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De la prison ferme requise pour l’incendiaire

21 mai 2015

Yverdon-les-Bains – Le procès de la sexagénaire soupçonnée d’avoir été l’auteure de nombreux incendies dans la région a eu lieu hier. Le procureur requiert peine privative de liberté et internement.

L’accusée lors de son arrivée sous escorte, hier matin, au Tribunal. © Nadine Jacquet

L’accusée lors de son arrivée sous escorte, hier matin, au Tribunal.

Un procès peu banal s’est déroulé, hier, dans la Cité thermale. Convoquée devant le Tribunal criminel de la Broye et du Nord vaudois, une Suissesse de 61 ans, soupçonnée d’avoir provoqué ou cherché à déclencher une quinzaine d’incendies entre novembre 2012 et mai de l’année dernière, a nié bec et ongles, et parfois non sans une certaine agressivité, la grande majorité des faits qui lui étaient reprochés. Ceci malgré les multiples tentatives du président de la faire passer aux aveux, au regard des indices la desservant dans certains des cas répertoriés dans l’acte d’accusation.

Un faisceau d’indices

L’accusée a, par exemple, été formellement identifiée par trois villageoises de Gossens, à l’heure et à l’endroit où la tentative de mise à feu d’une voiture a été enregistrée, le 1er décembre 2012. Selon les témoins, cette mère de deux enfants était alors penchée à proximité du véhicule en question. «Elles se sont trompées», a répondu la coupable présumée, dont l’ADN a, au demeurant, été retrouvé sur une allumette à proximité d’un pneu de la voiture.

En septembre 2013, c’est une caméra qu’il l’a immortalisée alors qu’elle sortait du garage d’un particulier, duquel s’échappait de la fumée. Avouant sa responsabilité en la circonstance «au forceps», pour reprendre les termes du procureur, cette mère de deux enfants n’a pas, pour autant, été en mesure d’expliquer la raison de son agissement. «Comment voulez-vous qu’on vous comprenne?», lui a demandé le président. «Je ne sais pas, mettez-moi chez les fous», lui a-t-elle répondu.

Des «coïncidences» ont aussi été relevées. Une série de sinistres qui se sont déclarés à Yverdon-les-Bains et à Grandson, en mai de l’année dernière, correspond à l’emploi du temps et à l’itinéraire emprunté, alors, par l’accusée. Cette dernière a été reconnue avec un degré de certitude de 80% par une témoin dans la Cité thermale, peu avant que ne soit commis un de ces actes criminels. Dans son signalement, la dame interrogée mentionne une personne vêtue de manière sobre, «en gris et brun», des vêtements semblables à ceux portés par la prévenue filmée, plus tard, dans un magasin de Champagne. Des similitudes entre les produits enflammables utilisés et ceux retrouvés au domicile de la prévenue ont, également, été constatées.

Enjeux psychologiques

Le profil psychologique de l’accusée a, d’ailleurs, occupé une place importante dans la suite des débats. Selon l’experte mandatée, la sexagénaire ne présentait, du moins au stade du rapport, «aucune pathologie qui justifierait un traitement institutionnel». Elle n’est pas davantage pyromane.

Plusieurs hypothèses ont, ensuite, été émises par la spécialiste. Les troubles mixtes de la personnalité diagnostiqués pourraient être, au regard de la difficulté à gérer son impulsivité et son agressivité qu’ils supposent, un vecteur de déclenchement de la volonté de commettre ces actes chez la personne qui en souffre. Cette piste a incité à établir une diminution légère de la responsabilité de l’incendiaire présumée, au demeurant ancrée dans la réalité, selon la témoin.

Autre théorie émise par l’experte psychiatre pour expliquer l’amnésie dont semble pâtir la prévenue: la notion de clivage psychique, un mécanisme inconscient de défense contre des éléments insupportables. «Sa dépendance à l’alcool doit, aussi, être prise en compte», a, enfin, relevé la spécialiste.

Dans son réquisitoire, le procureur n’a laissé que peu de crédit à cette hypothèse. «Je ne crois pas à l’amnésie de l’accusée, qui a montré de la perversité dans son comportement en se rendant à Yverdon-les-Bains et à Grandson lorsqu’elle était «grillée» à Gossens. Elle a, également, mis le feu à sa propre maison pour tenter, maladroitement, de brouiller les pistes», a-t-il argumenté.

Considérant que l’accusée présentait un danger pour la sécurité publique -une escalade dans la gravité a été constatée lors des derniers cas-, le représentant du Ministère public a demandé au Tribunal l’internement et une peine privative de liberté de cinq ans et demi.

La Défense a, pour sa part, adopté une posture diamétralement opposée, soutenant que «le doute ne peut raisonnablement pas être écarté dans la majorité des infractions». Un raisonnement qui a incité l’avocat de l’incendiaire présumée à invalider la majorité des chefs d’accusation.

Ludovic Pillonel