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Des toiles aux couleurs de ses émotions

20 avril 2018 | Edition N°2230

Arnex-sur-Orbe – Laurent Gallay organise une exposition spéciale pour célébrer ses 50 ans de peinture dans son atelier pittoresque.

Avec son poêle à bois et son divan, Laurent Gallay s’est construit un cocon à côté de sa maison. Il passe toutes ses journées dans son atelier et parfois même la nuit entière. Il y organise également des concerts de musique classique. © Michel Duperrex

La seule chose qui sépare Laurent Gallay de sa passion pour la peinture, c’est une simple porte. Installé depuis 1987 à Arnex-sur-Orbe dans une bâtisse qu’il a entièrement rénovée, l’artiste et enseignant d’arts visuels à la retraite y a annexé son atelier, un cocon où il laisse voguer son esprit et son inspiration. «Quand j’étais petit, j’étais hyperactif. Pour me calmer, je devais me concentrer sur quelque chose et c’était soit la peinture soit la gym, raconte le Nord-Vaudois. Aujourd’hui, je navigue toujours entre trois de mes passions: la peinture, la musique et la cuisine.»

Apprendre en copiant

S’il arrive aujourd’hui à dompter sa bougeotte avec un pinceau, il lui est en revanche impossible de contenir sa créativité. Et cela fait 50 ans cette année qu’il l’exprime sans relâche à travers ses toiles aux couleurs vives. Le sol de son atelier est d’ailleurs témoin de sa fougue, puisqu’il est jonché d’éclats de peinture, et son mur central, utilisé comme chevalet géant, est devenu à lui seul une œuvre d’art. «Tant que je ne ressens pas qu’il y a de l’émotion dans mon tableau, je continue à peindre. Parfois, cela prend dix ans», avoue celui qui est un brin perfectionniste.

Aussi loin que Laurent Gallay s’en souvienne, il a toujours été fasciné par l’art: «J’avais une prof géniale à l’école enfantine. Elle me laissait passer la journée à dessiner sur le tableau noir. Ensuite, j’effaçais tout chaque soir et j’étais tout content», confie-t-il.

Fils d’ouvriers, le Rollois d’origine a acquis son coup de crayon en observant des artistes de rue croquer des paysages et des portraits. «Dès que j’avais un moment, j’allais derrière les peintres installés au bord du lac, et je regardais ce qu’ils faisaient et comment ils s’y prenaient, raconte celui qui s’est payé sa première boîte de peinture à l’huile à 11 ans, en vendant des dents-de-lion au marché de Rolle. Ensuite, j’essayais de faire pareil à la maison. Mais comme on était trois dans une petite chambre, mon frère et ma sœur n’appréciaient pas vraiment parce que ça puait la térébenthine!»

Déterminé et persévérant, le jeune peintre a exposé ses premiers tableaux à 16 ans dans son collège avant de pouvoir jouer dans la cour des grands en accrochant ses œuvres à la Galerie Peter’s à Rolle, deux ans plus tard. Depuis ce moment, les choses se sont accélérées pour l’artiste, qui a enchaîné les projets et les expositions dans toute la Suisse et à Haïti, où il a vécu durant deux ans.

Expériences en tous genres

Au fil des années, Laurent Gallay a amélioré son trait d’abord dans un style figuratif avant de glisser peu à peu dans l’abstrait. «Au départ, je travaillais encore avec des formes, puis elles se sont estompées jusqu’à ce que mes toiles deviennent presque monochromes. Là, je me suis dit: ça ne va pas ton truc. Alors j’ai pris un virage pour revenir vers une peinture plus formelle, explique-t-il. L’art abstrait, c’est comme la musique, il faut d’abord connaître la gamme, (ndlr: le style figuratif) pour pouvoir faire de l’improvisation.»

Mais le Nord-Vaudois d’adoption a parfois délaissé ses toiles pour réaliser des fresques murales, comme celle qui orne le collège de Chavornay, des dessins de nus ou encore des décors pour l’opéra. «J’ai même gagné le prix de la meilleure étiquette de vin suisse en 1992 parce qu’un jour, un quidam a trouvé une bouteille avec une étiquette que j’avais dessinée et par hasard, il se trouvait qu’il était membre de la confrérie qui attribue ces prix», révèle-t-il.

Qu’est-ce qu’il retient de ce demi-siècle de peinture? «Que je ne sais toujours pas grand-chose, lance Laurent Gallay en souriant. Plus on ouvre son horizon, plus on se rend compte qu’il y a plein de choses à faire et à apprendre.» Et d’ajouter: «Le risque, avec ce métier, c’est de se complaire dans sa technique, sans chercher à évoluer. Ce que j’ai toujours combattu. Bien sûr, ce serait plus facile, mais ce serait surtout lassant. Moi, j’ai le luxe de pouvoir peindre en pensant à ma passion et pas à vendre.»

La quiétude de la nature en toile de fonds

Pour marquer le coup de ses 50 ans de carrière, Laurent Gallay a préparé une exposition anniversaire avec toute une panoplie de toiles. Grandes ou petites, elles se démarquent par leurs couleurs denses et nuancées entrecoupées de manière linéaire par un dégradé foncé. «On peut dire que ce sont des paysages abstraits», analyse l’Arnésien, bien qu’il n’aime pas catégoriser son travail.

«C’est la nature entière que l’on retrouve là. Quand on se plonge dans ces œuvres, l’imaginaire peut énormément travailler, explique la Chavornaysanne Eliane Desponds, venue visiter l’exposition samedi dernier. Je vois énormément de sensibilité dans les couleurs. C’est vraiment prenant.» Devenue artiste à l’âge de la retraite, elle n’a pourtant pas du tout le même style que Laurent Gallay. «Je peins beaucoup de chevaux et de portraits, mais je n’ai jamais compris l’art abstrait. Ce qui ne m’empêche pas de l’apprécier.»

Exposition à découvrir au Vieux Collège 4 à Arnex-sur-Orbe, jusqu’à samedi, ou sur rendez-vous en appelant le 024 441 47 25.

Christelle Maillard