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«C’est un cadeau de voir le public rire»

2 mai 2017 | Edition N°1987

Yverdon-les-Bains – Yamina Zoutat a reçu le Sesterce d’argent, vendredi, au festival Visions du Réel de Nyon pour son documentaire intitulé «Retour au Palais». Rencontre avec cette cinéaste du lieu qui rayonne à travers le monde.

Le défi de Yamina Zoutat en réalisant «Retour au Palais» était de faire de ce lieu le personnage principal du film durant 87 minutes. ©DR

Le défi de Yamina Zoutat en réalisant «Retour au Palais» était de faire de ce lieu le personnage principal du film durant 87 minutes.

Une chose est sûre, Yamina Zoutat n’est pas passée inaperçue le week-end dernier pour son retour dans le festival Visions du Réel à Nyon. Après avoir remporté un premier prix en 2011 pour son moyen-métrage «Les Lessiveuses», cette Yverdonnoise d’origine a obtenu, vendredi dernier, le Sesterce d’argent, qui récompense le meilleur long-métrage suisse, toutes sections compétitives confondues. Son documentaire intitulé «Retour au Palais», terminé il y a à peine dix jours, était présenté en première mondiale du 23 au 29 avril dernier. La cinéaste a travaillé plus de sept ans sur ce projet, qui retrace les douze années qu’elle a passées dans les couloirs et les salles d’audience du Palais de justice de Paris en tant que chroniqueuse judiciaire pour TF1. Rencontre.

 

Yamina Zoutat, qu’est-ce que cela vous a fait de recevoir ce prix ?

C’est une immense joie et une grande fierté, ce d’autant plus que mon film était dans la catégorie internationale. Il concourait donc avec des grandes productions.

 

Cette récompense démontre que le jury du festival a apprécié votre documentaire, mais avez-vous eu des retours de la part du public ?

Oui, beaucoup de personnes sont venues me voir pour me féliciter. Elles étaient émues parce que je raconte une partie de mon histoire en tant que chroniqueuse judiciaire à Paris.

 

Vous avez tenu à assister au trois projections de votre œuvre à Nyon. Pourquoi ?

Je voulais voir les réactions du public lorsqu’il découvrait le film parce que, dans certaines scènes, j’ai tenté de lui donner la possibilité de rire en racontant des petites histoires qui se passaient au Palais de justice et je voulais savoir si ce deuxième degré était perçu. Et c’était le cas ! C’est un cadeau de voir le public rire et sourire, surtout que ces rires n’étaient pas moqueurs mais francs.

 

Qu’est-ce qui a particulièrement fait rire le public ?

Par exemple, le moment où je décris le vol de l’horloge d’un magistrat dans son bureau. Tout le monde était en alerte parce que ça s’était déroulé durant le procès d’un terroriste et surtout, les magistrats étaient surpris que l’on puisse pénétrer aussi facilement et sans se faire prendre dans le Palais de justice. Les enquêteurs ont d’abord accusé les femmes de ménage, mais en fait ils ont découvert que c’était l’un des juges qui traitait l’affaire de terrorisme.

 

Pour quelles raisons souhaitiez-vous ajouter des pointes d’humour ?

Un documentaire, c’est généralement un film qui traite de sujets lourds et graves. Mais il ne faut pas rester dans cette pesanteur. Je trouve d’ailleurs qu’en allégeant le scénario avec une pincée d’humour, cela donne beaucoup plus de relief au sujet.

 

Qu’est-ce qui change dans ce film par rapport au précédent ?

L’histoire est totalement différente. «Les Lessiveuses» raconte la vie des mères des détenus français condamnés à de longues peines. Car elles sont les seules à s’en occuper, en leur amenant la seule chose à laquelle ils ont droit : du linge. Mais ce moyen-métrage était beaucoup plus posé et plus sérieux que «Retour au Palais». Avec ce dernier film, j’ai voulu être plus souple dans les cadrages, plus proche des gens en ne me focalisant pas que sur les mains mais surtout sur les visages. Et il est très personnel, puisque je parle de ce que j’ai vécu.

 

Pourquoi avoir choisi Nyon pour sa première sortie et pas votre ville, Yverdon-les-Bains ?

Tout d’abord, Visions du Réel c’est l’un festival du documentaire les plus célèbres au monde. Ensuite, c’était une histoire de fidélité, parce que le directeur du festival m’avait donné ma chance lors de sa première année à ce poste, et cette année, c’était sa dernière édition.

 

Les Yverdonnois pourront-ils le visionner prochainement ?

Oui, je tiens absolument à ce qu’il y ait une projection à Yverdon-les- Bains. Et comme le film a été coproduit avec la RTS, il sera aussi diffusé à la télévision.

 

Autodidacte du cinéma

 

Yamina Zoutat a tourné «Retour au Palais» durant quatre ans. ©DR

Yamina Zoutat a tourné «Retour au Palais» durant quatre ans.

Yamina Zoutat est une Yverdonnoise pure souche, qui a vécu et étudié à Yverdon-les-Bains jusqu’à la fin de son gymnase. Ensuite, elle est partie étudier à Paris, avant d’entamer une carrière de journaliste à TF1. Ensuite, elle se plonge dans le monde des cinéastes avec son premier documentaire «Les Lessiveuses», qui a circulé dans le monde entier et est devenu un opéra. Et elle enchaîne avec «Retour au Palais», qu’elle réalise entièrement. De l’écriture du scénario, au tournage, au son, à la pose de voix pour les histoires et les commentaires, elle fait tout sauf le montage, auquel elle participe toutefois. «Je suis présente de A à Z dans mes films», confie Yamina Zoutat. La cinéaste autodidacte tient énormément compte de l’avis du public pour avancer et s’améliorer au fil des projets : «C’est un petit peu notre maître d’école et je m’inspire des remarques», poursuit-elle. Aujourd’hui, elle ne vit que du cinéma, puisqu’elle enseigne son art à l’Université de Paris 2.

Christelle Maillard