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Affiches féministes: noble combat ou vandalisme?

28 novembre 2019 | Edition N°2634

Yverdon-les-Bains - Les messages militants sont apparus un peu partout dans la Cité thermale, durant la nuit de dimanche à lundi. Nécessaires pour les uns, contre-productives pour les autres, ces affiches suscitent le débat.

En Suisse, une personne meurt toutes les deux semaines des conséquences de la violence domestique. Parmi les victimes, on retrouve 75% de femmes et de filles. Ces chiffres de l’Office fédéral de la statistique font froid dans le dos. Une problématique qui ne concerne bien évidemment pas uniquement la Confédération et dont découlent les journées internationales pour l’élimination des violences à l’égard des femmes. Pour sensibiliser la population, le Zonta Club (ndlr: un club-service féminin) illumine le château en orange, tous les soirs de cette semaine depuis lundi.

La veille, d’autres femmes avaient déjà agi. Dans la nuit et dans l’illégalité, plusieurs membres de collectifs féministes se sont rejoints pour coller des affiches dans divers endroits de la ville. «Le patriarcat assassine», «Féminicides partout, justice nulle part» ou encore « Elle le quitte, il la tue»: voici trois exemples de la douzaine de messages que les Yverdonnois ont pu découvrir le lundi matin. Trois jours plus tard, certains messages ont été arrachés, alors que d’autres subsistent. «On s’attendait à ce que des affiches soient enlevées, expliquent deux activistes qui ont participé à l’action. Même si on ne comprend pas que quelqu’un puisse voir ces messages et décider de les enlever.»

Affichés sur des bâtiment appartenant à la Ville et à des privés, d’un point de vue légal, ces slogans ne pouvaient pas demeurer. «Les forces de l’ordre n’ont rien contre ces textes, assure Michael Groux, de Police Nord vaudois. Mais l’affichage sauvage n’est pas toléré et l’utilisation de colle peut causer des dommages à la propriété. Nous avons donc averti les propriétaires de l’existence de ces messages sur leurs murs et leur avons indiqué qu’ils pouvaient porter plainte.» Pour l’instant, deux personnes ont répondu qu’elles n’effectueraient pas de dénonciations aux autorités.

Un parti pris que partage la Municipalité. «Que la cause soit juste ou pas, ce n’est pas le sujet, évalue Jean-Daniel Carrard, syndic de la Cité thermale, qui comprend cependant les motivations des activistes. Il y a d’autres moyens que de déroger aux règles pour s’exprimer sur le sujet, notamment par le biais des réseaux sociaux. Nous ne soutenons pas ce mode d’action.»

La réponse du syndic ne satisfait toutefois pas les deux féministes. «Si nous avions demandé à afficher de tels messages sur des bâtiments publics, on nous aurait forcément dit non, jugent-elles. De plus, ils nous aurait été impossible de le faire par la suite, puisque nos identités seraient connues. C’est pour cela que nous avons choisi de coller ces slogans sans autorisation.»

«Il faut agir dans la légalité»

Mais qu’en pensent les membres du Zonta Club, dont le registre d’actions est bien plus sage? Catherine Carp, membre du club et ancienne présidente du Conseil communal yverdonnois, rejoint Jean-Daniel Carrard. «C’est bien d’agir, mais il faut le faire dans le cadre de la légalité, estime-t-elle. Impliquer la Municipalité, et que celle-ci réponde présent, cela fait avancer les choses. Mais, pour moi, l’action de ces militantes nuit à notre cause.»

Pas de quoi convaincre les deux activistes pour autant. «Nous avons reçu des retours positifs, par exemple de la part d’un professeur qui a pu aborder le thème du patriarcat et des violences conjugales avec ses élèves», relèvent-elles. Avant de prévenir: «Ils auront beau enlever ces messages, nous recommencerons.»

Massimo Greco