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Il se bat depuis vingt ans pour les femmes

16 octobre 2019 | Edition N°2603

Romainmôtier – Harri Wettstein a gagné sa lutte contre le système en légalisant son application Sympto Therm. Celle-ci offre un outil personnalisé aux utilisatrices qui cherchent un contraceptif naturel.

«On parle beaucoup d’égalité ces temps, mais on est loin d’y être au niveau de la gestion de la fertilité», martèle Harri Wettstein, secrétaire général de la fondation Sympto Therm, sise à Romainmôtier, qui s’oppose à la contraception hormonale des femmes. Depuis les années 2000, l’institution collecte des informations, mène des études et recense des avis de médecins pour mettre sur pied une alternative à la pilule. C’est ainsi que la fondation a créé, en 2006 déjà, une application de «contraception écologique», c’est-à-dire sans emploi de médicament.

Baptisé sympto.org, le logiciel détermine les périodes de fertilité sur la base des données des utilisatrices, comme la température, les dates des règles, ou encore la présence «d’élixir» – des pertes blanches. «C’est comme un guide d’auto-école. Avant d’aller sur la route, les automobilistes ont besoin de connaître le code de conduite. Sympto Therm propose la même chose: offrir un savoir aux femmes pour qu’elles apprennent à connaître leur corps afin qu’elles conduisent leur vie comme elles l’entendent», image Harri Wettstein, qui souligne toutefois que l’application ne dispense pas d’utiliser un préservatif ou de recourir à l’abstinence.

Swissmedic met les pieds au mur

Malgré les 3,4 étoiles sur cinq attribuées par plus de 420 usagers Android, le projet de Sympto Therm a été mis en stand-by par Swissmedic. L’Institut suisse des produits thérapeutiques a décidé de ne pas autoriser ce produit sur le marché, le considérant comme un «dispositif médical de contraception». Alors que pour les concepteurs, qui se sont formellement opposés à cette qualification, ils estiment qu’il s’agit d’un didacticiel, d’un simple outil en somme. Interpellé, le Tribunal administratif fédéral a, lui, estimé que dès qu’une application donne une information sur l’état du corps humain, il s’agit bel est bien d’un produit médical de niveau I, comme des lunettes. Ces articles doivent répondre à des exigences spécifiques, mais le contrôle est placé sous la seule responsabilité du fabricant.

Cette classification signifie que sympto.org ne pouvait être légalisé qu’à l’issue d’un dossier de présentation complet et étayé par des spécialistes. Ce que Harri Wettstein a rapidement mis sur pied. «On a tout de suite fait le nécessaire car on a plus de dix ans d’expérience dans le domaine, lance-t-il, en précisant qu’il est soutenu par des médecins mais par aucun gynécologue pour l’instant. Nous n’avons enregistré aucun plainte et ça, c’est un point qui pèse lourd dans la balance.»

Mais là, deuxième coup de théâtre: Swissmedic a refusé, en décembre 2018, d’autoriser la commercialisation de l’application, jugeant désormais qu’elle relevait de la classe IIb, comme certains logiciels médicaux, un produit de désinfection pour lentilles de contact ou un préservatif. «Là, on pouvait tout fermer!, grogne le Romainmonastérien, qui a déposé un second recours. On ne pouvait pas accepter ça parce qu’on aurait dû mener des essais cliniques et avoir des certifications, ce dont on n’a pas les moyens.»

«Désobéissance civile»

Il y a quelques semaines, le TAF a finalement donné raison à Sympto Therm, admettant que son application relevait bien de la classe I. Reste à savoir si Swissmedic donnera l’autorisation de commercialiser l’application. Pourtant, elle est toujours disponible sur les plateformes de téléchargement. «Oui, je fais de la désobéissance civile, car il existe déjà nombre d’applications sur le marché alors je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas mettre la nôtre à disposition des femmes qui en ont besoin, peste Harri Wettstein. Notre outil, contrairement à d’autres, se fonde sur tout un faisceau d’informations personnelles. Il ne fait pas que déterminer les périodes de fertilité, il a pour but de conscientiser les femmes sur leur cycle menstruel pour qu’elles comprennent qu’il ne s’agit pas d’une défectuosité de la nature qui doit être soignée par un médicament.»

 


Les gynécos restent prudents

Interpellés, les médecins des établissements hospitaliers du Nord vaudois préfèrent ne pas trop s’avancer quant à l’efficacité des contraceptifs naturels. Au lieu de répondre à nos questions, ils ont préféré nous transmettre un document, établi par la société pharmaceutique Bayer, sur lequel ils se basent pour renseigner leurs patientes. Ce dernier évalue le risque de grossesse non désirée par type de contraceptif.

Ainsi, il apparaît que le moyen le plus sûr est l’implant, avec un résultat de 0,5 utilisatrice  sur mille qui peut tomber enceinte durant la première année d’utilisation. Un chiffre qui monte à deux pour un système intra-utérin hormonal, à 60 pour des injections contraceptives trimestrielles et à 90 pour la pilule et l’anneau vaginal. Il passe à 240 pour les méthodes alternatives, comme la prise de température. Un nombre qui peut être réduit, selon Bayer, si l’on associe une abstinence ou un emploi du préservatif durant les jours fertiles.  C. Md


Position de Swissmedic

«La mise sur le marché d‘un dispositif médical ne demande ni une autorisation ni une validation de la part de Swissmedic», a assuré l’institut qui a évité de répondre à nos questions sur Sympto Therm, préférant nous renvoyer sur son site internet. Là, on y apprend que la classification (I, IIa, IIb, III) et la commercialisation d’un dispositif médical sont réglées au niveau européen et, en Suisse, par des organes d’évaluation, placés sous l’égide de Swissmedic.  C. Md

Christelle Maillard