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De l’eau à prix d’or
Arzier, le Muids, vendredi 6 octobre 2017, photos des sources d'eau potable d'Arzier et le Muids pour illustrer un article sur la sécheresse et les sources qui se tarissent, Le Muids, la source des Côteaux photos Cédric Sandoz

De l’eau à prix d’or

14 juin 2019 | Edition N°2518

Entaché par un vice de procédure lors de son adoption en 2015, le règlement communal sur l’eau doit être revoté.

La Municipalité de Concise a appris, à ses dépens, qu’elle aurait dû présenter le règlement communal sur l’évacuation et l’épuration des eaux au préposé fédéral à la Surveillance des prix (SDP) avant de le soumettre au Conseil communal, en 2015. L’Exécutif s’était bien adressé à Monsieur Prix, mais seulement trois mois plus tard. Or les choses auraient dû être faites dans l’ordre inverse. «La Commune a le droit de s’écarter des recommandations de la SDP, mais elle a l’obligation d’en aviser l’organe délibérant avec des arguments, afin qu’il se détermine en toute connaissance de cause», explique Beat Niederhauser, chef du bureau de Monsieur Prix.

La Municipalité a découvert cette subtilité lorsque deux habitants ont recouru auprès de la commission communale de recours en matière d’impôt pour contester leur facture d’eau pour 2016, comme l’a révélé le magazine Bon à savoir. Dominique Gonin et son épouse ayant laissé passer plus de vingt jours avant d’adresser leur recours à la commission, celle-ci l’avait rejeté. Le couple n’a pas renoncé et s’est adressé à la Cour de droit administratif et privé (CDAP), qui a conclu à l’annulation de la facture et au renvoi de la cause à la Municipalité. Sur décision du tribunal, le couple a vu sa douloureuse passer de 1757 francs à 1040 francs, soit le montant qu’il aurait dû payer avant l’introduction du nouveau règlement. La Cour a considéré, dans un arrêt daté de février dernier, qu’en omettant de consulter le SDP en amont, la Commune avait violé le droit fédéral. Dans son jugement, elle l’a condamnée à assumer 1000 francs de frais judiciaires et à verser 2000 francs aux recourants à titre de dépens.

Frais de mise en séparatif

Deux ans avant cette décision, le Conseil communal avait accepté d’entrer en matière sur une motion, qui révélait ce vice de procédure. Dans son texte, la motionnaire soulignait que Monsieur Prix recommandait à la Commune de maintenir un revenu lié aux taxes sur la distribution d’eau potable d’environ 130 000 francs par année. De 120 400 francs avant l’introduction du nouveau règlement en 2014, ce montant était passé à 266 300 francs en 2016.

«À l’époque, j’étais municipal des finances. En me basant sur les frais de mise en séparatif évalués pour la période de 2016 à 2018, j’ai procédé à une estimation du montant des taxes, explique Patrick Jaggi, syndic de Concise, pour expliquer les raisons de l’augmentation introduite dans le règlement voté en 2015. Car il faudra bien payer les coûts de raccordement à la future Step d’Yverdon-les-Bains!» En mars dernier, après que la CDAP a rendu son jugement, il a soumis les données sur lesquelles il s’était basé à une fiduciaire: «Elle arrive aux mêmes conclusions.»

Concise, qui a mal anticipé les travaux de mise en séparatif et de raccordement à la future Step, devra débourser quelque 4 millions de francs pour être prête en 2025. «Le problème, c’est que Monsieur Prix prétend que nous pouvons amortir ce type d’investissement sur huitante ans, alors que le Canton exige un amortissement sur trente ans. Nous ne pouvons donc pas faire autrement qu’augmenter les taxes pour financer cela», insiste le syndic. Qui ajoute: «à Concise, les ménages consomment entre 85 et 120 m3 d’eau par année en moyenne. Même si le mètre cube (ndlr: 1000 litres d’eau) coûtait 650 francs, ça ne ferait que 65 centimes le litre. Réellement, il est à 2,50 francs à Concise. Ce n’est pas si cher que cela pour une eau de grande qualité», conclut Patrick Jaggi.

En conséquence, le Conseil communal devra se prononcer et valider, cette fois en connaissance de cause, le règlement sur l’eau, le 24 juin prochain.

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Des taxes sous haute surveillance

Lors de la fixation d’une taxe, que ce soit sur l’eau, les eaux usées, ou sur les déchets, les autorités doivent consulter le Surveillant des prix avant de décider des nouveaux tarifs. Ceci afin de pouvoir tenir compte, le cas échéant, des recommandations de Monsieur Prix. Le travail de ces contrôleurs fédéraux consiste à s’assurer que les coûts sont correctement délimités, que tous les utilisateurs paient leur part, et que la structure des taxes est conforme au principe de causalité et d’équivalence. C’est Monsieur Prix, également, qui s’assure que le montant des taxes ne diffère pas trop entre communes de même taille. Il vérifie l’ampleur de la hausse des montants et celle des réserves ad hoc, s’il y en a.

Une liste de contrôle à l’intention des communes a été éditée par la Surveillance des prix afin de leur permettre d’effectuer elles-mêmes un examen préliminaire. Car ces démarches sont fastidieuses puisqu’il faut fournir un grand nombre de documents.

Dominique Suter