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Des toilettes sèches en Mongolie

21 octobre 2016 | Edition N°1854

Yvonand / Oulan-Bator – Invitée par une délégation mongole, la municipale Emmanuelle Bigot a prodigué ses conseils en matière d’assainissement des eaux.

Les toilettes mongoles ne sont pas assainies, d’où une pollution des eaux. ©DR

Les toilettes mongoles ne sont pas assainies, d’où une pollution des eaux.

Conseillère en environnement et spécialiste de l’assainissement écologique, Emmanuelle Bigot s’est envolée pour la Mongolie le 16 septembre dernier, pour y rester jusqu’au 25. Invitée par des députés mongols,elle leur a prodigué ses conseils en matière de toilettes sèches.

Une délégation à Grandson

Emmanuelle Bigot et Enkh Amgalan Luvsantseren. ©DR

Emmanuelle Bigot et Enkh Amgalan Luvsantseren.

Tout débute lorsque, en mars dernier, une délégation mongole se rend à Grandson, afin de découvrir les pratiques et technologies d’un tourisme durable et respectueux de l’environnement. «Depuis deux décennies, la Mongolie est confrontée à la pollution de ses eaux à cause de l’augmentation du tourisme, confie Emmanuelle Bigot, active depuis dix ans dans le domaine des toilettes à compost. Les politiques du pays cherchent des solutions durables pour affronter ce problème.» Accueillis par Emmanuelle Bigot, les délégués ont eu l’occasion de découvrir des toilettes sèches installées sur les plages de Grandson. Ils ont ensuite visité les équipements sanitaires destinés au public de la fondation La Coudre, à Bonvillars.

Une invitation en Mongolie

Impressionnés par l’efficacité de ces installations modernes et sans odeur, les visiteurs ont alors invité Emmanuelle Bigot à se rendre en Mongolie, pour faire le point de la situation. «J’ai été très touchée par leur invitation. La pollution des eaux est une problématique environnementale importante à mes yeux et, plus particulièrement, tout ce qui concerne la fameuse chasse d’eau», affirme-t-elle. Elle est soutenue financièrement par la fondation EcoLeap, basée à Genève, active dans le pays d’Asie et qui a permis de débloquer des fonds pour financer ce voyage.

Nappe phréatique menacée

Arrivée à l’aéroport d’Oulan- Bator, capitale de la Mongolie, Emmanuelle Bigot est directement partie au Nord, dans la région touristique du lac Khovsgol, près de la frontière russe. «Ce lac représente 70 % des réserves d’eau douce du pays et un pourcent des réserves mondiales, explique la conseillère. Au bord de ce lac magnifique, il devient urgent d’organiser un système d’assainissement des eaux sales.»

En effet, suite à l’afflux de touristes dans la région, les latrines -des trous creusés à vingt mètres à même le sol- installées depuis des décennies commencent à polluer la nappe phréatique et les cours d’eau souterrains. «La situation s’avère critique sur place, constate Emmanuelle Bigot, puisque les eaux sales remontent de plus en plus à la surface, selon la militante de l’environnement. Du fait de l’augmentation du tourisme, les peuples nomades de la région marécageuse de Khovsgol, qui vivent essentiellement du pastoralisme, sont de plus en plus repoussés sur leurs terres. Un conflit existe entre les autochtones et le développement du tourisme, en ce qui concerne l’usage du sol.»

Des conseils précieux

Sur place, Emmanuelle Bigot a livré ses conseils d’urgence pour développer d’autres systèmes d’assainissement. «Les toilettes sèches sont inodores, précise-telle. Avec les copeaux, les déjections fécales se transforment en compost.» A Khovsgol, la Tapa-Sabllia a visité une scierie, qui ne recycle pas ses copeaux. «Ça tombe à pic, c’est justement ce qu’il faudrait pour le bon fonctionnement des toilettes sèches», s’exclame l’experte. Par ailleurs, Emmanuelle Bigot a découvert des serres où poussent des concombres et des tomates. «C’était incroyable que ces légumes poussent à une telle altitude, se rappelle-t-elle. Le compost pourrait être utilisé pour fabriquer du terreau fertile.»

Des mesures concrètes ?

De retour à Oulan-Bator, Emmanuelle Bigot s’est concertée avec plusieurs ONG également sensibles à la problématique de l’assainissement des sols. Elle est également intervenue directement auprès du Parlement mongol, représenté par Enkh Amgalan Luvsantseren, député en charge de la politique sociale, de l’éducation,de la culture et des sciences. «Les politiques sont conscients de la problématique des eaux usées. A présent, ils doivent prendre des mesures concrètes, afin d’éviter cette surcharge environnementale monstrueuse. Ils devraient également légiférer, à mon sens, sur la gestion des déchets, qui polluent le long des routes mongoles, mais c’est une autre question», conclut Emmanuelle Bigot.

Les toilettes sèches, c’est du propre !

Les toilettes à chasse d’eau nécessitent un système de canalisations pour l’évacuation des eaux usées. L’entreprise Biocapi, dirigée par Emmanuelle Bigot, utilise de la paille de lin, du chanvre et des copeaux de bois pour absorber l’urine.

Selon la spécialiste, «le composte est fabriqué à partir de l’azote secrété par l’urine, du carbone et des copeaux». Ce type de toilettes permet de réaliser non seulement des économies d’eau, mais se passe de réseau d’égouts. Par ce processus, les matières fécales accumulées peuvent être compostées ou séchées.

Valérie Beauverd