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Un berger revient à ses moutons dans le Nord-vaudois

20 novembre 2017 | Edition N°2127

Orzens – Chaque année, à la même période, Pascal Eguisier est de retour dans la région. Rencontre avec un homme libre qui n’échangerait pour rien au monde son métier de berger.

Avec son chapeau bergamasque et son bâton de berger, Pascal Eguisier, ne passe pas inaperçu dans la région du Nord-vaudois. ©Carole Alkabes

Avec son chapeau bergamasque et son bâton de berger, Pascal Eguisier, ne passe pas inaperçu dans la région du Nord-vaudois.

C’est un troupeau de 800 bêtes au duvet laineux qui s’est installé dans une clairière, située en contrebas du village d’Orzens, samedi dernier. Depuis quelques jours seulement, Pascal Eguisier, 60 ans, et ses moutons sillonnent à nouveau la campagne romande par des températures plutôt fraîches. Plus de 600 kilomètres les attendent durant cette transhumance hivernale qui durera jusqu’à mi-mars. «C’est la période de la transhumance que je préfère, car le troupeau est encore indiscipliné», confie le berger, un brin anarchiste.

Mais cette année, l’homme qui avait marqué les esprits, en 2012, dans le film «Hiver Nomade», réalisé par Manuel von Stürle, sortira de l’hiver un peu plus tôt que prévu.

Il s’apprête à travailler dans sa buvette d’alpage, ouverte toute l’année et située sur les hauts d’Anzère (VS), dès le 20 décembre.

 

Transmission du savoir

 

Sur le campement, rien de tel pour se réchauffer que des peaux de moutons. ©Carole Alkabes

Sur le campement, rien de tel pour se réchauffer que des peaux de moutons.

Sur son campement, ses deux chiens, Kiwi et Casimir, veillent attentivement sur les moutons, pendant que son apprenti-berger, David Henguely, 33 ans, fait chauffer le café. «Ce n’est pas évident de trouver de la relève, car c’est un métier éprouvant, révèle Pascal Eguisier, qui a appris l’art pastoral auprès des bergers bergamasques. David est à l’écoute et il a cette soif d’apprentissage.» D’ici la mi-décembre, c’est donc seul que le jeune homme poursuivra sa route avec les ovins de Jean-Paul Peguiron, éleveur à Cuarny.

Pascal Eguisier observe avec attention son troupeau de 800 bêtes. ©Carole Alkabes

Pascal Eguisier observe avec attention son troupeau de 800 bêtes.

«Etre berger, c’est un peu comme un sacerdoce. En quelque sorte, on rentre dans les ordres et il faut avoir la foi en ce que l’on fait», glisse Pascal Eguisier entre deux gorgées de café. Et de poursuivre : «Cela fait plus de quarante ans que j’ai choisi cette vie de nomade et je l’assume. Mais je suis conscient que ce n’est pas à la portée de tout le monde. C’est à la fois une liberté et un asservissement, puisqu’on est dévoué 24 heures sur 24 au troupeau». Rien à voir avec l’été qu’il vient de passer, dans les Pyrénées, à s’occuper d’un troupeau de 350 vaches. «C’est différent, le travail de surveillance est moins intense», note le berger originaire de la Corrèze, même s’il a assisté à la naissance de cinquante veaux.

 

Après «Hiver Nomade»

 

L’un des deux ânes, sous la conduite de David Henguely. ©Carole Alkabes

L’un des deux ânes, sous la conduite de David Henguely.

Avec le recul, comment perçoit-il le documentaire qui avait touché bon nombre de Romands ? «L’émotion qui s’est dégagée de ce film m’a beaucoup touché. Il y a des personnes qui n’étaient pas allées depuis quarante ans au cinéma et qui s’y sont rendues trois ou quatre fois pour le voir, raconte-il. Les gens ont ainsi accédé à l’antre du berger.»

La suite de son parcours ? Il ne sait pas encore. «A chaque jour suffit sa peine, sourit-il. Cet après-midi, on va se rendre sur les hauts de Thierrens, mais demain (ndlr : hier) je ne sais pas où nous nous installerons.»

On quitte le berger près de son troupeau en train de caresser l’un de ses quatre guides, Camilo, un mouton de la race pecora brianzola, doux comme un agneau. «On prend toujours un ou deux moutons sous notre aile pour les domestiquer un maximum et pour qu’ils puissent guider les autres», conclut Pascal Eguisier en brandissant un morceau de pain sec.

Au final, c’est peut-être ça qu’il faut retenir du berger, un respect profond pour ses bêtes.

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Valérie Beauverd