Logo

Bras de fer pour un poids public cassé

24 octobre 2017 | Edition N°2108

Juriens – Unique en son genre, le poids public villageois a été classé par le Canton. Il sera reconstruit. Propriétaire, la Commune n’est pas enthousiaste.

Il ne reste que peu de traces du petit édicule détruit... ©Michel Duperrex

Il ne reste que peu de traces du petit édicule détruit…

«On ne mettra pas un sou pour la reconstruction !» Rosemay Christen, syndique de Juriens, et ses collègues municipaux ne sont pas enthousiastes à l’idée de reconstruire le poids public. Ils sont allés jusqu’au Tribunal cantonal pour défendre leur point de vue. En vain.

Malgré l’opposition de la Municipalité, le Canton, par la signature du conseiller d’Etat Pascal Broulis, chef du Département des finances et des relations extérieures -la Section Monuments et Sites dépend de son département-, a classé cet édicule aux caractéristiques uniques.

La décision, prise mardi dernier, vise à assurer «la reconstruction, la sauvegarde et la conservation du poids public», propriété de la Commune.

 

Un objet unique

 

Selon les considérants de la décision, le poids public de Juriens est l’un des sept du canton inscrits à l’Inventaire cantonal. Un seul a été jusqu’ici classé monument historique.

Sur les 84 poids publics répertoriés, seuls trois se rapprochent stylistiquement de celui de Juriens, mais leur architecture est plus simple.

 

Briques polychromes

 

C’est dire que l’objet de la commune nord-vaudoise, construit avec des briques polychromes, est unique. «Il est le représentant le plus achevé de l’usage d’un matériau qui se développe intensément au XIXe siècle, où il devient progressivement bon marché et de plus en plus courant pour les bâtiments fonctionnels, tels les poids publics», relate la notice historique.

La décision ne concerne que le bâtiment. En effet, le plateau de pesée et le mécanisme, dégradés, ont été démontés il y a une dizaine d’années et envoyés au rebut.

 

Des avis tranchés

 

En raison de l’opposition manifestée par la Commune -elle a réaménagé le site peu après l’accident-, le Canton se montre très strict dans sa décision. En effet, toutes réparations, modifications ou transformations des parties de l’objet devront préalablement obtenir l’aval du Département en charge de la protection du patrimoine. Et de rappeler que les contrevenants s’exposent à une amende pouvant aller jusqu’à 20 000 francs.

Cette décision de classement peut faire l’objet d’un recours auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal Cantonal. Il n’est pas exclu que la Municipalité tente une nouvelle fois sa chance.

 

Un compromis ?

 

«On ne veut pas le reconstruire. C’est ridicule de classer un objet qui n’existe plus. C’est trop tard», tonne la syndique. C’est d’ailleurs contrainte et forcée qu’elle avait affiché au pilier public le projet de classement lors de sa mise à l’enquête.

Pascal Broulis déplore ce bras de fer. Pas moins de trois séances de conciliation ont été organisées, sans succès. Peut-être que le compromis consistant à reconstituer la façade du poids public sur celle, voisine, du collège permettrait à toutes les autorités de s’en sortir la tête haute.

 

Un vrai miracle

 

L’édicule du poids public a été fracassé le 28 août 2016 lors d’un accident spectaculaire qui aurait pu avoir des conséquences bien plus dramatiques. En effet, un convoi agricole -tracteur et remorque chargée de quelque dix tonnes de marchandise- s’est mis subitement en marche et il a dévalé la pente, traversé la route La Praz-Vaulion, puis s’est encastré dans le poids public, faisant voler le petit bâtiment en éclats. Fort heureusement, aucune personne n’a été touchée et seuls des dégâts matériels sont à déplorer. L’assurance du véhicule impliqué devrait prendre en charge les réparations, mais pas forcément une reconstruction à l’identique. Les éléments récupérables ont été stockés à la déchetterie.

Isidore Raposo