Malgré une forte augmentation du travail, l’Ordre judiciaire vaudois fait face. Mais pour combien de temps encore?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes: l’Ordre judiciaire vaudois a enregistré l’an dernier plus de 61 000 nouvelles causes, un record! Qui n’a d’égal qu’une autre performance, pour la première fois de l’histoire, le nombre de 500 000 poursuites a été dépassé. En termes d’efficacité, les collaborateurs de l’institution ont assuré. Mais leurs supérieurs, à commencer par la présidente du Tribunal cantonal Marie-Pierre Bernel, craignent pour leur santé.
Un bilan est trop souvent réduit à des chiffres. Mais dans le domaine judiciaire, ce ne sont que de modestes éléments face à l’ampleur d’une tâche essentiellement humaine, qu’on se trouve du côté du justiciable ou de la justice. «Beaucoup de tranches de vie sont soumises aux magistrats et aux collaborateurs de l’Ordre judiciaire», relève la présidente.
Si le nombre d’affaires enregistrées a progressé de 4%, les collaborateurs de l’OJ en ont traité 6% de plus. Mais combien de temps tiendront-ils à ce rythme? Car productivité et stress vont de pair. «Jusqu’à quand et à quel prix humain va-t-on aller si cette tendance à la hausse se poursuit?» s’interroge Tania Di Ferro Demierre, troisième membre de la Cour administrative.
Les mineurs ne sont pas en reste
Au Tribunal des mineurs, l’activité ne faiblit pas non plus: 3800 affaires ont été ouvertes l’an dernier (+3%), après un exercice 2023 qui avait affiché une progression de 20%.
Le nombre de récidives continue d’augmenter depuis 2021 et les responsables de l’Ordre judiciaire déplorent le manque de structures adaptées pour accueillir des jeunes délinquants, ne serait-ce que pour un court séjour.
Un besoin urgent d’espaces
à l’heure du bilan annuel, les représentants de l’institution judiciaire vaudoise ont voulu voir le verre à moitié plein. Car en termes de moyens mis à disposition, à commencer par les locaux, la compétence relève des politiques.
En maints endroits du territoire, la justice ne dispose pas, ni en nombre, ni en qualité, des espaces nécessaires. Si dans l’Est vaudois, une solution paraît se dessiner avec la construction d’un nouvel immeuble, à «Yverdon-les-Bains, il n’y a pas de projet», a relevé Marie-Pierre Bernel à l’heure des questions.
Or ceux qui se sont rendus une fois ou l’autre au Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, dans les anciennes casernes, ont pu constater que la place manque. Et on ne parle pas de la chaleur propre à provoquer les assoupissements lors des températures estivales. La problématique des locaux, notamment les salles d’audience, constitue «un défi important pour ces prochaines années», a relevé la présidente du Tribunal cantonal.
Dans ce contexte, impossible de renforcer les effectifs, faute de place pour accueillir de nouveaux collaborateurs. à l’heure où le Tribunal cantonal s’apprête à réinvestir totalement le site de l’Hermitage, sur les hauts de Lausanne, il est temps que les autorités politiques s’intéressent à la province.
Facteurs divers
De nombreuses variables expliquent l’augmentation d’activité quasi générale. à commencer par la démographie, mais aussi les difficultés économiques.
La situation conjoncturelle explique l’explosion du nombre des poursuites. Un phénomène constaté dans tout le pays, et illustré il y a peu par l’annonce des quelque 120 000 poursuites introduites par SERAFE pour récupérer la redevance TV.
Si les statistiques du premier trimestre reflètent une tendance à la baisse du nombre des causes et des poursuites, ce répit pourrait n’être que de courte durée. En effet, avec l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de la loi fédérale, les créanciers de droit public pourront également requérir la mise en faillite du débiteur. L’an dernier, le nombre des faillites a par exemple progressé de 13% dans le Nord vaudois.
Le Registre du commerce aussi
Le Registre du commerce n’échappe pas à cette augmentation d’activité généralisée avec une progression de 10% du nombre de dossiers soumis. Cet office traite toutefois la presque totalité des réquisitions en l’espace de deux jours.
Le consensus parental pour apaiser les séparations
La surcharge de travail n’empêche pas les collaborateurs de l’Ordre judiciaire d’affronter de nombreux défis, liés tant à la numérisation, nous y reviendrons à l’occasion, qu’à l’évolution de la société.
Dans ce contexte, les chambres de protection de l’enfant ont été renforcées par des assesseurs spécialisés. Les effectifs de ces personnes rattachées aux Justices de paix sont au complet.
S’inspirant de l’expérience du Valais – le Vieux Pays est précurseur dans ce domaine –, une expérience pilote visant à favoriser le consensus parental lors des séparations est en cours dans l’Est vaudois. Les premiers résultats sont très encourageants.
Avant même d’entrer dans la phase de médiation, les parents sont initiés au dialogue. Le but est de parvenir à un accord sur la garde des enfants et d’éviter à ces derniers de devenir des otages, et de subir les désaccords de leurs parents.