Société – Les pratiques funéraires évoluent, tendant davantage vers la crémation. Une métamorphose qui impacte les cimetières nord-vaudois.
«La zone prévue pour l’extension du cimetière qui était jusqu’à aujourd’hui en zone agricole le restera au vu des tendances actuelles», expliquait Cyril Mumenthaler lors de la séance de présentation publique du Plan d’affectation communal de Montagny-près-Yverdon, en date du 20 mai 2025.
De quelles tendances actuelles parlons nous ici? Depuis au moins deux décennies maintenant, au moment de choisir les modalités de son dernier repos, les individus optent davantage pour la crémation que l’inhumation. En moyenne, 90% des défunts choisissent cette première option, selon l’association suisse des services funéraires. Un mouvement national, donc, qui touche également le Nord vaudois, influençant les habitudes et l’aménagement des cimetières.
Au-delà des rites
Entre crémation et inhumation, «pour nous le travail est le même. Quoiqu’il arrive, nous accompagnons les familles dans cette épreuve», explique Cosette Schneiter, directrice de Schneiter et Fils, pompes funèbres basées à Yverdon-les-Bains. Cyril Evard, conseiller funéraire pour les Pompes funèbres Cassar SA du site d’Yverdon-les-Bains abonde en ce sens: «Ce qui impacte surtout notre métier, c’est le choix de la cérémonie, qui est moins rituelle, plus personnalisée et centrée autour de la vie du défunt».
En effet, les cérémonies laïques ou sans protocole religieux augmentent chaque année, selon l’association suisse des services funéraires. Si cette augmentation est plus rapide en ville que dans les régions rurales, le mouvement prend aussi à la campagne. «Même chez les agriculteurs qui avaient l’habitude de vouloir retourner à la terre préfèrent de plus en plus la crémation», commente Cosette Schneiter.
Du côté religieux, là où les catholiques étaient plus réticents que les protestants à avoir recours à la crémation, ils choisissent aujourd’hui davantage cette option.
Entretien chargé
Peut-on expliquer ce phénomène par le coût, la crémation étant en moyenne plus abordable que l’inhumation? «Pas vraiment, répond Cyril Evard. À ce sujet, les familles respectent la volonté du défunt. Il ne s’agit pas de faire d’économies sur ce plan». Serait-ce alors une évolution dans la spiritualité de la population? Selon les deux experts interrogés, cette dernière explication ne rentre pas forcément en ligne de compte. «C’est plutôt une question pratique. L’entretien d’une tombe est une charge importante qui demande du temps et des déplacements récurrents, ce qui ne correspond plus forcément au mode de vie actuelle», explique Cosette Schneiter.
Moins de tombes, plus de cases
La crémation a donc changé la face des cimetières. Là où les tombes marquant la présence d’un défunt reposant dans un cercueil six pieds sous la terre étaient de rigueur, les columbariums – ces murs comportant des niches où les cendres peuvent être déposées – ont transformé les paysages funéraires. Puis, petit à petit, des jardins du souvenir, où les cendres sont déposées anonymement ou avec apposition d’une plaquette nominative, ont été aménagés. La possibilité de disperser les cendres ailleurs, selon le souhait du défunt et de la famille, est aussi possible.
À Yverdon-les-Bains, «face à l’augmentation des incinérations, la Ville a étoffé, en 2024, son offre en matière de dépôts des cendres jusqu’alors proposées de manière collective dans un jardin du souvenir, par la mise à disposition d’une Forêt du souvenir», rapporte la Ville dans un communiqué. À Vallorbe, le constat est le même. Alors que le columbarium avait déjà été agrandi en 2006 avec 76 cases supplémentaires, 162 ont récemment été ajoutées. Le jardin du souvenir a aussi profité d’un réaménagement.
Si Yvonand, Sainte-Croix et Grandson enregistrent les mêmes tendances, soit une augmentation des incinérations par rapport aux inhumations, des changements supplémentaires dans leur cimetière déjà dotés de columbariums et/ou de jardins du souvenir ne sont pas encore prévus: «La Municipalité effectue un suivi régulier du cimetière pour qu’il n’y ait pas de manque de place au niveau du colombarium», assure Stéphane Champod, secrétaire municipal à Sainte-Croix.
Compost et réflexions durables
Dernièrement, une nouvelle pratique a émergé. L’humusation, qui consiste à transformer le corps du défunt en compost, est de plus en plus présente dans les discussions, comme l’explique l’association suisse des services funéraires. «Différentes sortes d’humusation (à l’air libre, en conteneur, en terre non-profonde) sont à l’étude dans certains pays. Actuellement, des associations suisses cherchent des solutions pour effectuer des tests en Suisse. Toutefois, à notre connaissance, aucune n’a encore commencé, car il est très difficile de les mettre en œuvre pour des raisons légales, éthiques et réglementaires».
Cimetière et écologie
Le Fonds national suisse a récemment lancé le projet de recherche «Funerary Lives: Ecological Transitions and Support for Emerging Practices» (Vies funéraires: transitions écologiques et soutien aux pratiques émergentes). Le projet cherche à remettre les cimetières et crématoriums au sein des politiques d’aménagement du territoire et des stratégies climatiques. Dans ce cadre, l’étude en cours s’intéresse à la diversification des pratiques funéraires, au-delà de l’inhumation et de la crémation et se demande comment intégrer ces espaces dans la trame verte des villes, alors que l’urbanisation croissante et l’urgence écologique imposent de repenser les lieux de mémoire et d’hommage.