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Baptême  du premier centre taoïste européen
Centre Taoïste Ming Shan. © Carole Alkabes

Baptême du premier centre taoïste européen

25 novembre 2019 | Edition N°2631

Le village du Balcon
du Jura n’en revient pas!
Il s’est déplacé en masse pour découvrir le Centre Ming Shan.

Dire que la bâtisse suscite l’interrogation est un euphémisme, et ce qu’elle abrite probablement plus encore! Financé notamment par le Canton de Vaud, par la Confédération et par l’Aide suisse aux montagnards, le Centre Ming Shan, qui a coûté 5 millions de francs, s’attend à accueillir 5000 visiteurs par année.

Le week-end dernier, ce site, dont le nom pourrait se traduire par «montagne de la clarté», a été construit à l’initiative d’un Yverdonnois, le Dr Fabrice Jordan. Il en est le directeur. L’idée de construire le premier centre européen taoïste est née de sa volonté de complémentarité et de dialogue avec la médecine occidentale. Médecin spécialiste FMH en médecine interne, acupuncteur et professeur de tai chi, il a pris conscience très jeune de la spiritualité et du rôle essentiel qu’elle tient dans sa vie. à l’âge de 15 ans déjà, il lisait des textes du maître zen Suzuki à l’heure où ses copains préféraient aller se baigner ou lire des bandes dessinées.

En partenariat avec l’EPFL+ECAL Lab, qui n’est autre qu’un centre de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, situé sur le site de l’École cantonale d’art de Lausanne, les chercheurs ont créé une machine qui permettra de capter différents paramètres médicaux lorsqu’une personne entrera en méditation. Ils pourront relever scientifiquement ses incidences sur le corps, tant sur le cœur que sur les poumons ou le cerveau. Par ailleurs, l’architecture particulièrement sobre des lieux respecte la philosophie zen, ou pour le moins une certaine harmonie.

Des avis mitigés

Si samedi matin les officiels en tout genre ont discouru sur l’estrade installée à cet effet, les habitants de la région ne se sont pas privés de visiter les lieux. Ainsi, à l’heure traditionnelle de l’apéro, les bistrots des villages voisins étaient vides. «Nos clients sont déjà repartis pour aller visiter le centre», nous confiaient Sushil Gigon et Laetitia Depoorter, patrons du Café du Centre, à Bullet. «Nous voyons d’un assez bon œil cette réalisation. C’est très surprenant de penser que le seul centre européen taoïste soit chez nous, dans un tout petit village du Jura suisse», relèvent-ils en chœur. Ravis, ils ont déjà accueilli des adeptes de passage venus manger dans leur pinte, après avoir suivi un des nombreux séminaires organisés dans le Centre Ming Shan. «Ce centre va amener de la clientèle dans les commerces et chez les producteurs de la région. C’est une très bonne chose.» Quant à la doyenne de Bullet, seule piétonne en vue, elle s’en fiche royalement: «Je n’irai pas, affirme-t-elle. Je me porte très bien, je ne souffre de rien. Une boîte d’aspirine dure cinq ans chez moi. Je ne vois vraiment pas ce que j’irais faire là-bas», conclut-elle en continuant son chemin. Au restaurant des Planets, aux Rasses, Daniel Burdet, vigneron à Valeyres-sous-Montagny, boit un verre avec le gérant du magasin de ski voisin. «Ma seule inquiétude est de savoir qui va financer cela. Car c’est tout de même avec nos impôts que ces aides ont été accordées! Et si le centre ne rencontre pas le succès escompté, qui va passer à la caisse? Toujours les mêmes: nous!», affirme le vigneron.

Craintes financières

L’avis d’une autre tenancière, qui a souhaité garder l’anonymat, est légèrement différent. «Je trouve que c’est très bien d’avoir créé ce centre ici. Mais ce qui me dérange, c’est que l’Aide suisse aux Montagnards l’ait sponsorisé à hauteur de 80 000 francs. Avec cet argent, on aurait pu faire tourner le téléski en été et amélioré les pistes de ski. Je pense que cette organisation ne devrait pas financer ce genre de centre.» Interrogé à ce sujet, Charles-André Ramseier, expert auprès de la Fondation, précise: «Nous estimons qu’il est important que les villages de montagne ne se dépeuplent pas. Et une des façons d’aider les populations, c’est aussi de contribuer au maintien économique et social des villages. Ce centre n’abrite que trente chambres. Les hôtels et autres auberges de la région vont profiter de la fréquentation de ce site. Les producteurs locaux aussi, puisque la cuisine conçue dans le centre est essentiellement de la région. C’est pour cette raison que nous avons jugé bon d’aider à sa réalisation, ceci en accord avec la Confédération.»

Quoi qu’il en soit, les adeptes de médecine chinoise et de taoïsme pourront profiter, lors de leur séjour, d’une vue extraordinaire sur les Alpes bernoises et vaudoises, et d’un silence que seuls des sites d’exception sont encore en mesure d’offrir.

Dominique Suter