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Citoyennes avant d’être politiciennes
Yverdon, 16 septembre 2020. Pascale Fischer et Aurélie-Maude Hofer. © Michel Duperrex

Citoyennes avant d’être politiciennes

18 septembre 2020

Le parti socialiste a été accusé de couvrir son municipal Jean-Claude Ruchet, dont le dicastère passera un audit. Mais le fond du problème se trouve ailleurs: dans la séparation des rôles des élus.

 

«On veut casser les accusations d’omerta.» Cette phrase a été employée à moult reprises ces derniers temps par les socialistes. Car ils auraient, selon la droite, préféré passer sous silence des problèmes au sein du service Jeunesse et cohésion sociale (Jecos), placé sous la houlette de la gauche (lire encadré). La Région s’est procuré les discussions internes au parti, pour comprendre d’où venait le problème. Et apparemment, la source de ces tensions provient d’une question de fond: comment savoir si la confidence d’un citoyen à un politicien doit atterrir sur la scène politique?

Selon Aurélie-Maude Hofer, la réponse est sans appel: «Je m’arrête à mes compétences et à mes attributions. Si je n’ai pas les compétences, j’en parle aux personnes qui les ont.» Et des interpellations de la part des habitants, l’Yverdonnoise en a souvent. «Cela va des demandes de conseils en cas de conflits de voisinage aux questions sur les horaires des magasins. à chaque fois, je réponds ou je redirige au bon endroit. Je ne m’arrête pas à la couleur du service, ce qui m’importe est de partager l’information.»

Vivement critiquée pour avoir eu vent de comportements déplacés au sein du Jecos en décembre dernier déjà et pour ne pas avoir levé le petit doigt, elle s’explique: «Une amie est venue de me parler des soucis qu’elle avait rencontrés, au détour d’une discussion, mais sans me dire de quel service de la Ville il s’agissait. Je lui ai donc proposé de revenir m’en parler quand elle se sentirait prête.» Et si cette femme était revenue pour se confier? «J’aurais réfléchi au meilleur moyen de l’aider. Ma perception, c’est qu’il faut d’abord aller voir le municipal concerné avant d’impliquer un groupe politique.»

Cela signifie-t-il qu’un politicien ne peut pas compter sur ses collègues de parti pour obtenir des conseils dans une affaire délicate qui lui tient à cœur? «Non, pas du tout. D’ailleurs, dès que notre collègue nous a parlé de cette histoire avec le Jecos, on lui a donné plein de conseils. Mais il a choisi de faire autrement et il ne nous a jamais tenus au courant, rétorque Pascale Fischer, coprésidente de la section. à mon avis, si ces personnes avaient confiance en lui pour se confier, il fallait le laisser avancer seul dans un premier temps.»

Pour les deux socialistes, le respect d’une certaine hiérarchie s’avère donc primordial. «C’est vrai que j’ai confiance en nos institutions. Cela ne me viendrait pas à l’esprit d’aller déranger un municipal si je peux déjà régler le problème avec un chef de service», poursuit Pascale Fischer. Et la vice-présidente de conclure: «En tant que conseillère communale, on connaît peut-être mieux les instances que d’autres. C’est une chance de pouvoir conseiller les citoyens.»

 

Deux intervenants d’un même parti autour de la table, et la couleur est donnée

 

Dans l’affaire du Jecos qui secoue Yverdon-les-Bains depuis plusieurs semaines, il a été reproché au parti à la rose de défendre le municipal du service Jeunesse et cohésion sociale. Et pour cause: l’un des lanceurs d’alerte, l’ancien membre du PS yverdonnois Christophe Loperetti, a reproché un manque de soutien à ses pairs. Ce que nient en bloc ses ex collègues de gauche.

La Région s’est procurée les messages échangés entre les élus, le 2 juillet. Et visiblement, les politiciens ne sont pas restés de marbre en entendant les faits reprochés à l’un des employés du Jecos – celui-ci reste présumé innocent. Mais face à la sensibilité du sujet, la prudence transparaissait dans chacun des messages, aussi parce que les accusations sont graves et les faits difficiles à prouver. Certains ont prôné la discrétion, pour éviter que des rumeurs infondées ne se propagent et nuisent à l’enquête de Christophe Loperetti.

Puis, une tension est apparue lorsqu’un conseiller communal a suggéré à l’Yverdonnois de se faire accompagner d’une femme pour rencontrer les premières habitantes prêtes à témoigner de leurs mauvaises expériences. Et c’est là que les choses se sont gâtées. Une partie du groupe socialiste a considéré qu’envoyer deux politiciens revenait à dire que c’était une «délégation du PS», alors que d’autres ne voyaient que le côté humain de la démarche, c’est-à-dire mettre à l’aise des femmes pour qu’elles puissent parler en toute confiance.

Au final, comme l’ont expliqué Aurélie-Maude Hofer et Pascale Fischer ci-dessus, aucune politicienne ne se sentait assez compétente pour épauler Christophe Loperetti, lui-même éducateur de profession, durant les entretiens. Une réaction qui a étonné, pour ne pas dire froissé, le lanceur d’alerte. Pour rappel, ce dernier a fini par quitter le parti à la rose pour rejoindre les Verts’libéraux et ce, notamment, en raison de l’affaire du Jecos.

 

Photo: Michel Duperrex

Christelle Maillard