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«C’est un grand honneur que mon fils soit le premier Romand en équipe de Suisse»
Mehdi Ben Romdhane (en blanc) avec la Suisse, lors du match contre la France, durant le Mondial en Egypte. © KEYSTONE/Urs Flueeler.

«C’est un grand honneur que mon fils soit le premier Romand en équipe de Suisse»

21 janvier 2021 | Edition N°2876

Ancien joueur de l’US Yverdon, Ameur Ben Romdhane a assisté avec fierté aux premiers pas de son fils Mehdi en équipe nationale A, la semaine dernière à l’occasion du Championnat du monde.

La cerise sur le gâteau

Il n’y aura pas eu de valise préparée longtemps à l’avance ni d’heure de rendez-vous à l’aéroport soigneusement notée dans l’agenda pour Mehdi Ben Romdhane. Tout comme ses coéquipiers, le handballeur vaudois a en effet appris à la dernière minute que la Suisse s’envolerait finalement pour l’Egypte, afin de prendre part au Mondial.

La raison? La formation helvétique avait été désignée deuxième nation de remplacement, et le retrait des États-Unis – après celui de la République tchèque –, en raison du Covid, lui a ouvert grand les portes du Championnat du monde. La décision étant tombée mardi de la semaine dernière alors que la Suisse devait jouer son premier match deux jours plus tard, il a fallu faire vite. «C’était stressant, confirme Ameur Ben Romdhane, papa de Mehdi. Heureusement, l’entraîneur national Michael Suter avait regroupé l’équipe pour un stage les jours précédents au cas où. Et il a bien fait!»

Aligné lors du premier match de la Suisse, contre l’Autriche, son fils Mehdi est devenu le premier Romand à jouer en équipe de Suisse A. «C’est un grand honneur, ça me fait très plaisir, lance l’ancien joueur et entraîneur de l’US Yverdon. C’est la cerise sur le gâteau.» Et l’arrière gauche de 19 ans a passé un palier de plus à sa deuxième apparition, en inscrivant un but contre la Norvège. «Ça, c’était le top, la cerise sur le gâteau», lance Ameur Ben Romdhane avec fierté.

Ameur Ben Romdhane est par ailleurs arbitre de handball. © Olivier Allenspach/Flashpress

Un papa impliqué

La sélection de Mehdi Ben Romdhane en équipe de Suisse ne doit rien au hasard. Lui et son jumeau Sadok ont mis toutes les chances de leur côté dès leur plus jeune âge, épaulés par leur père. Les deux Yverdonnois – ils ont passé leurs cinq premières années dans la Cité thermale avant de déménager à Romanel-sur-Lausanne – ont ainsi rejoint le pôle de Chambéry l’année de leurs 13 ans.

«Ils sont restés deux ans là-bas, en internat. Mais ils ne pouvaient pas disputer les interpôles, car ces compétitions sont réservées aux Français afin de les préparer à rejoindre l’équipe nationale. J’ai donc retiré mes fils, et la Suisse Handball Academy de Schaffhouse a manifesté son intérêt», explique Ameur Ben Romdhane.

Pour Mehdi et Sadok, se sont ensuivies deux années à apprendre le suisse-allemand et à s’entraîner entre six et huit fois par semaine. «En Suisse romande, les jeunes n’ont pas la possibilité de s’entraîner six jours sur sept avec un club. Alors que c’est le rythme nécessaire pour les préparer à devenir professionnels. J’ai toujours cherché les possibilités d’entraînement les plus intensives pour mes fils. Ils ont fait de gros sacrifices, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Et aujourd’hui, ça paie. Il faut viser le plus haut possible parmi les solutions que l’on a autour de soi. Mais attention, je l’ai toujours fait avec l’accord de mes enfants, je ne les ai jamais obligés. Je suis derrière eux, pas devant.»

