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La difficulté est un extraordinaire stimulant

19 octobre 2017 | Edition N°2105

Montagny-près-Yverdon – Le nouveau bâtiment du Secteur psychiatrique nord, En Chamard, a posé des problèmes techniques hors du commun au concepteur et aux réalisateurs, qui ont aujourd’hui la fierté d’avoir réalisé un objet d’ores et déjà emblématique.

Urs Bona a réalisé un vrai rêve d’architecte. ©Raposo

Urs Bona a réalisé un vrai rêve d’architecte.

Lorsqu’on évoque la construction du Caméléon, un nom fruit de l’imagination de notre consœur Joëlle Isler, Carlo Di Pietrantonio, à la fois promoteur, avec son associé Yves Schaller, et entrepreneur, par sa société Bâtimétal, sourit et dit à quel point l’immeuble de La Brinaz l’émeut chaque fois qu’il l’admire, à toute heure, lorsqu’il circule entre son domicile de Valeyres-sous-Montagny et le Bey.

Cette émotion n’a d’égale que celle d’Urs Bona (Bona architecture et design), qui devient carrément dithyrambique lorsqu’il évoque l’aventure de ce paquebot. C’en est un, d’une certaine manière, car il flotte comme un véritable bassin de piscine plongé dans la nappe phréatique, et sa forme n’a rien à envier à celle d’un transatlantique.

Avec une différence notable toutefois : cet immeuble emblématique a l’apparence d’éléments articulés, telles des vertèbres. «Il n’y a pas un angle droit», image Carlo Di Pientrantonio.

 

Une première en Suisse

 

Carlo Di Pientrantonio sur une petite portion de façades constituées de 40 000 écailles ! ©Raposo

Carlo Di Pientrantonio sur une petite portion de façades constituées de 40 000 écailles !

Et d’énumérer tous les défis techniques posés par cet ouvrage. «Cela a été un vrai casse-tête. Il a fallu tout étudier dans le détail, jusqu’au moindre raccord. Pour le bâtiment vert, on n’avait pas imaginé que la charpente allait être vrillée. C’est vrai qu’on a eu des soucis, mais on n’a jamais été découragés », explique le patron de Bâtimétal, dont la cinquantaine de collaborateurs ont été totalement impliqués dans ce projet hors du commun.

Le revêtement des façades, soit 40 000 écailles en inox anodisé, est unique en Suisse. Elles ont été préparées (découpe laser) chez Bâtimétal. Aujourd’hui, le patron est particulièrement fier du rendu : «On ne s’attendait pas à un tel résultat. C’est beaucoup plus que ce qu’on espérait.» Dans l’histoire de Bâtimétal, entreprise fondée il y a exactement 35 ans, cet immeuble fera date.

«Avec Urs, la collaboration a été fructueuse et très constructive», souligne Carlo Di Pientrantonio, rendant hommage à un architecte qu’il connaît bien.

 

Une opportunité

 

Si la forme de l’immeuble aux couleurs de l’arc-en-ciel était voulue dès le début, sa destination finale, elle, n’est pas celle prévue. En effet, le terrain était classé en zone industrielle. Il était donc prévu de proposer des locaux à la destination de l’artisanat et de l’industrie.

Le CHUV, dont dépendent les institutions psychiatriques, était à la recherche de locaux totalisant quelque 4500 m2, pour regrouper les services ambulatoires du Secteur Nord. Le directeur de l’ADNV, Jean-Marc Buchillier, a signalé deux sites possibles, tous deux situés En Chamard : l’immeuble Gonset, alors en construction -il abrite aujourd’hui les centres médico-sociaux (CMS)-, et le projet d’Urs Bona et Carlo Di Pientrantonio.

Au terme d’une évaluation aux allures de concours sur appel, une commission du CHUV a opté pour le Caméléon. Avec un ferme appui de la Commune de Montagny-près-Yverdon et des services de l’Etat -la procédure de changement d’affectation a pris moins d’une année-, le terrain est passé en zone d’utilité publique.

La distribution des locaux et leur aménagement correspond à un cahier des charges établi par l’utilisateur, qui bénéficie d’un droit d’emption en vue d’un achat ultérieur. L’architecte Urs Bona est fier du résultat : «C’est un centre régional. Il doit avoir une aura et je crois qu’on a réussi à interpeller. C’est une colonne vertébrale, avec quatre unités qui font un tout.»

Le concepteur relève que la vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille. N’a-t-il pas craint de se lancer dans un pareil défi ? «Un tel projet, c’est le nirvana pour un architecte. Il n’y a pas plus facile que de faire un bâtiment carré. Ici, il a fallu créer», déclare avec enthousiasme Urs Bona. Une toute jeune utilisatrice lui a déjà confié que c’était sa «maison des fées».

