Raphaël Ahumada: « Si tu veux faire une médaille aux Jeux, il ne faut pas juste donner le 100% »
2 août 2024Paris 2024 – Il n’a pas manqué grand-chose pour que Raphaël Ahumada, associé à Jan Schäuble pour le deux de couple poids léger, offre au canton de Vaud sa première médaille aux Jeux olympiques de Paris, vendredi. Mais le rameur de Denges, 23 ans, et son coéquipier ont dû se contenter du chocolat, qu’il faudra un peu de temps pour digérer.
Raphaël Ahumada, on imagine que la déception prédomine, à l’issue de cette finale olympique…
C’est sûr qu’il y a d’abord de la déception, mais quand tu digères un peu, tu te rends compte du chemin que tu as parcouru jusque-là. Et c’est le sport, on ne peut pas tout le temps avoir ce que l’on veut. Aujourd’hui, il y a trois bateaux qui étaient plus forts que nous et c’est comme ça, il faut l’accepter. Mais je suis extrêmement fier du chemin qu’on a parcouru: prendre le départ aux Jeux olympiques, c’est déjà incroyable, faire la finale A, c’est bien, même si c’est difficile à accepter de finir 4e. Cependant, on est jeunes, on a encore du temps devant nous.
Vous avez perdu le contact avec le trio de tête en cours de course. A partir de là, ce n’était plus possible de revenir?
On a fait un très bon finish, on était rapide, mais oui, à un moment dans la course, on a perdu le contact aux autres bateaux. Quand ils bataillent à trois et que toi, tu n’es pas dans le combat, c’est vraiment difficile d’avoir ce petit truc en plus qui fait que tu as une vitesse incroyable. C’est dans le combat que tu l’as, et si tu as perdu un peu le contact plus tôt, tu n’es pas dans la bataille et c’est fini.
Vous attendiez-vous à ce que les Grecs, qui terminent 3es, soient aussi forts?
Non. Ils nous avaient jamais battus, ils ne participent pas à la Coupe du monde, et d’un coup, ils sortent de nulle part.
Y a-t-il des regrets, ou avez-vous le sentiment d’avoir donné tout ce que vous pouviez, et que le trio de tête était juste meilleur?
On a donné tout ce qu’on avait à donner, mais je pense que, justement, si tu veux faire une médaille aux Jeux, il ne faut pas juste donner le 100%, il faut donner 110%. Et ça, il faut y aller vraiment avec la rage, avec quelque chose au-dessus, avec une motivation vraiment profonde. J’ai l’impression qu’on était là et qu’on voulait faire une médaille, mais qu’il manquait quelque chose.
L’expérience, peut-être?
Exactement. Les autres bateaux étaient vraiment expérimentés. Ça se voit que les JO, c’est encore un niveau au-dessus de toutes les autres compétitions. C’est vraiment y aller sans avoir peur. Je pense que c’est ce qui nous a un peu manqué, de tenter quelque chose qu’on n’avait jamais fait. On savait qu’on avait des bonnes vitesses. Je pense que si on avait fait cette course-là lors de n’importe quelle autre compétition, on aurait été chercher quelque chose de bien. Mais là, c’est pas n’importe quelle autre compétition, ce sont les Jeux olympiques. Donc voilà, maintenant, j’ai appris, et j’espère que je pourrai me servir de cette expérience pour le futur.
Justement, de quoi sera faite la suite?
Je vais profiter des Jeux, profiter ensuite de prendre des vacances. Le mode de vie d’un sportif d’élite est vraiment très exigeant. Tu mets tout en pause, ce sont des sacrifices énormes. Surtout à l’aviron, c’est un volume énorme et je ne suis jamais à la maison. Donc je vais me reposer un petit peu, faire une pause. L’année prochaine sera peut-être un peu plus tranquille sur le plan sportif, je vais reprendre les études, tout ça. Mais l’objectif, c’est de continuer l’aviron, en poids lourd. Parce qu’on voit qu’à la fin, il n’y a pas d’énormes différences au niveau du temps. Là, par exemple, les Irlandais (ndlr: qui ont remporté l’or) étaient plus rapide que les champions olympiques poids lourd. On est à peu près à la même vitesse que les poids lourds, donc je pense que si j’arrive à prendre un peu de masse, un peu de muscles, je peux être plus fort et pouvoir performer aussi chez les poids lourds. On verra, l’avenir nous le dira.
L’idée, c’est de continuer avec Jan Schäuble?
Lui, ça fait un peu plus longtemps qu’il rame, il a vraiment prévu de reprendre les études à 100% et, pour l’instant, d’arrêter. Après, on ne sait jamais. C’est difficile en tant que sportif d’élite d’arrêter complètement, de passer d’un mode de vie où tu te challenges tous les jours, tout le temps, à un mode de vie plus classique. Peut-être que ça lui manquera et qu’il reviendra.
Qu’en est-il de vos études à vous?
J’avais commencé architecture, mais je n’ai pas beaucoup avancé… J’ai le statut de sportif d’élite, ce qui me permettait d’être à 50%. Et puis, en fait, je ne pouvais pas avancer tout ce qui était projet, studio, maquette, parce que ce sont des travaux de groupe, pour lesquels il fallait être à Lausanne. Vu que je suis cinq-six jours dans la semaine à Sarnen, ce n’était pas possible. Donc j’étais bloqué, car tu ne peux pas avancer dans les cours tant que tu n’as pas fini complètement la première année. Et je me suis rendu compte que, même si j’aimais bien les études, je crois que le métier d’architecte n’est pas pour moi. Alors je vais recommencer autre chose, je vais suivre un cursus de maths à Unidistance. Cela me permettra de beaucoup mieux concilier mes études avec le sport. Je me réjouis, c’est un nouveau challenge.