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Des bénévoles dont le savoir-faire dépasse les frontières
De g. à dr.: Eric Thévoz, Jean-Pierre Jaques, Denis Müller, Denis Rossier, John Blanc. © Carole Alkabes

Des bénévoles dont le savoir-faire dépasse les frontières

8 octobre 2019 | Edition N°2597

Les planeurs accidentés convergent de toute l’Europe vers le club de vol à voile local.

Le président de l’Air Club d’Yverdon-les-Bains, Denis Rossier, outre le fait d’avoir été pilote de ligne, pilote de chasse et instructeur sur FA/18, est également passionné de vol à voile. Il a arrêté de compter ses heures dans les airs quand il a franchi le cap des 35 000!

Depuis une vingtaine d’années, chaque jeudi soir, il se rend dans l’atelier de réparation que la section vol à voile de l’Air Club de la Cité thermale possède en bout de piste de l’aérodrome. Avec d’autres bénévoles, il ponce, répare, bichonne les planeurs accidentés qu’il est allé chercher dans toute l’Europe. Il est devenu au fil des ans «le» spécialiste des DG, un planeur fabriqué en Allemagne, et des Schleicher, le plus ancien fabricant au monde, également allemand.

Des carcasses revendues

Après un accident, les compagnies d’assurance indemnisent les propriétaires. Elles tentent ensuite de revendre la carcasse à moindre coût. Elles fournissent au nouveau propriétaire une liste des huit ateliers spécialisés en Europe, seuls habilités à les réparer. Chacun a «sa» marque de référence. Denis Rossier et son équipe sont de ceux-là. Car il ne s’agit pas de poser simplement un tacon pour boucher un trou! Avant de revoler, l’appareil passe aux ultrasons sous l’œil expert des spécialistes de l’Office fédéral de l’aviation civile. Et il n’est pas possible de les réparer plus de deux fois. «Ces avions pèsent 230 kilos pour les modèles monoplace et 750 kg pour les biplaces, ceci sans compter l’éventuel petit moteur d’appoint que certains fabricants installent, révèle le spécialiste. J’avais 16 ans quand j’ai réparé mon premier planeur. Il m’est arrivé d’en restaurer en bois. Aujourd’hui, ils sont fabriqués à partir de résine époxy, un polymère très résistant et léger, qui présente également de très bonnes qualités mécaniques. Mais malgré tout, chaque réparation alourdit l’avion.»

Un atterrissage «aux vaches»

Il arrive parfois que des pilotes soient contraints d’atterrir dans un champ. Les pilotes appellent ça «atterrir aux vaches». Les obstacles sont souvent inévitables: piquets, rochers, arbres… Les dégâts sont généralement considérables.

Il existe des entreprises spécialisées, mais les coûts sont rédhibitoires pour la plupart des clubs et des propriétaires. «Un jour, un réparateur m’a dit: les petits dégâts sont des bricoles. Vous devriez apprendre à les réparer vous-même, se souvient Denis Rossier. J’ai suivi ses conseils. Pendant deux ans, j’ai passé mes vacances en Forêt Noire, au sein de la société Borowski Schrauberg pour apprendre à réparer.»

Aujourd’hui, il transmet à son tour son savoir à toute personne qui est d’accord de passer des milliers d’heures au chevet d’une carcasse de planeur. Patience et persévérance sont indispensables, surtout lorsque l’on sait qu’un planeur neuf nécessite 400 heures de ponçage, juste pour qu’il puisse bien s’enfiler dans l’air…

Chaque jeudi, entre cinq et neuf personnes se succèdent dans l’atelier. Peu de machines, un compresseur, beaucoup d’outils, de la fibre et de la résine… Le travail se fait à la main. «Le dernier avion que nous avons réparé a nécessité 1600 heures de travail, soit trois ans.» Au fil des années, Denis Rossier et son équipe ont acquis une expérience incommensurable. à tel point que le spécialiste reçoit des appels de toute l’Europe, de propriétaires qui cherchent à faire réparer leur engin.

«Ca me fait mal au cœur de voir ces planeurs à la poubelle. Alors j’avance l’argent au club et je les répare. Puis, ils sont revendus ou continuent de voler sous les couleurs de l’Air Club. Mon plus cher désir serait que des jeunes viennent apprendre à voler et à réparer.»

Il est possible de passer sa licence de vol à voile dès l’âge de 15 ans. «Je voudrais pouvoir transmettre toutes ces connaissances. Il y a du travail pour les 150 ans à venir rien qu’avec le stock de l’Air Club!»

Reste que ces réparations sont effectuées par des passionnés qui ne comptent pas leurs heures. Ils s’échangent des pièces, des conseils, des techniques. Et tout cela bénévolement. Car quand on aime, on ne compte pas.

Dominique Suter