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Des jeunes réfugiés cherchent leur parrain de Suisse
Anne-Claire Bloesch accueille quelques jours par mois le jeune Abdul depuis mai. © Michel Duperrex

Des jeunes réfugiés cherchent leur parrain de Suisse

5 octobre 2023

Solidarité – Le projet Action-Parrainages a besoin de personnes ou de familles prêtes à dédier deux ou trois journées par mois à des mineurs non accompagnés. Une séance d’information a lieu mardi.

L’enjeu est important: le projet Action-Parrainages a besoin de familles pour que les réfugiés mineurs qui arrivent dans la région sans aucun parent puissent bénéficier d’un soutien dans une période très difficile pour un jeune âgé de 14 à 17 ans.

Créé en 2016, le projet est soutenu par les Églises du canton et différentes associations actives auprès des migrants. Il promeut le lien entre réfugiés récemment arrivés en Suisse et personnes vivant de longue date dans le pays. Le parrainage n’implique aucune responsabilité de la part de la famille. Elle ne devient pas tutrice du jeune, ni ne doit l’héberger. Elle s’engage simplement à partager, en moyenne, deux ou trois journées par mois avec le mineur non-accompagné. Le jeune comme la famille intégrée en Suisse peuvent stopper la relation à tout moment. Une décision que ne prendra a priori aucun des intervenants que La Région a rencontrés.

Pour que les jeunes réfugiés qui occupent les deux nouvelles structures éducatives qui ont vu le jour à Yverdon puissent aussi bénéficier de ce projet, Action-Parrainages Vaud, en collaboration avec le Gamyr (Groupe Asile et Migration d’Yverdon et Région), organise une soirée de présentation. Des jeunes et des familles qui profitent de cette action témoigneront au château d’Yverdon. «Les jeunes récemment arrivés sur Yverdon aimeraient bénéficier de la même chance et nous interpellent sans cesse pour que nous leur trouvions des parrains ou des marraines», indique Antoinette Steiner Delacrétaz, coordinatrice du volet mineurs non accompagnés du projet.


Michael Hansen, parrain de Mahdi:
«C’est un honneur de représenter la Suisse à ses yeux»

Michael Hansen et sa famille accueillent Mahdi, un jeune Afghan de 15 ans, depuis le mois de mai. Originaire de la Flandre, région néerlandophone de Belgique, Michael Hansen a pu s’identifier à Mahdi. «Je suis arrivé en Suisse quand j’avais 10 ans. Je sais ce que c’est que d’arriver dans un pays sans connaître la langue et de chercher à s’intégrer tout de même. Je sais que ça a été difficile pour moi, alors que j’avais ma famille à mes côtés. Donc j’imagine à quel point c’est dur pour lui et j’essaie qu’avec ma famille, nous puissions l’aider un peu.»

Sur une terrasse du centre, Mahdi explique son quotidien. Et même si on lui propose de s’exprimer en anglais, le jeune Afghan tient à faire l’effort de s’exprimer en français, une langue qu’il maîtrise moins. «Je suis Afghan, ça fait une année que je suis en Suisse. Je suis étudiant à Léon-Michaud et j’apprends le français. Je fais aussi du foot et du fitness. Je veux devenir conducteur de train.»

Comment Mahdi est-il entré dans le programme d’Action-Parrainages? «C’est mon éducatrice, Camille, qui m’a proposé une famille, pour mieux connaître les gens en Suisse et apprendre le français. Je suis très content d’avoir cette famille de parrainage, ils sont très gentils.» Dans le programme, c’est le jeune qui choisit sa famille, pas l’inverse. Mais le besoin en famille est réel. La preuve: Mahdi a eu le choix entre la famille Hansen… et c’est tout! Fort heureusement pour les deux parties, le courant est vite passé entre eux. «Il vient environ toutes les deux semaines, explique Michael Hansen. Il s’intègre vraiment à notre vie de famille. Nous avons deux enfants, de 2 et 5 ans, et ils aiment beaucoup passer du temps avec Mahdi. Lui aussi, je crois, apprécie de jouer avec les petits. C’est vraiment un ado comme les autres, pour autant que ça existe!»

