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«Chapuisat voulait le 11!»
© Michel Duperrex

«Chapuisat voulait le 11!»

10 octobre 2021

Kubilay Türkyilmaz (54 ans) était l’invité du Club des 1000 d’Yverdon Sport, cette semaine à Explorit. L’attaquant vedette de la Suisse des années 90 (avec «Chappi» bien sûr) s’est raconté, entre humour et tendresse.

«Quand j’étais petit, mon nom de famille faisait peur aux gens à Bellinzone… Je ne comprenais pas vraiment pourquoi, mais ce que je voyais, c’est que quand je marquais des buts, les gens m’aimaient bien. Alors j’ai continué à marquer…»

L’histoire de Kubilay Türkyilmaz est celle d’un gamin de l’immigration, qui a vu dans le maillot de l’équipe de Suisse de football son véritable passeport pour le pays qui lui a tout donné… sauf une participation à la Coupe du monde. «J’ai deux regrets aujourd’hui, quand je regarde en arrière. Le premier, c’est de ne pas avoir signé au PSV Eindhoven. Avec le recul, j’aurais dû y aller. Et le deuxième, mais celui-là je n’y peux rien, c’est de ne pas avoir été sélectionné par Roy Hodgson pour la Coupe du monde 1994.» Même plusieurs années après, «Kubi» ne veut pas s’épancher sur les raisons de son éviction de la «World Cup» américaine, mais on devine bien évidemment que les motivations étaient plus politiques que sportives.

Le «banni» de 94 s’est rattrapé – et comment! – en 1996, en inscrivant le but du 1-1 à Wembley lors de l’Euro, face à l’Angleterre d’Alan Shearer. «C’est peut-être le moment le plus fort de ma carrière, oui. La seule chose qui m’embête quand je revois la photo, c’est ce numéro 14. Chapuisat voulait le 11!», se marre l’attaquant aux 62 sélections et 34 buts qui, on y revient, se souvient très bien de l’obtention de son passeport rouge à croix blanche. «Je faisais un apprentissage de peintre en carrosserie et c’était mieux d’avoir la nationalité suisse. Je l’ai attendu pendant deux ans. Une fois que j’avais marqué quinze buts avec Bellinzone, je l’ai eu en deux jours!», sourit-il aujourd’hui. La carrière du jeune immigré l’aura mené tout en haut du football suisse, lui qui en est largement devenu l’un des cinq meilleurs attaquants de l’histoire et aura vécu plusieurs moments forts.

Le but à Wembley en est un, son arrivée dans le football italien aussi. «J’ai eu l’immense honneur d’être le coéquipier de Roberto Baggio à Brescia et, lorsque j’étais à Bologne, j’ai joué contre Diego Armando Maradona. Un moment inoubliable. Après le match, il m’a dit que j’étais un bon joueur et que je pouvais faire une belle carrière, mais que je devais me méfier des journalistes, parce que c’étaient tous des c…s!»

S’il a marqué des buts à peu près partout où il a joué, «Kubi» a aussi eu la chance d’évoluer dans l’un des meilleurs clubs d’Europe, Galatasaray. «En plus, l’équipe que supportait mon père! Il est mort à 46 ans, donc il n’a rien vu de ma carrière, mais à chaque fois que je marquais un but, j’avais une pensée pour lui. Jouer à Galatasaray, de ce point de vue aussi, c’était fort.»

Et puis, alors que sa carrière se termine, le Tessinois s’offre un dernier défi, celui d’aller faire monter Soazza de… 5e en 4e ligue! «Mon avocat, qui était comme mon deuxième père, venait de ce village. Son rêve était que Soazza monte en 4e ligue un jour. Il est décédé, mais j’ai exaucé son vœu. J’y suis allé, avec mon ami Marco Degennaro (ndlr: manager général d’YS aujourd’hui). Nous avons passé une année formidable et nous sommes montés!»

Le (bon) mot de la fin sera pour la VAR. Pour ou contre la vidéo dans le football, Kubilay? «Contre. Je suis un romantique. Et si elle avait existé à mon époque, je n’aurais pas pu autant tomber dans les seize mètres pour avoir un penalty!»

Tim Guillemin