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Deux siècles passés à rendre «honneur aux armes suisses»
Yverdon, 4 juin 2019. Abbaye, Eric Gentizon et Rémy Tacheron. © Michel Duperrex

Deux siècles passés à rendre «honneur aux armes suisses»

6 juin 2019 | Edition N°2513

L’Abbaye d’Yverdon s’apprête à souffler ses 200 bougies, du 12 au 16 juin prochains. L’occasion, pour ses membres et le public, de découvrir son histoire et ses secrets.

Préparer un bicentenaire, c’est aussi se plonger dans les archives pour se rappeler comment tout a commencé. Mais comment faire quand tout a été réduit en cendres? C’est le défi qu’a relevé Rémy Tacheron, ancien président de l’Abbaye d’Yverdon, qui a été chargé de réaliser une plaquette pour commémorer les 200 ans de la société de tir. «Lorsque que le stand a partiellement brûlé, le 6 avril 1982, je n’ai pu récupérer qu’une caisse contenant l’onglet des quittances et quelques coupures de presse ainsi que les deux valises renfermant les données des trente années que j’avais passées au comité et que j’avais données à la société», raconte celui qui est considéré comme la mémoire vivante de l’entité.

Bien des mystères

L’habitant d’Ursins s’est donc tourné vers les archives de la ville pour dénicher quelques précieuses informations sur les anciens tireurs. «Je voulais surtout retrouver quelques comptes-rendus des grands anniversaires, comme ceux du 100e et du 125e», note Rémy Tacheron, qui avait déjà réalisé un important travail de recherche historique pour alimenter le site internet de l’Abbaye d’Yverdon et surtout pour organiser la manifestation en l’honneur des 150 ans de la société. Et c’est en farfouillant dans les livres d’antan et en discutant avec les archivistes qu’il est tombé sur des pépites. Il a notamment pu voir et toucher le tout premier drapeau de l’Abbaye d’Yverdon datant de 1819, sur lequel figure la devise de la maison: Honneur aux armes suisses. «On a dû aller en fin de journée au dépôt de la ville et se mettre à quatre pour le porter. Il fallait faire attention parce que les franges tombaient en ruine», relève-t-il. Et l’aventure a continué quand il a fallu immortaliser le drapeau tout en veillant à ne pas trop l’exposer à la lumière: «On a dû utiliser une double échelle!»

Dans cette caverne d’Ali Baba, Rémy Tacheron a également retrouvé un mouchoir en soie de 1919. «L’archiviste se demandait pourquoi l’Abbaye les avait distribués et on n’a pas su lui trouver l’information. Elle a fait des recherches mais impossible de le savoir», lâche Rémy Tacheron. Avant d’avancer sa théorie: «Pour moi, cela devait être un prix remis aux participants lors du centenaire.»

Une histoire de famille

L’ancien président a pu compter sur son petit-fils pour booster l’aspect visuel de la brochure commémorative et sur les vestiges du passé que lui ont laissés ses aïeux. Il faut dire que chez les Tacheron, le tir, c’est une tradition. «Avec mon frère, on allait au stand avec notre grand-père et notre père à Ursins. Ils nous payaient une limonade et après, on devenait secrétaires de tir pour gagner une tune! C’est comme ça qu’on entrait dans la société à l’époque», explique Rémy Tacheron, qui a remis la main sur un brassard vert et blanc surmonté d’un insigne en argent daté de 1869 dans les affaires de ses ancêtres. «Ce qui est fou, c’est que cent ans plus tard, on a retrouvé chez les Huguenin, au Locle, la matrice et le poinçon qui avaient servi à frapper l’insigne du cinquantenaire, dévoile-t-il. Et grâce à ça, on a pu refaire toute une série, non plus en argent, mais en alliage argenté, pour les vétérans.»

A son tour, Rémy Tacheron a initié sa famille à cette discipline. Sa fille, Véronique, a été sacrée deux fois championne au Tir en mémoire du Général Guisan, à Lausanne. Et son fils, Yves, a été champion vaudois à 20 ans. «Je me rappelle de ce jour-là. Je revenais du travail. Notre chat venait de se faire écraser et mon fils m’a dit: Je vais participer au Championnat vaudois de tir. Il a mis mon fusil en bandoulière et il est parti avec son vélomoteur, raconte-t-il avec une certaine fierté dissimulée derrière un sourire. Il est arrivé en short et il n’avait pas de coussin pour s’asseoir. Il a tiré, vert de rage, les larmes aux yeux. Et il a fini premier! Puis il a été couronné grand roi à l’Abbaye.»

Christelle Maillard