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Des créateurs complices
Quentin, Isabelle et Didier Mouron partagent une belle complicité.

Des créateurs complices

30 mai 2025 | Texte et photo: I. Ro.
Edition N°3951

L’artiste Didier Mouron a ouvert son Espace DM. Avant de partir vers de nouvelles aventures outre-Atlantique.

En observant les œuvres de Didier Mouron, accrochées aux murs de son port d’attache – la maison familiale de Giez –, on est à la fois surpris et charmé par sa créativité, qui prend forme par la simple pointe d’un crayon accrochée à son porte-mine Caran d’Ache, qu’il conserve précieusement tel un talisman. Aussi incroyable que cela puisse paraître, cet artiste parvient à restituer un paysage, une ambiance surréaliste fruit de son imaginaire, pourtant parfois proche d’une photographie ou fondue dans un flou habilement travaillé dans les nuances.

«Faire le plein d’émotions et partager ensemble quelques instants avant que nous nous envolions à nouveau vers nos projets d’outre-Atlantique.» L’invitation attise non seulement la curiosité, mais nourrit aussi l’envie de partager un moment avec ce personnage hors du commun, qui se qualifie «d’ouvrier au service de l’expression».

Né à Chardonne, Didier Mouron n’est en effet pas un artiste issu de l’Académie des beaux-arts. Son grand-père était agriculteur sur les flancs du Mont-Pèlerin, et son père concierge au Mirador, le fameux hôtel d’où on embrasse le Léman dans toute son amplitude et les Alpes savoyardes.

Après la scolarité, le jeune Didier est devenu dessinateur technique en génie civil. Il fallait bien gagner sa vie. «J’ai commencé à gribouiller avec un crayon, mon complice émotionnel», commente l’artiste. Un brin taquin, il dit volontiers qu’en gribouillant ont devient gribouilleur.

Une «agente» excentrique

Le dessinateur a un joli coup de crayon, qu’il développe pendant ses loisirs. Et lorsque son père lui suggère de présenter ses tableaux au Mirador, il se lance. A vrai dire sans trop de conviction.

La vie, c’est bien connu, est une suite de hasards et de rencontres. Celle d’une touriste américaine séjournant au Mirador, un brin excentrique, en fait partie. Séduite par les œuvres, elle en parle à l’artiste, puis à un galeriste new-yorkais, alléché par quelques diapositives, qui lui propose de traverser l’Atlantique.

Lorsqu’il en parle à son père, celui-ci lui lance: «Vas-y, fonce!» «Il m’a poussé là où il ne pouvait aller», explique Didier.

A la conquête de l’Amérique

Et voilà deux jeunes gens, Didier et son inséparable Isabelle – ils sont en couple depuis près de cinquante ans –, partis à la conquête de l’Amérique. A leurs risques et périls, avec quelques tableaux en guise de passeport, et de maigres connaissances d’anglais.

Le galeriste américain, un certain Trufio, voit tout de suite le potentiel de l’artiste. Mais il faut qu’il produise plus de tableaux. Le galeriste a des relations dans les milieux d’affaires, notamment avec un certain Donald Trump, que personne ne connaît alors de ce côté-ci de l’Atlantique. Didier Mouron le rencontre en 1985 lors d’une exposition à la Trump Tower. Il ne l’a plus revu depuis.

Une incroyable aventure

Un livre ne suffirait pas à résumer les aventures américaines de la famille Mouron. Si elle reste très attachée à la Suisse, en particulier à Giez, la famille a implanté ses racines sur le continent américain. En particulier au Canada, où Quentin, le fils du couple, a passé une bonne partie de son enfance.

La famille a vécu dans sa cabane au Canada comme d’autres, au lendemain de mai 68, a pris racine dans le Sud de la France ou ailleurs. Cette vie au contact de la nature, mais pas en vase clos – ils ont régulièrement accueilli proches et amis, et même quelques confrères suisses –, a permis au trio de développer des liens étroits, et a sans doute nourri l’imaginaire des Mouron, père et fils.

Une belle complicité

Les deux hommes et leur épouse et maman partagent une complicité rare. Pas seulement du point de vue affectif. Quentin Mouron est devenu très jeune déjà un écrivain de talent, bien connu pour ses chroniques déjantées, souvent critiques et parsemées d’utiles provocations qui génèrent le débat.

S’ils pratiquent des arts bien distincts, père et fils se retrouvent dans des échanges toujours très animés. Mais aussi sur des ponts artistiques. A l’enseigne d’Ensemble, Quentin a illustré par l’écriture les œuvres de son père, celles qui étaient justement présentées à l’Espace DM le week-end dernier.

Un concert et un film

Dans ce même espace, une ancienne grange presque nue, occupée dans un coin par un petit atelier où Didier Mouron s’isole avec son crayon – la gomme est absente de son art et il dessine d’un seul trait –, l’artiste a présenté un film-concert tourné dans les studios de la Warner, Dreams of Mouron – une performance concoctée par un artiste suisse et un compositeur et chef d’orchestre américain (Don Harper), unis dans une véritable création –, accompagné de quelques œuvres dont on découvre, dans une notice d’avertissement, que ce sont des faux.

La Warner voulait s’éviter des problèmes d’assurance et l’artiste s’est du coup trouvé exempté des tracas douaniers.

Ces tableaux sont présentés sur de véritable totems qui ont, en certaines occasions, l’avantage de transformer, le temps d’une présentation, un espace naturel en une véritable galerie, dont la profondeur évolue au gré des lumières et des caprices de la météorologie.

Didier et Isabelle Mouron vont mettre le cap sous peu vers leur seconde patrie – ils ont également la nationalité canadienne –, avec en perspective de nouveaux projets, et des univers qui inspirent l’auteur de cinq cents tableaux disséminés dans le monde entier, parvenu aux portes de l’ère de la plénitude.

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