Grâce aux Hansen, Mahdi retrouve un univers familial. «C’est quelque chose qu’il a perdu, regrette Michael Hansen. Mais on ne parle pas trop de son parcours. Je pense que s’il est ici, c’est aussi pour tourner cette page douloureuse.» Car Mahdi est parti sur les conseils de proches. «Des membres de ma famille ne s’entendent pas avec les talibans, explique le jeune de 15 ans. Je préfère ne pas trop en parler, pour protéger ma famille.»

À l’heure où la question de l’immigration – vue par certains comme un danger pour la pérennité des valeurs de la Suisse – revient sur le devant de la scène politique, Michael Hansen veut aller à contre-courant. Si sa famille a choisi d’aider Mahdi, c’est aussi par patriotisme. «C’est une façon pour moi de montrer ce qu’est l’accueil suisse. C’est un honneur pour moi de représenter ce pays dans le yeux de Mahdi. Et je peux montrer nos valeurs à nos enfants. Pas juste en parler, mais les appliquer, concrètement.»


Anne-Claire Bloesch, marraine d’Abdul:
«Il amène de la vie dans mon quotidien»

Anne-Claire Bloesch est marraine d’Abdul, un jeune Afghan de 17 ans. Cette rhumatologue à la retraite a appris l’existence du programme de parrainage grâce à un collègue. «Ce sont eux les Suisses de demain!» lance Anne-Claire Bloesch.

Comment se passe l’expérience pour elle? «Très bien! On fait des choses simples ensemble, comme de la cuisine ou se balader. J’ai énormément de plaisir à passer du temps avec lui. Abdul amène de la vie dans mon quotidien, pour moi ce n’est que du bonheur.»

Mais la communication, forcément, n’est pas toujours facile. «Comme Abdul ne parle pas encore très bien le français, on utilise un peu tout pour discuter. Ça peut être les panneaux, ou encore les plaques de voitures pour parler de géographie.»

Mais Anne-Claire Bloesch tient à rassurer ceux qui hésiteraient à sauter le pas. «Il y a certes un petit contrat qui est signé entre le jeune et nous, mais c’est surtout quelque chose de très simple. Nous ne sommes pas les représentants des mineurs, il n’y a pas d’obligation de se voir, ni même d’obligation de préparer une activité. La liberté est primordiale dans ce parrainage. Globalement, c’est une relation très normale, qui évolue au gré de l’envie des deux parties.»

La rhumatologue à la retraite voit Abdul environ deux à trois fois par mois. «La première fois, pour apprendre à se connaître, nous nous sommes baladés au bord du lac. Dès la seconde rencontre, il m’a invité chez lui, dans son appartement. Comme Abdul aime cuisiner, il a voulu me montrer les plats de chez lui, en compagnie d’un de ses amis. Et maintenant, à chaque fois que je vais le chercher au foyer pour une sortie, je suis systématiquement invitée par un des habitants à boire quelque chose! C’est leur tradition.»

En cinq mois, une vraie relation s’est créée entre Anne-Claire Bloesch et Abdul. «Quand il parle de moi à ses amis, il parle de maman. Forcément, ça me touche beaucoup, sourit l’Yverdonnoise. Je réalise à quel point il apprécie ces moments.» La possibilité de se sentir chez lui quelque part, grâce à Anne-Claire Bloesch est évidemment très importante pour Abdul. «On n’a pas parlé de son parcours, explique pudiquement la retraitée. Quand il y sera prêt je serai disponible, mais c’est une expérience très violente, qui fait partie de son intimité. Je suis heureuse de pouvoir le soutenir s’il en a besoin. Là, j’agis vraiment dans le concret.»


Infos pratiques

Soirée d’information: Mardi 10 octobre à 20h, au château d’Yverdon, salle Léon-Michaud. Témoignage de jeunes parrainés et de familles marraines. Possibilité de poser ses questions.

Pour plus d’informations, contacter directement, à l’adresse mail: mna@action-parrainages.ch

ou consulter le site: www.plateforme-asile.ch/action-parrainages/