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Appelez-le Lazare!

12 novembre 2020

André Gonin a passé 83 jours dans le coma en raison du Covid. Il est revenu de ce voyage aller-retour vers l’au-delà avec toutes ses facultés et n’a absolument rien perdu de sa fameuse vivacité d’esprit. Rencontre.

 

André Gonin reçoit en short au mois de novembre, dans la cuisine de sa maison d’Orzens. «Il faut m’excuser, je n’ai pas eu d’été, donc je me rattrape comme je peux!» L’ancien syndic du lieu n’a rien perdu de ses fameux traits d’esprit et, surtout, il se rappelle bien le jour où il a quitté cette petite maison, avant Pâques. «Quand je suis parti, les arbres n’avaient pas encore fleuri. Quand je suis revenu, on avait déjà cueilli toutes les pommes!» Et pour cause, André Gonin, touché par le Covid, est resté près de six mois à l’hôpital, dont 83 jours passés dans le coma! «Je ne sais même plus le nombre de jours exact, mais c’est à peine moins de trois mois. Bon, faut dire que je ne me rendais compte de rien là où j’étais…»

Et puis, 83 jours après, «Dédé» a donc ouvert les yeux à l’hôpital d’Yverdon pour ce qu’il faut bien appeler un miracle, voire une résurrection. Très vite, le septuagénaire («Je suis né en 1947, comme Michel Sardou et Johan Cruijff, pour les moins connus, et Bouillon, pour les célébrités») se rassure: le cerveau est toujours là. «Ah c’est clair que la grande chance, c’est de ne pas avoir perdu la tête», souffle-t-il, reconnaissant à la vie. Il ne garde, pour l’heure, que deux séquelles de son voyage aller-retour vers l’au-delà: le muscle releveur des pieds qui ne s’est pas réveillé, et qui le handicape terriblement pour marcher, ainsi que l’oxygène qu’il doit respirer en permanence. «Mais j’ai bon espoir de pouvoir me passer très vite de ces tuyaux. Et pour les muscles, ma foi, les docteurs m’ont dit que c’était possible qu’ils se réveillent. J’y crois, bien sûr.»

Après 83 jours dans le coma, la rééducation ne va pas de soi. «Ah, alors ça.. J’ai réalisé assez vite en me réveillant que j’allais passer par des moments compliqués. Il m’a fallu tout réapprendre! J’en ai passé des heures avec ma pâte à modeler dans les mains… Ils te réapprennent à manger, tout! J’ai eu droit à des tests de calcul oral, pour voir si le carafon fonctionnait toujours. Pas de souci de ce côté, mais ce qui m’a frustré, c’est que j’étais trop fatigué pour lire. Après trois lignes, je m’écroulais… Pour moi qui suis un grand lecteur, c’était dur.»

Et puis, bien sûr, il y a les efforts physiques. «Faire un pas, c’est comme courir un marathon. Je n’exagère pas. Bien sûr que c’est décourageant, je suis passé par des moments difficiles dans la tête, mais j’ai tenu et j’ai remonté la pente», enchaîne-t-il, très reconnaissant envers Christine, qui a fait plus que l’accompagner durant cette épreuve. «C’est grâce à elle que je suis aussi en forme aujourd’hui. Je lui dois beaucoup, c’est une femme exceptionnelle. Je le savais déjà, mais la manière dont elle s’est occupée de moi, le nombre de fois où elle est restée des heures auprès de moi sans même que je le sache, tout en assurant son travail à côté, elle a été admirable. Et même plus que ça, il faudrait trouver un autre mot!»

André Gonin, technicien-géomètre à Yverdon au sein d’un bureau réputé, a donc réappris la vie depuis quelques semaines et a été très ému au moment de revenir chez lui, à Orzens. «Je remercie chaleureusement et sincèrement tout le personnel soignant, tous les médecins, tout le monde qui s’est occupé de moi. Je sais que mon histoire les a touchés, ce n’est quand même pas tous les jours qu’ils ont un cas comme ça! Mais c’est vrai que je ne pouvais plus voir ces chambres d’hôpital! Après mon réveil, j’ai passé un mois et demi aux soins intensifs à Yverdon, deux semaines à Chamblon, et le reste à Rolle dans un établissement spécialisé pour les problèmes pulmonaires. Je peux vous dire que j’étais content de retrouver mon lit après tout ça.»

