Arrivé à Yverdon-les-Bains l’automne dernier, l’entraîneur Jean-Emmanuel Bahoken est un homme bien occupé par ses projets pour le Cameroun et ceux qu’il mène en Suisse et dans la région.
Enfant de Yaoundé, Jean-Emmanuel Bahoken a découvert le rugby durant son adolescence passée en France. Un sport qui, depuis, accompagne celui qui est devenu l’entraîneur du RC Yverdon, l’automne dernier. A 41 ans, l’ancien joueur professionnel de Grenoble, Toulon et Oyonnax est un coach ambitieux, qui découvre et s’adapte à son nouvel environnement, bien différent de ce qu’il a pu connaître dans l’Hexagone, pays d’Ovalie.
Jean-Emmanuel Bahoken, comment avez-vous commencé le rugby?
Je crois que je n’en avais entendu parler qu’une seule fois au Cameroun, par quelqu’un qui pratiquait le judo, comme moi. Puis je suis arrivé en France à l’âge de 11 ans, avec ma soeur et ma mère, à la suite d’un drame familial. On habitait à La Mure, une petite localité à forte tradition de rugby. J’ai simplement suivi les copains qui y jouaient tous, finissant par abandonner le football que je pratiquais aussi. Après quelques années, j’ai intégré le centre de formation de Grenoble, tout proche.
Vous vous engagez dans le développement du rugby au Cameroun. A quoi en sont vos projets?
Ils sont plus que jamais d’actualité. Après plusieurs actions, dont entre autres l’acheminement de plus de 700 kilos de matériel, l’organisation d’un tournoi à sept, ainsi que la participation à un programme d’insertion ces dernières années, je suis en train de monter une association, nommée KMER7’S. Ceci, parce qu’il n’existe pas d’équipe nationale à sept au Cameroun en ce moment et parce qu’il n’y a pas non plus de championnat structuré, simplement quelques équipes qui vivotent.
Concrètement, quelles sont vos idées avec la création de cette association?
Je la mets sur pied dans l’optique des JO de 2024, puisque le rugby à sept est à présent au programme olympique. Je souhaite réunir les bons joueurs d’origine camerounaise dans une équipe, en France, afin que lorsqu’une sélection nationale sera recréée, il existe une base sur laquelle s’appuyer. En parallèle, je désire accompagner les initiatives locales au Cameroun pour créer des structures, aider à une stratégie collective, à développer la discipline qui, je pense, peut devenir très porteuse dans le pays. Je prends l’exemple du Kenya, qui fait désormais partie du top 10 mondial en rugby à sept, alors qu’il y a dix ans, la discipline n’y existait même pas.
Quels liens avez-vous gardé avec votre pays d’origine?
J’y ai encore un peu de famille et je m’y rends régulièrement. Ce sera d’ailleurs bientôt le cas pour un mariage. Le rugby a constitué une véritable structure de vie pour moi qui ai perdu mes parents étant jeune. Il y a des choses à faire au Cameroun, pour la jeunesse.
Vous avez découvert le rugby helvétique l’automne passé. Comment cela se passe-t-il pour vous?
Je suis bien occupé avec mes différentes missions, puisqu’en plus d’entraîner Yverdon, j’officie également en tant que directeur technique du rugby vaudois et je coache l’équipe nationale M17. Je suis avant tout un homme de terrain, alors je dois encore m’améliorer dans mon organisation administrative. Cela dit, j’apprécie particulièrement travailler avec les jeunes. Ça me plaît de transmettre mes connaissances et je sens que les choses prennent: lors des derniers stages, certains joueurs blessés sont quand même venus. C’est la preuve qu’ils sont concernés.
Vous êtes-vous bien acclimaté à la vie dans la région?
Comme je me rends régulièrement à Lyon, auprès de ma fille de 5 ans, on ne peut pas dire que j’ai vraiment encore posé mes valises. Il faut dire que je n’ai pas beaucoup de connaissances hors du rugby, ce d’autant plus que je loge dans le petit village de Pailly. Et puis, ce n’est pas évident de sortir: la Suisse, ça pique! C’est très cher.
Comment s’est passé l’hiver avec le XV d’Yverdon?
Je savais que j’arrivais dans un milieu amateur, mais je dois reconnaître que j’étais loin de m’attendre à ce contexte, surtout du point de vue des mentalités. Cet hiver, l’équipe n’a bénéficié que de deux semaines de coupure, puis on a entrepris une période de perfectionnement individuel en salle, mais pas collectif, car je n’ai pu compter que sur trop peu de joueurs présents. Je me suis posé des questions et, par conséquent, on a organisé une réunion en février, pour que chacun puisse s’exprimer. Cela m’a permis de sonder la motivation de chacun. J’ai dû baisser un peu le curseur de mes attentes, mon seuil d’exigence. Oui, on construit des choses, mais doucement. On a établi des valeurs – plaisir, courage et respect – qu’il faut faire vivre et, pour cela, je peux compter sur un noyau d’éléments impliqués. Il y a des ressources pour réaliser quelque chose de bien à Yverdon. A présent, j’espère simplement que les terrains soient praticables, qu’on puisse reprendre la compétition.
Reprise samedi
Le RC Yverdon entamera la deuxième phase du championnat samedi, en recevant Zurich (à 15h aux Vuagères). Versé dans le groupe B, le XV de la Cité thermale doit affronter cinq adversaires en matches aller-retour. Le premier disputera une finale pour la promotion contre le vainqueur du groupe A, le dernier sera relégué.
«Il faut rentrer très fort dans la compétition en battant Zurich – un adversaire qui n’avait récolté que deux points lors de la première phase – et lancer la machine», martèle Jean-Emmanuel Bahoken. Après discussion avec ses hommes, le groupe a convenu de viser une place dans le top 4, en prenant rapidement une bonne marge sur la zone dangereuse, même si une partie de l’effectif voit plus gros. «Comme on dit, il faut viser la Lune», lâche l’ancien troisième ligne.
Pour parvenir à ses fins, le technicien a beaucoup travaillé sur la confiance que les joueurs doivent se porter. Par ailleurs, l’équipe compte de nouveaux éléments: Benjamin Ferymond, établi dans la région depuis peu, et Sean McHugh, arrivé de Neuchâtel. Laurent Juillerat est, lui, de retour au jeu.