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Concerts inédits
De gauche à droite, Baptiste Rosenfeld, Claudia Jungo-Recking et Nathalie Recking.

Concerts inédits

13 janvier 2025 | Textes: Jérôme Christen | Photo: Michel Duperrex
Edition N°3868

Le hameau de L’Auberson héberge depuis 2015 une résidence d’artistes à l’enseigne de L’Auberté. Sur demande de la Municipalité, ses responsables ont été contraints de suspendre leurs activités jusqu’à ce qu’ils soient en conformité avec les règles de la police des constructions. L’association continue toutefois de proposer des concerts inédits une fois par mois au cinéma de Sainte-Croix.

Sous la houlette de la violoniste Nathalie Recking et du régisseur Baptiste Rosenfeld, L’Auberté met à disposition depuis une dizaine d’années des locaux qui permettent à des artistes de résider dans un cadre propice à la création. Nathalie Recking est une violoniste et pédagogue passionnée qui a été formée à la Haute École de musique de Genève et au Conservatoire Royal de Liège. Elle vit dans une maison familiale à L’Auberson, village-rue typique du Jura, sis sur la commune de Sainte-Croix.

Des lieux pour jouer

«En raison des activités musicales de ma fille dans différents groupes, nous avons toujours eu beaucoup de musiciens à la maison. La maison est grande, il y a de la place et c’est devenu naturellement au fil des années un lieu de convergence», explique la propriétaire des lieux, sa maman Claudia Jungo Recking.

«Quand on est musicien, on passe énormément de temps à faire des demandes de subventions ou trouver des solutions pour accéder à des résidences d’artistes. J’avais plein d’amis qui cherchaient des lieux pour travailler. Cela s’est fait naturellement et un jour nous avons décidé de créer une association pour structurer un minimum nos activités», complète la violoniste. C’est également l’occasion de convier quelques voisins et des amis à assister ponctuellement aux prestations des musiciens.

La cofondatrice de L’Auberté se souvient d’un moment particulièrement émouvant: «Une professeure de la Haute école de musique de Genève est venue à L’Auberté avec quelques élèves. A la fin de leur séjour, nous avons organisé un mini-concert de musique de chambre afin que les étudiants puissent confronter leur travail au public. Un de nos voisins – qui a plus de 80 ans – est venu en précisant que c’était uniquement pour me faire plaisir, car ce n’était pas son style de musique. A la fin du concert, il avait les larmes aux yeux. Jamais il n’avait écouté de musique classique en direct. Ce fut pour lui une découverte absolue. J’adore l’idée de se faire rencontrer des mondes différents.»

Après la pandémie, en 2022, l’idée a surgi d’organiser des concerts en partenariat avec le Cinéma Royal à Sainte-Croix qui met gratuitement la salle à disposition et prend en charge la communication, notamment les affiches. Ces concerts ont lieu en principe tous les troisièmes vendredis du mois sauf pendant les vacances d’été.

Tous les styles

Baptiste Rosenfeld, régisseur professionnel, s’occupe du son, l’association prête le matériel de sonorisation. Nathalie Recking se charge de la programmation et fait le lien avec les artistes choisis principalement dans le sérail régional. La programmation est variée: «Dans tous les styles de musique, il y a d’excellents musiciens. Quand on me dit je n’aime pas le jazz, je n’aime pas le rock, je n’y crois pas trop, car dans chaque style de musique, il y a des propositions artistiques très intéressantes. »

Le public présent varie entre 15 et 100 personnes. Le prix est libre: «C’est important pour nous que chacun puisse participer à la mesure de ses moyens. L’argent ne doit pas être un obstacle», justifie Nathalie Recking.


