salles de l’établissement. «Un jour, ma mère nous a pris sous le bras. Elle s’est dirigée vers lui et lui a lancé: Je mets ma main au feu que ces deux-là joueront de l’accordéon plus tard», raconte Josiane Mauron Blanchard. La tenancière avait vu juste, puisque ses deux filles ont choisi cet instrument, ou peut-être est-ce lui qui les a choisies.
Se réinventer sans cesse
Fidèle à son accordéon, la sociétaire de l’Aurore n’a cessé de se réinventer. «J’ai commencé par l’accordéon diatonique, puis par le chromatique», poursuit la sexagénaire. Si le premier produit deux sons différents selon qu’on tire ou pousse le soufflet, le second n’émet qu’une seule note.
Mais gare à celui qui oserait lui signifier que son instrument à vent est devenu ringard. «À chaque fois que ça m’arrive, je propose aux gens de venir écouter l’un de nos concerts», rétorque la musicienne. Si les valses et les polkas font toujours partie du répertoire de l’Aurore, il a quand même fallu évoluer avec le temps. «Si on veut perdurer et rester dans le coup, on n’a pas le choix», remarque celle qui a suivi des cours au Conservatoire de Fribourg. Et d’ajouter: «Les arrangements musicaux sont devenus incroyables de nos jours.»
Le Grand Jacques: un incontournable
Pourtant, parmi les centaines de compositions qu’elle a interprétées au fil de toutes ces années, Josiane Mauron Blanchard garde une petite préférence pour Jacques Brel. Et si on lui demande de choisir un seul titre de l’interprète belge, l’Yverdonnoise botte en touche. «Un seul morceau? C’est impossible! J’aime tellement l’ensemble de son répertoire que je ne me suis jamais séparée de ses vinyles.» L’accordéoniste feuillette alors son classeur bleu où sont répertoriés La Valse à mille temps, Les Vieux Amants, Les Bourgeois, Amsterdam et Vesoul. «Non, je suis vraiment désolée, mais je ne peux pas choisir. Brel, c’est tellement beau!», conclut la musicienne.
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Un club d’accordéonistes fondé en 1933
La Société des accordéonistes Aurore a été créée en 1933 par la famille Porchet. De 1941 à 1983, l’orchestre a connu ses heures de gloire sous la direction de Charles Porchet. L’homme a conduit l’ensemble dans divers concours internationaux, lui permettant de décrocher de nombreux prix. «À une époque, on comptait plus de 100 musiciens dans les rangs du club», précise Josiane Mauron Blanchard, qui a repris la direction en 1993. «J’ai accouché de mon fils Nicolas en juillet et, deux mois plus tard, je dirigeais l’orchestre», révèle cette femme dynamique. Après dix-sept ans passés à la tête de l’Aurore, elle a décidé de se consacrer à d’autres activités. «C’était bénéfique pour les accordéonistes qu’il y ait du changement», poursuit-t-elle. Aujourd’hui, l’ensemble est dirigé par Daniel Cloux et compte une quinzaine de musiciens. L’Aurore sera présente le 27 avril prochain, lors de l’émission du Kiosque à musiques qui célébrera le 100e anniversaire de la fanfare L’Avenir à La Marive à Yverdon-les-Bains.