Culture – A quelques heures de la première mondiale du spectacle de danse contemporaine Imbalance («déséquilibre» en anglais) de la Company Idem, les chorégraphes Matthias Kass et Clément Bugnon nous emmènent dans les coulisses d’une création loin des clichés de la danse abstraite.
Matthias Kass et Clément Bugnon, comment vous sentez-vous à l’approche de la première, sachant que vous faites également l’ouverture de la saison au Théâtre Benno Besson?
Matthias Kass: Je me sens nerveux bien sûr… (rires). Avant une première, c’est toujours le stress car on ne sait jamais comment le public va réagir à notre spectacle. D’autant plus que je suis à la fois chorégraphe et danseur sur cette création. Il est difficile d’avoir un aperçu général de ce que cela va donner.
Clément Bugnon: C’est vrai que tu as plusieurs casquettes pour cette pièce… (rires). Pour ma part, je me sens nerveux mais je sais aussi que nous sommes prêts. C’est aussi un honneur d’être résident au Théâtre Benno Besson car cela fait depuis 2012 que nous proposons nos pièces au théâtre. Nous avons construit une confiance avec les directeurs, programmateurs et programmatrices du théâtre au fil des ans et, maintenant, cela nous fait vraiment plaisir d’ouvrir la saison avec Imbalance.
Vous êtes en résidence au théâtre depuis trois ans. Il s’agit aussi du temps depuis lequel vous travaillez sur cette pièce, n’est-ce pas?
M.K.: Oui, j’ai eu une première idée juste avant la pandémie. Puis tout s’est arrêté, ce qui m’a poussé à approfondir cette idée. Au long de mes recherches, ce qui était censé être un spectacle solo court est devenu une création bien plus longue.
C.B.: Notre point de départ était le dieu du théâtre et les bacchantes, les femmes qui vouaient un culte à ce dieu et le suivaient aveuglément. Dans le théâtre antique, les acteurs qui représentaient ces femmes se penchaient d’avant en arrière et, dans notre création, nous reprenons ce mouvement comme motif. Je dirais que ce mouvement a été le point de départ de la partie physique de notre spectacle.
Pourquoi avoir choisi la Grèce antique, pour parler au public d’aujourd’hui?
M.K.: Pour moi, plus j’en apprenais sur le dieu Dionysos, plus je m’intéressais à sa nature contradictoire. Son mythe nous apprend à accepter nos paradoxes. Il nous apprend à lâcher prise lorsque c’est nécessaire mais également prendre le contrôle quand nous en avons la possibilité. Pour avoir un équilibre dans la vie, il faut savoir perdre l’équilibre par moments et je pense que ce message est important pour tout le monde. Nous vivons dans un monde où l’on cherche toujours à avoir le contrôle et, pourtant, nous n’avons jamais été en aussi grande dissonance avec ce qui nous entoure.
Un message tout à fait pertinent, mais la danse est-elle la meilleure façon de le transmettre?
M.K: Je dirais que, de nos jours, la danse n’est peut-être pas le meilleur medium pour transmettre un message car les personnes passent plus de temps devant leurs écrans. La vidéo est plus directe, elle parle littéralement aux personnes.
C.B.: C’est vrai, toutefois, je pense que la richesse de la danse se trouve dans le fait que l’on n’utilise pas les mots, c’est universel et cela ouvre la possibilité à plusieurs interprétations. Il faut aussi prendre l’initiative de venir au théâtre contrairement aux écrans qui sont généralement à portée de main. Mais je pense qu’il est important de se déplacer pour se confronter à quelque chose dont on n’a pas l’habitude qui nous fait ressentir des émotions et sortir de l’apathie des réseaux sociaux. Cela dépend aussi des choix des chorégraphes qui peuvent créer une pièce abstraite ou plus littérale comme avec le ballet classique qui suit généralement un conte.
En quelques mots, comment définiriez-vous votre pièce?
C.B.: It’s rock’n roll! La musique, l’énergie et la générosité des danseurs, c’est une expérience unique!
M.K.: J’allais dire la même chose… (rires). Nous avons travaillé dur pour faire en sorte que le produit final transmette autant d’énergie.
Avant de vous laisser partir répéter, une dernière question pour Clément Bugnon. Vous êtes né à Orbe, vous habitez à Sainte-Croix, qu’est-ce que cela vous fait de présenter la première mondiale de ce spectacle dans votre région?
C.B.: C’est un honneur parce que le théâtre est non seulement magnifique mais il y a aussi un public à conquérir en termes de danse ici. Je pense qu’on souffre un peu des clichés autour de la danse contemporaine qui est souvent vue comme trop abstraite ou élitiste. Ce n’est pas ce qu’on fait. On est plutôt dans la générosité, le partage de l’énergie et de l’émotion. Donc c’est un home game: c’est un défi mais je peux compter sur le soutien de mon entourage comme je suis à la maison.
Infos Pratiques
Où: Théâtre Benno Besson.
Quand: jeudi 21 et vendredi 22 septembre à 20h.