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«Comme les Suisses, nous sommes des montagnards!»

25 avril 2022

Le chant choral n’a pas la même portée d’une nation à l’autre. Le groupe corse Spartimu le prouvera en rejoignant pour la première fois le Nord vaudois où il fera découvrir ses traditions musicales au festival Polyphonies.

Dans le cadre du festival choral Polyphonies qui aura lieu du 28 avril au 1er mai, entre Yverdon, Montagny et Mathod, un concert inédit lancera les festivités du week-end avec un invité spécial.

Le groupe polyphonique corse Spartimu viendra présenter son art choral au public suisse, par le biais de l’organisation des chœurs d’hommes Chor’hom et Mathod-Suscévaz. Le chanteur Frédéric Vesperini explique pourquoi cette pratique inscrite à l’Unesco est si importante en Corse, suscitant notamment l’intérêt de nombreux touristes chaque été.

 

Frédéric Vesperini, parlez-nous de votre groupe polyphonique, Spartimu…

Nous sommes cinq chanteurs, tous Corses, nés sur l’île! Depuis la génération de nos grands-parents, nous sommes des insulaires, vivant dans la région d’Ajaccio. C’est un chœur d’hommes constitué il y a quinze ans. Depuis, nous sommes restés à l’identique! Il y a une vraie relation d’amitié et de fraternité entre nous. Nous sommes l’un des rares groupes corses à avoir une telle longévité, sans que personne ne soit ni parti, ni arrivé. Ce qui fait notre particularité fait en même temps notre force. Car cela fait qu’on est à l’aise, on a une totale confiance en les autres lors des spectacles.

Hormis votre longévité, quelle est votre particularité?

Notre ouverture sur le monde, notamment par les chants du monde, essentiellement polyphoniques. Cela constitue un tiers de notre répertoire. Les Corses ont leur propre répertoire et patrimoine polyphonique. On aime aussi le danger, ne pas se reposer sur un instrument, mais que sur la voix humaine.

Que représentent le chant polyphonique et les chorales en Corse?

La polyphonie traditionnelle corse est reconnue par l’Unesco comme patrimoine immatériel depuis 2009. Elle est vraiment particulière, il faut prévenir le public Suisse pour qu’il puisse l’apprécier. Tout est lié à la géographie de l’île. On est une toute petite île, mais avec une double spécificité: nous sommes une montagne dans la mer. Cela fait que nous avons une richesse particulière et un patrimoine archaïque préservé. Ce sont des chants particuliers. Une interprétation spécifique de chants d’église est née dans certains villages. Cela explique ce répertoire si typique, préservé de beaucoup d’influences extérieures. Nos chants religieux, vous ne les retrouverez nulle part ailleurs, c’est vraiment une curiosité que les touristes aiment découvrir en venant en Corse.

Le chant choral est-il toujours compris du public, malgré l’influence de la radio et de la culture musicale actuelle, selon vous?

Il y a une certaine dilution de la culture, en effet. Maintenant, les jeunes sont plus tentés de se tourner vers des musiques contemporaines. Mais chez nous, beaucoup de jeunes se réapproprient ce mouvement culturel. Il y a également un regain d’intérêt de la part des femmes pour les polyphonies corses. Comprendre le chant et la musique corses permet de comprendre qui on est. Notre slogan, c’est qu’un concert avec nous est une invitation au voyage! Pour visiter la Corse à travers les âges et voyager à travers la Corse. Nous avons autant des chants contemporains que des chants de plusieurs centaines d’années.

Vous donnez un concert en grande première au festival Polyphonies. Comment vos deux pratiques, suisse et corse, vont-elles s’accorder ?

On va être complémentaires. Nous sommes cinq donc un petit chœur. Nous avons un répertoire adapté à cette pratique du chant qui nous laisse beaucoup de liberté. Dans beaucoup de chants polyphoniques, chaque chanteur va avoir sa voix, unique, avec donc une liberté d’interprétation. On ne chante jamais deux fois les chants de la même manière. C’est d’ailleurs ce qu’on va montrer au cours des ateliers qu’on va réaliser. On va donner un peu de liberté à tous ces pauvres choristes enfermés dans ces partitions (rires)! Au grand désespoir du chef du chœur qui dit: il faut lire la musique ! Chez nous, personne ne lit la musique, il n’y a aucune partition, toutes nos musiques sont dans nos têtes!

L’état des lieux des chorales de notre région est plutôt pessimiste, notamment dû au vieillissement des troupes. Quelle est la situation des chorales corses? Est-ce aussi difficile?

Chez nous c’est un peu différent. Il y a une certaine vivacité dans l’expression musicale insulaire, extrêmement liée au contexte politique et à la volonté d’émancipation de la communauté corse. Pour avoir une certaine économie, une identité culturelle, politique, fiscale, etc. Cet instinct de faire ressortir notre culture, c’est un très bon alibi pour se mettre au chant. Il est vecteur de la langue corse, nous chantons en corse ou en latin, donc il y a une autre motivation. Cela motive beaucoup les jeunes à intégrer des petites chorales. Chez nous, ce n’est pas le même principe qu’en Suisse avec de grosses chorales. Ici ce sont plutôt de petits groupes, de quatre à six personnes. La polyphonie est devenue un produit identitaire.

Etes-vous déjà venus en Suisse, pour le chant ou à titre personnel ?

Non, c’est une grande première! Et nous avions la volonté de faire autre chose que juste un concert, mais aussi les ateliers. Notre point commun avec nos amis Suisses, c’est que nous sommes des montagnards. On a un esprit particulier, une culture très forte, nous aimons partager et recevoir. C’est d’ailleurs le nom de notre groupe Spartimu, qui veut dire «partageons». On partage cette passion du chant avec les Suisses, notamment de Chor’hom.

Spartimu en détail

 

www.spartimu.fr ou Facebook : SPARTIMU, Polyphonies de Corse et du
monde

Des ateliers de chants corses

Le choeur d’hommes corse Spartimu viendra donner son concert à l’Eglise Saint- Pierre à Yverdon, le vendredi 29 avril à 20h30. En parallèle, le groupe corse donnera des ateliers pour s’initier à la polyphonie. Ces ateliers sont ouverts à tout public ainsi qu’aux enfants, même sans expérience de chant. Un seul critère minimum requis : savoir reproduire une mélodie fredonnée. « Il faut un minimum d’oreille musicale mais c’est tout. On s’adapte aux tessitures de chaque chanteur, on a l’habitude », explique Frédéric Vesperini. «Le but de ce festival c’est d’avoir un maximum de monde.»

INFOS PRATIQUES

 

Quoi : Concert de Spartimu de Bastelicaccia, polyphonies corses. Au festival Polyphonies.

Quand : Vendredi 29 avril à 20h30.

Où : Eglise Saint-Pierre à Yverdon.

Combien : Adultes : 30 francs ; enfants : 15 francs

Infos et réservations : www.polyphonies.ch ou au 078 201 33 50

Léa Perrin