Nord vaudois – André Liniger, de Premier, marche depuis une quarantaine d’années sur les traces des orchidées, qui se plaisent particulièrement au bord des chaussées. Reportage avec cet amateur éclairé, entre Les Clées et Montcherand.
L’addiction d’André Liniger pour les orchidées est véritablement née à son arrivée à Premier, en 1979, «au milieu des fleurs et des oiseaux. J’ai vu des Ophrys mouche au bord d’un talus et j’ai voulu en planter dans mon jardin, mais je n’en ai pas trouvé dans le commerce», indique-t-il. Des milliers d’heures de promenade plus tard -dans la région et partout dans le monde-, et après avoir consulté un nombre incalculable d’ouvrages, l’homme a largement acquis le statut d’amateur éclairé de ces plantes qu’il cultive en abondance à son domicile.
«On trouve des orchidées partout dans le monde et dans tous les milieux, sauf dans les déserts et en Antarctique. Elles étaient parmi les premières essences à pousser dans les trous laissés par les obus lors de la Seconde Guerre mondiale», précise l’autodidacte, aujourd’hui moins enclin à se rendre sous d’autres latitudes.
Il faut dire qu’avec cinquante des septante espèces répertoriées en Suisse -elles sont toutes protégées- le périmètre La Sarraz-Orbe-Vallorbe- Le Mollendruz offre une diversité particulièrement remarquable qu’André Liniger trouve quasi les yeux fermés. «On peut en observer de mars à septembre. Je suis capable d’identifier certaines d’entre elles depuis ma voiture. J’en ai vu, par exemple, en empruntant l’autoroute à Orbe direction Lausanne», déclare-t-il.
Les abords des chaussées et des lignes de chemin de fer sont, précisément, un endroit qu’affectionnent ces spécimens floraux allergiques aux engrais. A peine a-t-on laissé la voiture, à la sortie du village des Clées, que des Ophrys acera, appelées «homme-pendu» en référence à la forme de leur labelle -le pétale modifié caractéristique des orchidées- illustrent ces propos. D’autres espèces, dont la beauté est inversement proportionnelle à la taille, comme l’Ophrys araignée, l’Orchis militaire, l’Ophrys bourdon et l’Orchis brûlé se dévoilent sur une distance d’environ 300 mètres, alors que les voitures passent à intervalles réguliers en contrebas.
Le nom d’animal associé à certaines de ces plantes n’est pas anodin. Elles misent, en effet, sur le mimétisme pour attirer leur pollinisateur. Sous terre, le développement de nombre d’orchidées s’effectue en symbiose avec un champignon -là aussi, à peu de choses près, un différent pour chaque espèce. Cet allié fournit la nourriture nécessaire à la croissance de la plante, tandis que les racines de cette dernière dotent leur hôte d’un milieu propice à son développement. Si, dans le cas de certaines associations, la cohabitation s’effectue en bonne intelligence, dans d’autres, la coopération fait place à une lutte pour la survie à l’issue fatale pour l’une des deux parties.
Plus loin, le long de la route cantonale, à proximité de Montcherand, André Liniger pointe des Céphalanthère à longues feuilles, des Ophrys pourpres et des Limodores à feuilles avortées. Il garde «son chouchou de l’année passée», une plante pour l’heure sans fleur qu’il n’a pas encore pu identifier, pour la fin de la balade-découverte. L’occasion de montrer, si besoin était, que sa passion ne va pas se fâner de sitôt.