Le bâtiment témoigne, par ses façades, des humeurs du temps et des saisons. A l’intérieur, il a été pensé pour toutes les générations qu’il accueille. Avec un souci du détail et d’intégration assez impressionnant. La passerelle qui relie deux corps de bâtiment, à la fois œuvre artistique et élément de sécurité, illustre à merveille ce sentiment.

Au-delà de l’aspect esthétique, le résultat est époustouflant. Répondant aux dernières normes Minergie, il n’est pas plus cher qu’un autre bâtiment de l’Etat, assure Urs Bona.

Isidore Raposo ■

 

D’intéressantes synergies devenues possibles

 

Montagny-près-Yverdon – Le bâtiment présenté ci-contre a, donc, été récemment mis à disposition de la cheffe du Secteur psychiatrique Nord, Françoise Menu, et de ses collaborateurs. Une aubaine pour tout le service, des patients à l’administration.

Le nouveau bâtiment, avec ses angles inhabituels, accueille différentes unités mobiles, ainsi que des petites classes pour des enfants qui rencontrent des difficultés dans leurs processus d’apprentissage. ©Carole Alkabes

Le nouveau bâtiment, avec ses angles inhabituels, accueille différentes unités mobiles, ainsi que des petites classes pour des enfants qui rencontrent des difficultés dans leurs processus d’apprentissage.

Les nouveaux locaux du CHUV, en périphérie d’Yverdon-les-Bains, attirent forcément l’œil. Les écailles multicolores, se reflétant au soleil, font de ce nouveau bâtiment du Secteur psychiatrique Nord une curiosité architecturale.

A l’intérieur de ce nouveau vaisseau amiral pour la région se regroupent plusieurs activités, jusqu’alors éparpillées entre l’ancienne usine Bolex, la Maison Rouge située à l’avenue des Sports, des locaux à la rue du Valentin et même une unité basée à Payerne.

 

Deux classes

 

La doctoresse Françoise Menu est la cheffe du Secteur psychiatrique Nord et, par la même occasion, sa directrice médicale. ©Carole Alkabes

La doctoresse Françoise Menu est la cheffe du Secteur psychiatrique Nord et, par la même occasion, sa directrice médicale.

Aujourd’hui, ce nouveau centre représente le cœur du système de soins psychiatriques ambulatoires pour un secteur qui s’étend de Sainte-Croix à Vufflens-la-Ville, et de la vallée de Joux à Payerne. Toute la partie hospitalière du secteur, comme celle des urgences, continuera à être assurée par la Maison Rouge, à Yverdon-les-Bains. Les différentes équipes mobiles (pour les enfants, les plus de 16 ans ou encore les personnes âgées), elles, ont été centralisées sur le nouveau site. «Le fait que les différentes équipes mobiles soient toutes basées dans le même bâtiment rend d’intéressantes synergies possibles, détaille la doctoresse Françoise Menu, cheffe du Secteur psychiatrique Nord. Et elles se vérifient tant entre le personnel soignant qu’au niveau administratif. L’échange de compétences rendu possible par la proximité des équipes représente un plus non négligeable. Par ailleurs, à Orbe, une centralisation avait déjà eu lieu en 2015, et les effets se sont déjà fait sentir.»

Egalement intégrées au nouvel édifice, deux classes ont déjà été ouvertes. Ce dispositif de pédopsychiatrie et de pédagogie spécifique peut accueillir environ six élèves par classe et s’inscrit dans le programme baptisé DINO. Les enfants admis dans cette structure sont pris en charge, en regard de problèmes rencontrés lors des processus d’apprentissage (troubles anxieux, par exemple). L’objectif de ces classes est de permettre aux élèves de réintégrer rapidement le cursus normal.

«Il s’agit que les élèves retrouvent les compétences nécessaires, pour qu’ils puissent, ensuite, réintégrer l’école d’où il viennent, où alors un foyer. Par ailleurs, le nouveau centre a également fait une place pour l’antenne Nord des Boréales. «Il s’agit d’une unité cantonale contre la maltraitance intra-familiale, évoque encore Françoise Menu. Cette unité a la particularité de pouvoir traiter tant les victimes que les agresseurs.»

Finalement, on notera encore que l’antenne Nord du Réseau de soutien et d’orientation vers le travail a également intégré le bateau multicolore qui égaie les abords de l’autoroute. Au total, ce sont presque une septantaine de collaborateurs qui ont pris leurs quartiers, à Montagny-près-Yverdon.

Jean-Philippe Pressl-Wenger

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Rédaction