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Délicieusement hors du temps
Gaétan Gris (Soy) et Estelle Hardier. © Michel Duperrex

Délicieusement hors du temps

2 décembre 2021

Estelle Hardier, patronne de La Promenade, a fait appel à Soy, artiste-graffeur, pour réaliser une fresque célébrant le jeu de quilles, en fonction depuis près d’un siècle dans son établissement de la rue des Jordils.

Estelle Hardier est une patronne d’établissement sensible à l’histoire du lieu qui l’accueille. La Promenade, ce lieu mythique d’Yverdon-les-Bains, a une âme que la Française entend bien faire vivre à travers les âges.

Dès la porte franchie, le charme légèrement suranné de La Promenade, ses objets joliment anachroniques et ses couleurs sépia plongent le visiteur dans l’atmosphère d’un film où le temps se serait arrêté et ne reprendrait qu’à l’heure du service, où le personnel s’active pour proposer une cuisine bien d’aujourd’hui dans un subtil mélange de saveurs, où l’on peut tout aussi bien profiter dans la même journée d’une solide fondue garantie 100% helvétique, chasselas compris, à midi, et découvrir un teriyaki tofu mariné, ananas, piment rouge et mayonnaise au curcuma et gingembre le soir, le tout accompagné d’un thé aussi bio que vert.

La Promenade, c’est une certaine idée de la restauration et de l’accueil, un établissement hors du temps, qui replonge d’ailleurs très volontiers les Yverdonnoises et Yverdonnois dans une époque où le jeu de quilles était une occupation appréciée d’une ville ouvrière, où l’employé de Paillard allait se divertir le samedi soir.

Dans les années 30, voilà presque un siècle, les gamins ramenaient les quilles aux messieurs (il était alors d’usage que les femmes ne fréquentent pas les établissements publics) et recevaient en récompense des sirops à l’eau, raconte volontiers Estelle Hardier, qui n’aime rien de plus que s’asseoir en bord de piste, où il est possible de manger lorsque personne ne joue, et se remémorer le temps où cette piste était un point important de ralliement à Yverdon.

Aujourd’hui, c’est elle, la Normande de 42 ans, qui entretient fièrement et avec passion la mémoire de ce lieu et qui a décidé de s’offrir un petit cadeau «de confinement» en confiant à Soy, artiste graffeur venu de La Chaux-de-Fonds, le soin d’immortaliser une partie de bowling sur le mur menant au «strike».

«Il m’a fallu une semaine de travail. Le lieu m’a inspiré, il respire l’histoire. Bon, je n’ai pas dormi sur la piste quand même», sourit Gaëtan «Soy» Gris, solide gaillard aux doigts fins. «J’ai cherché des images dans le passé et j’ai dessiné plusieurs esquisses. Celle-ci a bien plu à Estelle, donc c’était parti», continue le Chaux-de-Fonnier, qui a redécoré plusieurs murs de la région (L’Impro, Gressyland, Les Citrons Masqués, une assurance…) et aime le Nord vaudois. «J’apprécie Yverdon, j’y viens souvent», dévoile l’artiste.

Et le jeu de quilles? «On a peu l’occasion d’y jouer aujourd’hui, mais je le fais de temps en temps, quand j’en ai l’opportunité. J’aime le côté rétro. On comprend mieux le présent en explorant le passé», philosophe Soy.

La patronne, elle, est heureuse du résultat. «J’aime tellement ce café, que je suis ravie d’y avoir apporté cette marque indélébile. Le jeu de quilles, j’y tiens. Même si ça fait un peu de bruit, que certains le trouvent peut-être anachronique dans un café-restaurant en 2021, surtout à deux mètres de la salle à manger principale, je tiens à ce qu’il reste en l’état. Le mécanisme a été créé en 1964 et il fonctionne encore. Il s’agit d’un bien précieux, historique, qui fait partie du patrimoine d’Yverdon-les-Bains. Tant qu’il y aura des joueurs et que je serai ici, le jeu de quilles sera là.»

Rédaction