A l’écoute des jeunes pour éviter les dérives
20 septembre 2024 | Texte: Jessica KormannEdition N°3792
La délinquance juvénile est stable, mais en légère augmentation à Yverdon-les-Bains. Afin de prévenir les actions qui y mènent et d’intervenir lorsqu’elles ont lieu, Police Nord vaudois et le Service jeunesse et cohésion sociale s’unissent pour apporter l’aide requise aux mineurs de la ville.
Larcins, jeux en ligne, pornographie, destruction de biens publics, violence… Si, à Yverdon, la majorité des jeunes de moins de 18 ans vont bien, certains font encore exception à la règle. Malgré leur variété, les facteurs de risque pouvant mener à la délinquance juvénile se recoupent fréquemment, et certains sont assez généraux. «Nous sommes aujourd’hui dans un phénomène général de paupérisation de la société», analyse Marc Dumartheray, commandant de Police Nord vaudois. Cette tendance, couplée à un taux de chômage dans le canton atteignant presque les 4%, est, selon le policier, un facteur de risque très important concernant les infractions commises par des mineurs. Pour cause: ces situations peuvent dégrader les relations au sein des familles, menant à des situations difficiles, qui peuvent parfois priver le jeune du soutien dont il aurait besoin afin de construire une vie stable. De mauvaises rencontres, que ce soit dans le milieu scolaire ou en dehors, peuvent également faire dévier un jeune en recherche d’identité.
Gérald Marguet, chef du secteur jeunesse au Service jeunesse et cohésion sociale d’Yverdon, s’accorde avec le commandant de Police Nord vaudois pour dire que le risque le plus important sur le plan social réside dans la perte de lien. «On constate qu’il y a des noyaux familiaux éclatés, avec des adolescents qui font leur travail d’adolescent, qui est d’aller chercher les limites. Si personne n’est présent pour les leur montrer, ils vont les chercher toujours plus loin», explique-t-il. «On rencontre de plus en plus de jeunes en perte de liens qui sortent des radars, même de ceux de l’aide sociale.» Livrés à eux-mêmes, nombre de ces jeunes sans attache se mettent à vivre la nuit, persuadés que tant que personne ne les voit, il n’y a pas de problème.
Or, cette vie cachée du monde expose les jeunes en difficulté à des risques, liés notamment aux addictions, qui peuvent les mener sur le chemin de la délinquance. Alors que le problème peut commencer par une simple addiction aux écrans ou aux paris en ligne, celle-ci peut conduire les jeunes à être confrontés à des situations où ils n’ont plus aucun repère, puis les pousser à commettre de petits larcins ou de plus grands délits.
Des délits dès 10 ans
Une infraction particulièrement fréquente aujourd’hui est la pornographie, et elle est partiellement liée aux écrans et au manque de protection des plus jeunes face à ces derniers. «Ce dont les parents, parfois, ne se rendent pas compte, par le fait de ne pas mettre de filtres sur les écrans, c’est qu’un enfant, dès l’âge de 10 ans, est pénalement répressible», explique le commandant de police. Chaque année se produisent ainsi des cas où des enfants, pas assez protégés ou avertis, ont accès à des plateformes pornographiques sur lesquelles ils téléchargent du contenu, ce qui est déjà une infraction pour un mineur, puis le transfèrent ou le montrent à un autre mineur, ce qui représente une seconde infraction. Parfois, des jeunes, souvent du fait de leur innocence quant à ces sujets, peuvent aussi se retrouver responsables de la diffusion de matériel pédopornographique, ce par le simple fait de se photographier nus. Un événement qui se retrouve notamment dans le cadre d’amourettes de jeunesse, et peut mener à des complications si les images sont rendues publiques. «On a des situations où le manque d’expérience des mineurs peut mener à des situations très critiques», témoigne Marc Dumartheray.
