Des défis pour les prisons urbigènes
26 janvier 2016Orbe – L’Etat de Vaud a présenté, hier, son rapport sur la politique pénitentiaire. Les enjeux sont nombreux, y compris dans l’univers carcéral local.

La conseillère d’Etat Béatrice Métraux, à la tête du Département des institutions et de la sécurité (DIS), auquel est rattaché le Service pénitentiaire.
Le décès, en mars 2010, du détenu Skander Vogt aux Etablissements pénitentiaires de la plaine de l’Orbe (EPO) avait incité la députée Anne Papilloud à déposer un postulat intitulé «Quelle politique carcérale pour le canton?» Un rapport de 200 pages sur la politique pénitentiaire, présenté hier matin à Lausanne, répond à cette question, en fixant les orientations du Conseil d’Etat pour les dix prochaines années.
La démarche, qui a bénéficié de l’expertise de spécialistes, serait sans précédent en Suisse romande. Elle vise à faire face à des défis de taille, comme la surpopulation carcérale, «durable depuis fin 2011», a relevé la conseillère d’Etat Béatrice Métraux. Le taux d’occupation est, par exemple, de 150% à La Croisée, l’établissement urbigène de détention avant jugement et de courtes peines privatives de liberté. «Les EPO, l’autre site urbigène, subissent, de fait, légèrement moins les effets de la surpopulation, les normes légales obligeant les établissements d’exécution de peine à ne placer qu’une personne par cellule, en raison du principe d’individualisation de la sanction», précise Anthony Brovarone, délégué en communication du Service pénitentiaire.
Infrastructures à développer
Quelque 250 places de détention ont été créées ces dernières années dans le Canton. A Orbe, la prison de La Croisée a été dotée, en 2013, de 80 places en détention avant jugement, le même nombre que la Colonie fermée des EPO l’année suivante. Mais l’effort doit se poursuivre. Il passera, entre autres, par la création, en terre urbigène, d’une nouvelle Colonie, d’une capacité de 80 places (lire ci-dessous).
La sécurité fait partie des priorités stratégiques de la politique pénitentiaire du Canton. Elle avait été pointée du doigt, en 2013, lors de l’évasion spectaculaire de deux détenus de Bochuz.
Des efforts ont, d’ores et déjà, été réalisés en la matière du côté des prisons d’Orbe: création d’un «no man’s land» -une zone tampon entre deux espaces sécurisés- et pose de buttes anti-franchissement aux EPO; sécurisation de la zone d’entrée, renforcement de la sécurité des toits et développement de la détection et de la vidéo-surveillance à La Croisée. «Dans les années à venir, c’est toutefois tout le visage de la plaine de l’Orbe qui changera, avec non plus deux établissements distincts mais un seul complexe pénitentiaire, avec différentes zones de sécurité (du milieu ouvert à la haute sécurité) et l’émergence de nouveaux bâtiments entourés d’un périmètre sécurisé», précise Anthony Brovarone.
«Le gros morceau» à l’horizon 2027
Les projets ne manquent pas pour les prisons d’Orbe. La construction d’une nouvelle Colonie «ouverte» des EPO est prévue en 2017. La même échéance a été fixée pour la réalisation du Plan directeur du Complexe pénitentiaire de la plaine de l’Orbe (CPPO). La transformation de la Colonie existante est programmée en 2018-2019, alors que la sécurisation du périmètre du CPPO devrait avoir lieu en 2020, tout comme la construction d’un poste de contrôle avancé.
Le développement d’un nouveau secteur spécifique à la prise en charge des régimes dits «spéciaux» (haute sécurité et cas psychiatriques/17 places) au sein du pénitencier de Bochuz, ainsi que l’adaptation, avec 25 nouvelles places à la clé, du régime «ordinaire» aux paradigmes sécuritaires et de prise en charge actuels sont envisagés en 2021.
Mais «le gros morceau», selon Béatrice Métraux, sera le transfert, programmé à l’horizon 2027, de la prison lausannoise du Bois-Mermet sur le site du CPPO.
Des mesures pour les seniors aux EPO
La politique pénitentiaire cantonale veut mettre l’accent sur «une prise en charge adéquate pour les populations spécifiques». S’agissant des 65 ans et plus, «la création d’une division spécifique est prévue aux EPO», peut-on lire dans le rapport. «Les EPO ont, d’ores et déjà, commencé cet accompagnement en proposant, par exemple, des aménagements du temps de travail -pour rappel, le condamné est astreint au travail, même au-delà des 65 ans», indique Anthony Brovarone.
Les Etablissements pénitentiaires de la plaine de l’Orbe ont, en outre, été les premiers hôtes de l’Unité d’évaluation criminologique, fondée en 2004. Cette démarche, visant, notamment, à évaluer le risque de récidive, a été «élargie à l’ensemble des personnes placées sous la responsabilité du Service pénitentiaire, qu’elles soient en détention avant jugement ou hors d’établissement pénitentiaire. Le tri initial se fait sur la base du dossier pénal», précise Anthony Brovarone.