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Alain Rochat retrouve la maison

21 juin 2018 | Edition N°2272

L’ancien défenseur de Zurich, du LS et d’Yverdon Sport, notamment, met un terme à sa carrière professionnelle. Il s’apprête à boucler la boucle au FC Grandson-Tuileries, le club de ses débuts.

«Je me vois déjà partir de chez moi, monter sur mon vélo et rouler jusqu’au terrain pour l’entraînement, comme quand j’étais gosse.» Alain Rochat mijote son plan depuis quelque temps déjà. En 2013, lors de son retour en Suisse après une parenthèse de deux saisons et demie en Amérique du Nord, il s’était installé à Grandson. «Les trajets jusqu’à Berne (ndlr: il a joué à Young Boys de 2002 à 2005, puis de 2013 à 2017) n’étaient pas trop longs. Et j’avais déjà dans l’idée qu’au terme de ma carrière professionnelle, je jouerais encore une année au FC Grandson-Tuileries. Histoire de boucler la boucle.»

Duo avec son demi-frère

C’est désormais chose faite: l’ancien junior du FCGT va retrouver le club de ses débuts. Enfin, presque… «Personne n’est encore au courant. Ni l’entraîneur, ni le président, ni les joueurs. J’ai toujours dit que je voulais encore disputer une saison ici, et les gens du club l’ont toujours su. Ils ne savaient juste pas quand.»

Au-delà de l’aspect nostalgique de son retour, Alain Rochat a une autre idée en tête: former un puissant duo d’attaquants avec son demi-frère, Julien Fantoli. «Ça fait un petit moment qu’on attend de se retrouver sur un terrain. S’il a tiré sa carrière jusqu’à aujourd’hui, c’est aussi en partie dans l’attente de nos retrouvailles. Du coup, il est assez content que je rentre au bercail cet été, une saison plus vite que prévu», sourit le plus vieux des deux, dont l’option pour une saison supplémentaire au Lausanne-Sport présente dans son contrat n’a pas été activée.

«J’ai toujours eu cette barre des 35 ans à l’esprit, explique celui qui l’a atteinte en février dernier. Si j’étais resté à YB l’été dernier, mon contrat arriverait à son terme maintenant. Je n’étais pas contre le fait de jouer une saison de plus en Super League mais, d’un autre côté, ma détermination décline avec les années.» Et puisque le LS a été relégué dans une Challenge League bien moins attrayante, la décision n’en a été que plus facile à prendre.

«J’aurais aimé connaître une autre fin, forcément. Mais l’incertitude, le fait que le score d’un match ne soit jamais connu à l’avance, c’est ce qui fait la beauté du sport. Parfois on gagne et on vit des moments grandioses. Parfois on perd et il faut du temps pour s’en remettre. Depuis le début de la saison, Lausanne était un candidat à la culbute. En fin de premier tour, on avait trouvé notre équilibre, tout fonctionnait idéalement. Le problème, c’est que le championnat se joue toujours au printemps. Les équipes bien installées en Super League, comme le FC Sion, savent toujours quoi faire lors de la trêve hivernale lorsque les résultats n’ont pas atteint leurs exigences. Le LS n’a pas encore cette expérience. Et c’est à partir de là que les choses sont devenues très compliquées.»

La discipline, une nécessité

La carrière professionnelle du Nord-Vaudois aura donc la particularité d’avoir débuté et de s’être terminée par une relégation. Une anecdote pas franchement représentative de l’ensemble de son œuvre. «Je n’oublie pas tout ce qu’il s’est passé entre mes débuts dans l’élite avec Yverdon Sport et mon retour dans le canton l’été dernier. Mes deux titres avec Zurich, mon aventure en Amérique du Nord où sont nés mes enfants, etc.»

A la base de ces dix-neuf années à vivre du football, un trait de caractère: la détermination. «Si on ne le veut pas du plus profond de soi-même, c’est impossible d’être footballeur professionnel! Qu’on s’entende, c’est un monde à part, où pas mal d’argent circule et dans lequel on est protégés par ce qu’on pourrait appeler un cocon. Tout est mis en œuvre pour qu’on soit performants et qu’on ne pense qu’au terrain. Reste que, pour se trouver à l’abri dans ce cocon, il faut être hyperdiscipliné. Que ce soit sur le plan de la ponctualité, l’hygiène de vie ou de la motivation, on n’a pas le droit à l’erreur. Quelques minutes de retard à l’entraînement et on passe la semaine avec les M21. On m’a tellement matraqué ces concepts que c’est quelque chose que je vais garder dans ma vie future», lance celui qui n’a pas encore arrêté sa décision quant à l’activité qu’il compte exercer.

Une discipline qui a, entre autres faits d’armes, permis au Grandsonnois d’être appelé en équipe de Suisse. «C’était pour le match à domicile face aux Iles Féroé, lors des qualifications pour la Coupe de monde 2006. On l’avait emporté 3-1, se souvient-il. A mon retour, j’étais sûr que l’aventure venait de commencer et que les sélections allaient se succéder.» Ce succès restera pourtant sa seule pige avec la Nati.

D’autres émotions

L’apogée de sa carrière, il l’a vivra lors de la saison 2009/2010. «On s’était qualifiés pour la Ligue des champions avec le FCZ. Et là, on se retrouve dans un groupe avec le Real, l’AC Milan et l’OM. Un truc incroyable, mon plus beau souvenir. On avait réalisé un parcours honorable, engrangé quatre points et battu Milan. Pas de quoi se plaindre.»

Désormais, le Letzigrund va devenir le terrain des Tuileries, Santiago Bernabeu celui du Battoir, la Ligue des champions s’apparentera à la Coupe vaudoise et le FC Bâle au FC Champagne. Les émotions ne seront pas tout à fait les mêmes mais, à Grandson comme ailleurs, Alain Rochat jouera pour la gagne. Rien d’autre.

 

«Dans le foot, on est vite plus personne»

Défenseur confirmé et respecté en première division suisse, Alain Rochat a bien tenté de percer, d’aller voir plus haut et, qui sait, d’atterrir dans un grand club européen. «Après mes trois premières saisons à Young Boys, j’étais parti en France, à Rennes, en 2005, raconte le Grandsonnois. La Ligue 1 a toujours été un très bon championnat, mais un peu en dessous des quatre gros. Pour un jeune Suisse un peu prometteur, la marche semblait franchissable. On m’a donné ma chance en début de saison. J’ai pu prouver ma valeur, mais je suis passé à côté de mes premiers matches. Et dans le foot, on est vite plus personne. Les gens s’étaient fait un avis sur quelques minutes de jeu, les journalistes avaient parlé, j’étais fiché. J’ai passé le reste de l’exercice sur le banc. L’année suivante, je signais à Zurich et je remportais mon premier titre. Comme quoi, on peut très rapidement passer d’un extrême à l’autre.»

Florian Vaney