D’ailleurs, quand on le questionne sur son passé de handballeur, l’ancien joueur de 1re ligue coupe court: «Je ne suis pas important par rapport à ce que mes fils réalisent aujourd’hui.» Et ce père de quatre enfants ne ménage pas ses efforts pour ses jumeaux: «Je vais souvent à Schaffhouse pour les voir en match ou lorsqu’ils ne peuvent pas rentrer à la maison pour le week-end. Il m’est même arrivé de leur donner l’entraînement le dimanche, lorsqu’il n’y avait personne pour le faire.»

Désormais, Ameur Ben Romdhane s’attèle surtout à les épauler mentalement. «Il faut un mental de fer pour gravir les échelons et savoir gérer des événements comme le Mondial. Ce n’est pas évident. Sans un bon encadrement, on peut vite dériver.» Mehdi et Sadok peuvent compter sur un soutien familial sans faille, leur mère n’étant pas en reste.

 

Avec la Suisse ou la Tunisie?

Binationaux, les jumeaux Ben Romdhane auraient pu suivre les traces de leur père, ancien membre de l’équipe nationale tunisienne juniors. «Ils ont eu des propositions tant de la Suisse que de la Tunisie, précise Ameur Ben Romdhane. Ils ont d’ailleurs effectué un stage avec cette dernière en juniors. » C’est finalement le maillot rouge à croix blanche que Mehdi et Sadok ont choisi de revêtir.

«J’aurais été très heureux qu’ils portent les couleurs tunisiennes, mais vu l’encadrement, l’environnement, l’équipe de Suisse était plus avantageuse pour eux. On va souvent en Tunisie, mais les garçons sont nés et ont grandi ici. C’était un choix normal et logique.»

Et si, comme en club, les deux frères avaient jusque-là effectué l’intégralité de leur parcours ensemble, Mehdi vient de prendre un peu d’avance, en décrochant une place en équipe nationale A et en réalisant ses débuts en LNA avec la «une» du Kadetten Schaffhouse. Tandis que Sadok, lui, évolue pour l’instant avec les M21 suisses et en LNB avec la «deux» schaffhousoise. «Mehdi a plus pu montrer son jeu ces derniers temps, mais j’espère que Sadok va le rejoindre.» D’autant plus que les deux arrières ne se font pas concurrence: Mehdi, droitier, joue à gauche, alors que Sadok, gaucher, joue à droite. De là à dire que la nature est bien faite…

 

Les Romands à la peine

Le niveau du championnat suisse a beau ne pas être aussi relevé que ceux de France, d’Allemagne ou d’Espagne, il n’empêche que les meilleurs équipes ont presque toutes des joueurs professionnels. Parmi lesquels pourraient un jour compter Mehdi et Sadok, actuellement en apprentissage à La Poste, même si les places sont chères.

«Le championnat suisse est limité, mais cela va peut-être bouger avec les jeunes qui arrivent et cette participation au Mondial. La première depuis 1995!, rappelle Ameur Ben Romdhane. C’est une très bonne pub pour le handball car, pour le moment, la Suisse fait un parcours extraordinaire (ndlr: les Helvètes disputent actuellement le tour principal, après avoir battu l’Autriche, puis perdu contre la Norvège et la France lors du tour préliminaire). C’est honorable de s’incliner contre la France d’un seul point.»

Mais pour suivre les prouesses de son fils à la télévision, Ameur Ben Romdhane doit se rabattre sur une chaîne privée alémanique. «C’est malheureux que les matches ne soient pas visibles sur une chaîne romande, surtout pour un tel événement. Mais en ce qui concerne le handball, la Suisse romande est à la traîne. D’ailleurs, Chênois Genève, qui est de retour en LNB depuis la saison passée, est le seul club romand de ligue nationale.»

 

Un souvenir inoubliable

Son plus beau moment avec l’USY Handball, Ameur Ben Romdhane l’a vécu lors de sa première année avec le club yverdonnois. «J’étais entraîneur-joueur, c’était la première fois que je dirigeais une équipe. Et là, à l’issue de la saison 98-99, on décroche la promotion en 1re ligue, après 13 ans d’attente!» Avec un titre de champions suisses M19 élite décroché il y a deux ans, Mehdi et Sadok sont bien partis pour vivre eux aussi de belles émotions.

Muriel Ambühl