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Décembre et janvier, des mois calmes à La Lucarne

17 janvier 2017 | Edition N°1914

Yverdon-les-Bains – Le Centre d’hébergement d’urgence, qui fête son quinzième anniversaire cette année, est paradoxalement moins sollicité maintenant qu’au printemps ou en automne. Explications.

Cyril Maillefer est à la tête du Centre d’hébergement d’urgence yverdonnois depuis janvier de l’année passée. ©Michel Duperrex

Cyril Maillefer est à la tête du Centre d’hébergement d’urgence yverdonnois depuis janvier de l’année passée.

L’arrivée des températures négatives pouvait laisser supposer un afflux de sans-abris à La Lucarne, seul lieu d’hébergement d’urgence de nuit dans le Nord vaudois. Il n’en est rien.

Au contraire, tandis que, jusqu’à fin novembre, il arrivait aux veilleurs de refuser dix personnes par soir, l’endroit géré par Caritas Vaud dans la Cité thermale n’affiche plus complet. Neuf places y étaient, ainsi, disponibles dimanche soir, sur les 25 de la configuration standard (lire 2ème encadré). Une bonne nouvelle sur le front de la lutte contre la précarité dans le nord du canton ? Pas exactement, puisque les 6500 nuitées comptabilisées en 2016 représentent une hausse de 8% par rapport à l’année précédente, faisant passer le taux d’occupation à 88%. «Paradoxalement, décembre et janvier sont généralement nos plus petits mois de l’année. Cela s’explique sans doute en partie par l’élan de solidarité observé à cette période de l’année. Certains sans-abris sont accueillis dans leur famille. D’autres, à l’image des Roms, partent peut-être à l’étranger», indique Cyril Maillefer, responsable du centre yverdonnois, ainsi que du Hublot, à Vevey. Autre facteur essentiel, selon lui : l’ouverture, début décembre à Lausanne, de l’abri PC de la vallée de la Jeunesse, doté de septante places. «Une partie des gens vivant dans la rue à Yverdon s’y rendent. La capitale vaudoise est une ville attractive, car elle garantit l’anonymat», relève l’employé de Caritas domicilié à L’Orient.

Profils variés

Les Suisses et les personnes titulaires d’un permis B ou C ont généralement droit à un séjour maximal de trois mois à La Lucarne. Les autres profils peuvent traditionnellement y être hébergés jusqu’à dix nuits par mois. ©Michel Duperrex

Les Suisses et les personnes titulaires d’un permis B ou C ont généralement droit à un séjour maximal de trois mois à La Lucarne. Les autres profils peuvent traditionnellement y être hébergés jusqu’à dix nuits par mois.

Ce dernier peut compter, dans le chef-lieu nord-vaudois, sur une équipe de huit veilleurs salariés. Gérant de restaurant, paysagiste, coiffeuse de profession, tous ont en commun la volonté d’offrir des moments de partage, ainsi que le gîte et le couvert à des personnes en détresse de tous les horizons. «Ils effectuent un travail social difficile. Quand on ouvre la porte, on ne sait pas qui se trouve derrière», indique Cyril Maillefer. Le plus souvent, le climat est serein. Mais parfois, les tensions accumulées durant le journée éclatent au grand jour. Certains résidents menacent de se suicider. D’autres se présentent sous l’effet de la drogue ou de l’alcool. En quinze ans, la proportion de migrants ou, plus généralement, de ressortissants étrangers accueillis à La Lucarne a assez nettement augmenté, indique son responsable. «Nous hébergeons moins de gens du lieu, mais cela ne veut pas dire que la précarité a diminué dans cette population. Des institutions régionales les prennent en charge. Les services sociaux les placent dans les hôtels du Nord vaudois, ce qui n’était pas le cas avant», commente-t-il.

Le microcosme de La Lucarne, où des sans-papiers, à même d’être accueillis dix jours par mois, côtoient des pères de famille divorcés, aimante les histoires touchantes, parfois synonymes de happy-ends. Cyril Maillefer évoque, par exemple, une femme des environs d’Yverdon-les-Bains qui, après huit mois au centre d’hébergement, a pu retrouver un logement et ses enfants en décembre dernier, quelques jours avant Noël.

Ouverture chaque jour depuis le début

Depuis le début de son activité, en 2002, La Lucarne n’a pas été fermée un seul jour, une source de fierté pour Cyril Maillefer. «L’année passée, une conduite fuitait. Nous avons quand même ouvert le soir, après avoir placé des bidons aux endroits où l’eau s’écoulait du plafond», signale-t-il.

6000 petits-déjeuners, inclus dans le tarif de 5 francs comprenant aussi la nuitée, et 4000 repas du soir, moyennant le paiement de 3 francs supplémentaires, ont été servis en 2016. L’année en cours va de pair avec la concrétisation de plusieurs projets. Des bénévoles proposeront des moments d’échange avec les hôtes durant les repas, une assistante sociale assurera une présence un soir par semaine et une permanence d’accueil va être mise en place dans les locaux de la Paroisse catholique. La Lucarne prévoit, par ailleurs, d’ouvrir ses portes à la population locale dans le cadre de son quinzième anniversaire.

Un abri PC à La Marive si nécessaire

Jusqu’ici, La Lucarne n’a pas atteint les limites de sa capacité d’accueil, mais Cyril Maillefer précise que la situation peut évoluer du jour au lendemain. Le plan Grand Froid serait ainsi activé si les 25 places à disposition s’avéraient insuffisantes par une nuit à -5 degrés. «Nous pouvons installer dix matelas dans le réfectoire si nécessaire, ainsi que trois de plus dans les chambres. Il a fallu le faire les nuits des 5 et 6 mars, l’année passée», déclare le responsable.

Dans le cas où la vague de froid perdurerait plus de trois jours, l’abri PC de La Marive prendrait le relais. Un tel dispositif, en collaboration avec la Ville d’Yverdon-les-Bains et Police Nord vaudois, n’a, jusqu’ici, pas dû être déployé. «Le but est que personne ne dorme dehors durant l’hiver», indique Cyril Maillefer.

A noter que, pour répondre à une demande croissante, La Lucarne a été dotée de quatre lits supplémentaires il y a quatre ans.

Ludovic Pillonel