Pas de profil type
Si les causes de la délinquance juvénile se rejoignent souvent, les profils des jeunes impliqués, eux, ne se ressemblent pas vraiment. Un mineur issu d’une famille avec des problèmes de consommation, par exemple, est plus fragile qu’un autre, du fait de son exposition à de nombreux facteurs de risque. Cependant, il est important de rester attentif aux autres aussi. «Il y a des jeunes qui vont très bien, qui sont en réussite scolaire, où il n’y a pas de problèmes familiaux, et du jour au lendemain, tout peut basculer. Parce que le noyau familial éclate, qu’il y a de mauvaises rencontres», explique Gérald Marguet. Pour eux, la chute est d’autant plus violente et rapide quand ça se passe mal.»
«Pour les jeunes, ce sont des fois des appels à l’aide; des moyens de se faire entendre, que de commettre des infractions», ajoute Marc Dumartheray.
Recréer le lien
Afin de prévenir les infractions et la délinquance juvénile, la police et le Service jeunesse et cohésion sociale travaillent main dans la main. Une collaboration qui se ressent dans l’atmosphère de la ville.
Pour informer les jeunes et leur permettre de développer un lien de confiance avec certains agents, Police Nord vaudois envoie chaque année ses membres dans les différentes classes de la ville. Ces visites présentent deux thématiques, dont la première est la prévention routière. Avec les agents, les élèves sont familiarisés aux règles de la circulation routière, et apprennent à se comporter correctement avec un vélo ou une trottinette, notamment. Le jardin de circulation de la ville, le seul autre du canton avec celui de Lausanne, permet d’assurer la qualité de cet apprentissage. Lorsque les élèves sont un peu plus âgés, les agents abordent avec eux la prévention des délits, en discutant des problèmes liés à la violence, à la drogue et l’alcool, ainsi qu’à d’autres infractions. «Cela ne fait pas tout, mais cela permet aux agents qui suivent les enfants depuis tout petits d’avoir des liens qui se créent au fil des années», confie Marc Dumartheray.
Ces visites annuelles permettent également aux jeunes de comprendre les risques auxquels la délinquance peut les exposer par rapport à leur avenir professionnel. Avec un casier judiciaire chargé de certains délits, des carrières dans des domaines comme la police, le travail social, l’enseignement, ou encore les services publics, deviennent impossibles pour le jeune. Les infractions, selon leur gravité, exposent également les jeunes concernés à un suivi par un curateur, des jours-amendes, des travaux d’intérêt général, ou encore des peines privatives de liberté.
De son côté, le Service jeunesse et cohésion sociale va fréquemment à la rencontre des jeunes de la ville, et organise de nombreuses activités permettant de les réunir. Tous les samedis, le service ouvre notamment les salles de gym jusqu’à 23h30, pour permettre aux jeunes de venir pratiquer une activité sportive. Souvent isolés, ceux qui participent à ces rencontres sportives peuvent recréer du lien avec les autres tout en pratiquant une activité physique. Un food truck social a également été ouvert, dans lequel certains jeunes, qui ont le sentiment que plus personne ne leur fait confiance, n’ont plus d’emploi ou de scolarisation, etc. ont l’opportunité de remettre un pied dans le monde du travail.
Enfin, le fait de partir à la rencontre des jeunes dans l’espace public permet surtout de leur montrer qu’ils ne sont pas seuls, et que s’ils en ont besoin, quelqu’un sera là pour les écouter. «Nous n’avons pas pour vocation de lutter contre une infraction. Nous sommes dans un travail de prévention, d’accompagnement de la jeunesse, de travail sur les mentalités, pour éviter ce genre de débordements», explique Gérald Marguet.
«Ce qui est important, c’est que les jeunes n’hésitent pas à demander de l’aide, que ce soit aux travailleurs sociaux ou à la police. Un jeune ne doit pas rester en souffrance seul, peu importe qu’il ait commis quelque chose ou soit victime. En parler, c’est déjà résoudre en partie le problème», conclut Marc Dumartheray.