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«Avec Murat Yakin, il y a plus de place pour la spontanéité»
Vincent Cavin lors de son passage à La Prairie, mardi. © Michel Duperrex

«Avec Murat Yakin, il y a plus de place pour la spontanéité»

7 avril 2022 | Edition N°3182

Football - Invité par le Club des 1000, l’entraîneur assistant de l’équipe de Suisse Vincent Cavin s’est montré généreux en anecdotes pour évoquer son parcours, des juniors d’Yvonand à la Nati, mardi à La Prairie.

Non, les grosses chaussures que portait Vincent Cavin mardi n’avaient rien à voir avec son passage à La Chaux-de-Fonds la veille. L’assistant de Murat Yakin s’est en fait rompu un tendon d’Achille il y a un mois, en jouant au football. «On était à un séminaire avec les entraîneurs de l’ASF et, à la fin de la journée, on s’est livrés à un petit match sur synthétique. Je crois qu’à partir d’un certain âge, on devrait arrêter ce genre de choses», a plaisanté le quadragénaire. Qui, questionné sur comment passer des juniors de Donneloye – village où il a grandi – à l’équipe nationale, a donné une réponse sans appel: «J’ai fait mes juniors à Yvonand… Parce que je crois, qu’à l’époque, il n’y en avait pas au FCD.» Il n’en reste pas moins que pour gravir les échelons, l’ancien joueur d’YS a su saisir les opportunités qui se présentaient.

Avec la «une» d’YS après avoir été recalé en juniors

«Quand tu es sportif, il faut toujours y croire, même si on te dit un jour que tu n’as pas le niveau», a souligné Vincent Cavin lors de son passage au rendez-vous mensuel du club de soutien d’Yverdon Sport. L’ancien footballeur professionnel est particulièrement bien placé pour le savoir: alors qu’il évoluait avec les juniors d’YS, le Nord-Vaudois n’a pas passé le «cut», à l’âge de 15 ans, pour continuer d’évoluer avec les Verts.

Il rejoint alors la «une» du FC Donneloye, dirigée par Jean-Claude Magnin, dont les théories d’avant-match sont restées célèbres et tournent encore sur les réseaux sociaux. «On aurait pu lui donner quelque chose à chaque fois pour le spectacle qu’il offrait», sourit Vincent Cavin. Après avoir évolué pendant deux ans avec les Oies, il passe par Echallens et est entraîné par Lucien Favre, qui le fera par la suite venir… à la «une» d’Yverdon Sport. «Lulu a été fantastique pour les jeunes de la région, il donnait beaucoup de son temps. J’ai ensuite compris que tous les entraîneurs n’étaient pas tous comme ça…» Le milieu de terrain goûte au plus haut niveau suisse avec YS et le Lausanne-Sport, avant d’aller terminer sa carrière au Tessin.

Un voyage en Géorgie dont personne ne voulait

Sa carrière de footballeur pro terminée, Vincent Cavin reste au Tessin, où il est désormais établi depuis vingt ans, et devient responsable de Team Ticino. Il y côtoie l’actuel directeur des équipes nationales Pierluigi Tami, qui cherche un observateur pour aller en Géorgie, futur adversaire de la Suisse M21. «Quand tu vas là-bas, c’est un vol de nuit, tu observes l’équipe puis tu repars sans dormir. Donc je pense que personne ne voulait s’y rendre», rigole-t-il.

Mais Vincent Cavin saisit l’opportunité puis, fort de son expérience à la vidéo avec les M21, se voit proposer d’accompagner l’équipe A au Mondial 2014 au Brésil en tant qu’analyste. «Avec les Rougets, on filmait les matches en plan large pour voir tout le monde. L’équipe A, elle, faisait avec les images de la télé et on m’avait dit qu’Ottmar Hitzfeld ne verrait pas forcément l’utilité de ce que je faisais. On m’avait d’ailleurs dit si, quand ce sont les attaquants qui sont filmés, tu ne vois pas les défenseurs, c’est que ceux-ci sont trop bas. Mais au final, le sélectionneur a été fantastique et, contrairement à ce que certains pensaient, il s’est intéressé à ce que la technologie avait à offrir.»

Le sérieux de «Vlado», la gentillesse de Murat

Après avoir pleinement intégré le staff de l’équipe de Suisse en 2018, lorsque Vladimir Petkovic en était le sélectionneur, Vincent Cavin y occupe désormais le poste d’entraîneur assistant au côté de Murat Yakin. Et difficile d’imaginer plus différents que les deux hommes. «Vlado est dans l’hyper contrôle, il donnait cette image de quelqu’un de sérieux, de sévère. Il voulait tout savoir, le comment et le pourquoi des choses. Il voulait que chacun donne le meilleur et testait les gens pour voir s’ils pensaient vraiment ce qu’ils disaient. Les résultats étaient bons, mais tout le monde était tout le temps sous pression. Murat est quelqu’un qui fonctionne à l’extrême inverse. Il donne plus facilement sa confiance aux gens. Et il y a plus de place pour la spontanéité.»

Le sélectionneur a ainsi accédé à la demande de dernière minute de ses joueurs, lorsque l’équipe de Suisse s’entraînait à Lausanne l’automne dernier, d’aller assister à une représentation du cirque Knie en lieu et place du deuxième entraînement de la journée… Et le Nord-Vaudois de raconter encore: «Lors du repas avant le match décisif pour la qualification au Mondial, un papa et son enfant sont venus à la fenêtre avec un maillot. Murat l’a non seulement signé, mais il l’a aussi fait passer à la table des joueurs pour qu’ils le signent aussi. Il le fait par gentillesse, pas pour plaire aux médias. Mais je lui dis parfois qu’il doit faire attention et se protéger, car l’entraîneur transmet son énergie aux joueurs. Il ne peut pas arriver fatigué sur le terrain.»

Un rôle qui correspond à sa personnalité

Coordinateur sportif pour la Nati avant de devenir assistant, Vincent Cavin a œuvré pour créer des contacts avec les différents agents, clubs et directeurs sportifs entourant les footballeurs de l’équipe de Suisse. Et il apprécie grandement de pouvoir aider et accompagner les joueurs. «On les voit comme des privilégiés qui gagnent des millions, mais on ne se rend pas forcément compte que c’est souvent difficile pour eux en club, quand tu arrives sans parler la langue et que tu ne joues pas.»

Un rôle qu’il ne troquerait pas forcément pour celui d’entraîneur: «Je me concentre sur mes tâches actuelles, j’apprends. Il faut beaucoup d’expérience pour entraîner. Je me vois plus comme quelqu’un qui accompagne une autre personne, cela correspond plus à ma personnalité. Mais on ne sait jamais.»

Muriel Ambühl