Résidence d’artistes en suspens

En octobre dernier, L’Auberté a dû suspendre ses résidences d’artistes sur l’ordre préfectoral à la suite d’une dénonciation municipale. Lors de la séance du Conseil communal de Sainte-Croix de décembre, la conseillère communale Verte Marion Tanner a jugé cette décision décevante: «Cette résidence d’artistes contribue au rayonnement de notre commune.»  Le municipal Lionel-Numa Pesenti a répondu qu’une mise en conformité de l’affectation était nécessaire comme c’est le cas pour n’importe quelle entreprise dès lors que l’usage du site n’était plus exclusivement privé. Ce qui n’a pas manqué de surprendre L’Auberté, qui n’a aucune activité commerciale, mais purement associative et bénévole. La participation libre des résidents sert à financer du matériel. L’Auberté travaille maintenant à mettre en œuvre les mesures exigées qui lui permettront d’accueillir à nouveau normalement cet été des résidences d’artistes, toutefois sans public, puisqu’à partir de 20 personnes, les normes sont encore plus strictes.


Exploratrice de nos racines folkloriques

Violoniste touche-à-tout, Nathalie Recking a un parcours de musicienne qui sort des sentiers battus. En dehors de ses projets musicaux éclectiques, elle enseigne la musique dans une école primaire. De formation classique, elle parcourt depuis son enfance les parquets de danse.

Identité culturelle en déshérence

A l’âge de 17 ans, elle est partie une année en Hongrie dans une famille d’accueil qui vivait complètement dans les traditions locales : «Les plus petits écoutaient des contes traditionnels, les grands allaient dans des bals traditionnels. J’y ai découvert une musique qui pour la première fois me permettait de faire danser le public avec mon violon. A mon départ, j’ai eu le sentiment de quitter un pays dont je connaissais la culture et les racines pour arriver dans un pays qui était le mien où j’avais de la peine à définir une identité culturelle.» A partir de là, la musicienne a cherché à se plonger dans le folklore helvétique. «Mais je n’y ai pas retrouvé ce truc vivant que j’avais connu en Hongrie», explique-t-elle.

Elle s’est alors retrouvée dans le milieu du «bal folk» en France où il y a des traditions très vivantes. «C’est basé sur les danses et musiques traditionnelles qui ont été récoltées au début du XXe siècle, mais c’est encore très vivant et les propositions artistiques sont variées. La seule colonne vertébrale, c’est que ça doit être une musique qui sert la danse.»

Archives des musiques populaires

Après quelques années, Nathalie Recking s’est décidée à s’intéresser de nouveau à la Suisse en explorant les racines de la musique folklorique romande dans des archives et les actions de collectage de personnes qui ont parcouru les campagnes pour aller noter, enregistrer ce qui s’y chantait autrefois. «Je vais chercher ces thèmes, je les retravaille et je les propose en lien avec la danse pour faire danser les gens, mais avec des esthétiques actuelles qui me parlent. Je suis allée aux archives des musiques populaires suisses. Certains cartons n’avaient pas été ouverts depuis un certain nombre d’années. C’est émouvant de voir des cahiers de chansons romandes du début du XIXe siècle. J’ai compris qu’à un moment donné, il y avait eu un besoin de créer une identité suisse et que c’est le folklore alémanique qui avait été privilégié. Sauf chez les Fribourgeois, il y a eu une véritable coupure dans la transmission orale des chansons et j’essaie de les revitaliser.»

Des morceaux pour faire danser

Nathalie Recking fourmille de projets. L’un deux se situe entre jazz et musique classique. «Nous nous inspirons des danses et travaillons des morceaux pour faire danser.» Elle a un projet solo plus traditionnel basé sur de la musique «comme on pouvait trouver en Auvergne ou comme probablement en Suisse avant l’arrivée de l’accordéon et de la musique à bouche où le violon était l’instrument de base avec les flûtes». Et pour terminer, elle a un projet «musiques actuelles» avec batterie, guitare, claviers. «Les réflexions et problèmes humains qu’on rencontre sont les mêmes qu’avant. L’humain n’a pas beaucoup changé. C’est très actuel. Il y a des textes désuets et surannés, mais d’autres actuels», conclut-elle.


Infos pratiques

Prochains concerts au cinéma de Sainte-Croix: 

17.01.25 : Morjane Ténéré – Folk, blues.

Février (date à confirmer) : Fronda – Italie du Sud.

21.03.25 : Djîga – Bal Folk.

17.04.25 : Espuma Antigua – Fusion.

16.05.25 : Josefa – Musique d’Amérique latine.

20.06.25 : Fête de la musique – scène ouverte sur inscription.

Plus d’informations sur cinemaroyal.ch