André Gonin souffle un bon coup. «Ce que mes proches et mes amis ont vécu, c’est difficile. Ils ne savaient pas si j’allais revenir ou pas, toutes sortes de questions se posent. C’est pour ça que je remercie tous ceux qui ont pris soin de moi, qui se sont inquiétés. C’est terrible comme j’ai été atteint. Et c’est extraordinaire comme je reviens. Voilà, c’est une bonne formule, ça. Si j’étais à votre place, je finirais l’article comme ça!» L’histoire d’André Gonin n’est, elle, pas terminée.

 

La Revue de Thierrens l’automne prochain? Il n’ose pas encore y penser, mais… il y pense quand même

Combien de fois André Gonin est-il monté sur la scène de la Revue de Thierrens? «Ouff…. J’ai arrêté un moment, je suis revenu… Je dirais plus de trente, en tout cas, c’est sûr.» Acteur emblématique de la meilleure revue de Suisse romande, celui qui aime jouer le rôle de «Madame Gonin» dans des sketches inoubliables avec Bouillon, n’ose pas encore penser à la prochaine édition du spectacle. «Non, alors c’est trop loin. Il faudra déjà que je puisse marcher correctement.»

Mais évidemment, le simple fait de parler de la Revue 2021, qui aura lieu à l’automne, éveille une lueur dans son regard facétieux, même s’il ne veut pas aller trop vite et entend déjà récupérer toutes ses facultés physiques le plus vite possible. Mais c’est sûr que remonter sur scène avec Bouillon et tous les autres constitue une perspective d’avenir alléchante, d’autant que Bouillon (Denis Meylan à l’état-civil) a été l’un des fidèles amis qui sont venus sans arrêt au chevet du patient Gonin durant ces cinq mois et demi. «Il a raconté mon histoire à tout le monde, et il me disait à chaque fois tel ou tel te salue bien… Mais à force il en avait marre, alors pour résumer il me disait Bon, Dédé, alors tout le canton te salue bien. Voilà, c’est fait.»

Et le docteur Bouillon de sortir plus ou moins régulièrement de sa besace une fiole de médicament d’une contenance de 75 centilitres environ, dont le contenu pharmaceutique provient du Dézaley. Faut-il vraiment écrire dans le journal que «Dédé» se soigne parfois à autre chose qu’avec la médecine dûment homologuée? «Oh vous savez, je crois que pas mal de monde s’en doute…»

 

«Ma petite-fille Léna était sûre que j’allais guérir, c’est elle qui avait raison!»

André Gonin n’hésite pas trop quand on lui demande pourquoi et surtout comment il a pu s’en sortir. «Je ne pouvais pas partir, c’est tout. Dès que j’ai pu parler, j’ai dit à tout le monde que j’allais m’en sortir, que j’allais y arriver. J’ai montré par mon attitude que j’avais envie de vivre et d’être autonome le plus vite possible.» Voilà pour l’après-réveil, mais pendant ces 83 jours, quelle force a bien pu le maintenir en vie et, surtout le faire revenir à la surface? «J’avais une force en moi, c’est sûr. Vous savez, ma petite-fille Léna était plus tranquille que tout le monde, elle a dit plusieurs fois pendant cette période qu’il ne fallait pas s’inquiéter, que grand-papa allait guérir. C’est elle qui avait raison!» L’ancien syndic d’Orzens (huit ans municipal, seize ans au total) est doté d’un caractère très jovial, mais il peut aussi être une vraie tronche, ce qu’il a prouvé durant cet été «blanc».

Et puis, il y a eu Christine, bien sûr. «Elle a dit aux médecins que je lui avais promis le jour où je suis allé aux urgences que j’allais revenir. Elle leur a dit que j’étais un homme de parole, je suis content de lui avoir donné raison!», souffle André Gonin. L’homme indique d’ailleurs avoir déjà subi une intervention importante, il y a douze ans. «J’avais eu un triple pontage! Ils m’avaient déjà pris un peu à la dernière minute. J’étais un peu un miraculé à l’époque.» Voilà donc deux sauvetages de suite et «Dédé» se verrait bien arrêter là. «Ah oui, qu’on me foute la paix un moment, là. J’ai donné pour 2020, merci.» Et il se marre. Car ainsi est André Gonin, roi des bons types, éternel bon vivant.

Tim Guillemin