La Région poursuit la publication hebdomadaire d’un portrait d’une commune nord-vaudoise. Au travers de l’interview de son syndic, cette page aborde les réussites, les préoccupations, les projets d’une collectivité locale.
Aujourd’hui, place à Laurent Wagnière, syndic d’Orzens.
Laurent Wagnière, votre parcours professionnel est atypique puisque vous avez effectué deux formations en apparence très éloignées l’une de l’autre…
J’ai en effet obtenu un master en droit de l’Université de Lausanne et également un CFC d’agriculteur. J’ai réussi à concilier les deux durant quelques années, puisqu’à partir de 2017 j’ai été juriste chez Prométerre et, en parallèle, j’ai repris l’exploitation agricole familiale. De plus en plus occupé par mon domaine – des grandes cultures et un verger de cerisiers –, j’ai décidé de cesser mon activité de juriste en mars de cette année pour m’y consacrer à plein temps.
Un plein temps que vous devez tout de même concilier avec votre récente nomination de syndic, qui n’était pas prévue…
En effet, lors des élections de 2021, je me suis représenté comme municipal. Lors de la démission de l’ancien élu en cours de législature, j’ai pris le relais en tant que vice-syndic, jusqu’à ma nomination officielle en 2023. J’ai été placé face à des responsabilités que je n’avais pas prévues! Mais, bien que du haut de mes 34 ans je puisse paraître jeune pour cette tâche, comme j’ai exercé la fonction de secrétaire municipal et parcouru la plupart des dicastères, je connais assez bien le fonctionnement administratif de la commune. À l’époque, syndic était une fonction pour laquelle on se battait, aujourd’hui, c’est davantage une charge (rires). En revanche, nous ne sommes pas à la tête d’une dictature mais d’un collège. Depuis que je fais partie de la Municipalité, nous nous sommes toujours réunis à l’unanimité sur les dossiers importants. La collégialité est pour moi le maître-mot, un principe que je tiens à pérenniser.
En quoi vos deux casquettes, de juriste et d’agriculteur, sont-elles un avantage ?
Depuis que le canton de Vaud existe, nous avons un système de milice qui fonctionne assez bien car les personnes connaissent leur village. Le métier de syndic dans les petites communes nécessite une flexibilité. Le fait d’être indépendant permet cette flexibilité. En tant qu’agriculteurs nous avons la connaissance du terrain, ce qui à mon avis est très important afin de comprendre les besoins concrets des gens. Quant à ma formation de juriste, elle m’est utile pour faire face à l’afflux permanent de courrier, notamment de la part du Canton. Le contexte administratif et légal se rigidifie, le bateau devient de plus en plus chargé et s’effrite. La vie serait tellement plus simple si on pouvait faire place au bon sens !
Les petites communes souhaiteraient en effet voir davantage le Canton comme un partenaire. Comment faire évoluer les choses en ce sens ?
Peut-être en commençant par des inspections locales par des urbanistes, juristes, responsables de direction, etc. qui viendraient constater la réalité du terrain. Ils se rendraient compte, par exemple, que la surface plate observée sur les photos satellites est en fait un talus sur lequel il n’est pas possible de cultiver des pommes-de-terre! L’autonomie communale est garantie dans la Constitution fédérale mais malheureusement, au final c’est une coquille vide. Selon notre système pyramidal, nous sommes tout en bas, dans un cadre qui nous donne souvent le sentiment de répondre à la volonté d’autres personnes. Lorsqu’il s’agit d’appliquer des lois, comme la LAT – qui vise des objectifs louables en soi mais qui ne correspondent pas à la réalité de tout le monde –, c’est compliqué. La nécessité de fusionner paraîtrait évidente… Cependant, à notre échelle communale, nous pouvons influer sur certains points, comme, en ce qui nous concerne, la rénovation de routes, de bâtiments, de l’éclairage public (LED). Et nous n’avons eu besoin ni de fusionner ni du Canton pour mener à bien le grand projet de réfection de notre grande salle à la suite d’un incendie. Un bâtiment très apprécié et utilisé notamment par les sociétés locales, comme la Société de jeunesse, le chœur mixte et l’Association culturelle.
Comment mieux informer et conscientiser les citoyens ?
Le Conseil est ouvert à tous ! J’incite tous les citoyens, notamment les femmes qui parfois doutent de leurs compétences, à mettre le pied à l’étrier et à découvrir un univers qui pourrait leur plaire. Il ne faut pas sous-estimer le rôle du législatif, qui donne l’orientation et peut influer sur des dossiers importants. Mon épouse et moi partageons les tâches domestiques et nous occupons à parts égales de notre fille de 4 ans et demi. Si les tâches se partagent au sein d’un foyer, elles peuvent aussi se partager à l’échelle communale (rires) !
Quels projets avez-vous sur le feu ?
Nous sommes au début du processus de rénovation du collège, qui date de 1828. Et puis – le sujet qui fâche – terminer notre PaCom, puisque nous sommes contraints de réduire la zone à bâtir excédentaire. Nous avons, encore une fois, le mauvais rôle de devoir faire appliquer les lois et notre marge de manœuvre est très limitée. Sinon, nous allons proposer un géo-portail communal, c’est-à-dire un guichet d’information numérique qui permettra de consulter les plans du village et de savoir, par exemple, où passent les conduites d’eau. Un service qui sera utile notamment en cas de demande de per- mis de construire.
Quel rapport entretenez-vous avec Orzens, dont votre famille est originaire depuis de nombreuses générations?
Je suis très attaché à mon village. Lorsque mon grand-père était président de la Société de laiterie dans les années 1980, il devait y avoir quelque chose comme dix-huit couleurs de lait différentes. Aujourd’hui à Orzens plus personne ne produit de lait et il n’y a plus que quelques agriculteurs. En dehors de ça, c’est un village très paisible qui n’a pas beaucoup évolué, qui a su garder une certaine âme et que les anciens pourraient facilement reconnaître.