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Drogue: la tension monte
Estelle Hardier s’inquiète de la dégradation de la situation

Drogue: la tension monte

11 septembre 2024 | Textes et photo: Jérôme Christen
Edition N°3786

Les esprits s’échauffent, dans la Cité thermale, au sujet du trafic de drogue de rue à la suite de l’agression d’une femme le 21 d’août. Un événement médiatisé par le conseiller communal Ruben Ramchurn, qui exige des mesures urgentes. Face à une situation qui se dégrade, la colère prend de l’ampleur. Prise à partie, la Municipalité dit partager l’inquiétude et l’exaspération de la population et des commerçants mais réfute tout laxisme ou toute complaisance.

La situation n’est pas nouvelle mais elle se dégrade avec le développement du marché du crack, une consommation qui se fait désormais en public, et récemment cette agression nocturne par quatre trafiquants dans une ruelle. Il n’en fallait pas plus pour relancer le débat.

Témoignage de l’agressée

Ruben Ramchurn dénonce depuis plusieurs années le phénomène du trafic de rue. A la suite de cette agression, il a fait témoigner cette jeune femme dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux. Il y dénonce l’agressivité croissante des trafiquants et le laxisme des autorités.

Jeudi soir prochain, au Conseil communal,  il développera un postulat «pour que la drogue ne soit plus la carte de visite de la ville». L’élu yverdonnois s’inquiète particulièrement du fait que «de nouveaux réseaux semblent désormais concurrencer des vétérans sur la place d’Armes, ce qui augmente de plus en plus le risque d’affrontement et de guerre de territoire ente gangs de la drogue».

Son texte se résume à trois demandes: déplacer la scène hors du centre-ville, dans un endroit le moins fréquenté possible, réduire l’offre de prise en charge des toxicomanes pour dissuader le tourisme de la drogue, et enfin confier de manière transitoire la sécurisation des lieux – où les trafiquants ont pris racine – à une entreprise de sécurité privée «pour soulager la police et tenir le terrain».

Forte dépendance

Les Verts et solidaires ont également décidé de réagir et font un constat de base analogue: la forte dépendance provoquée par le crack induit une «augmentation des doses pour retrouver les sensations initiales», ce qui engendre des comportements agressifs également dus à «la chaleur, la déshydratation et la fatigue de personnes qui parcourent la ville sans répit, sous un soleil de plomb». A l’inverse de Ruben Ramchurn, ils réclament plus de moyens, et relèvent que les mesures répressives ne sont pas vraiment efficaces si elles ne sont pas accompagnées de mesures psychosociales et sanitaires prévues par la politique fédérale dite des «quatre piliers».

Renforcement du soutien

Le groupe des Verts et solidaires souhaite la mise en œuvre d’une vision transversale et pluridisciplinaire avec les différents acteurs de terrain et réclame le renforcement dans les meilleurs délais de ce qui existe et qui fonctionne: plus d’effectifs et d’espace sur le site d’accueil Zone Bleue à la rue de Neuchâtel et l’élargissement des heures d’ouverture du site d’accueil de la Kipole, victime de son succès, à la couverture horaire insuffisante.

Arrosage systématique

Il n’en faut pas plus pour faire bondir Ruben Ramchurn, qui dénonce un «arrosage systématique de soutien aux toxicomanes sur le site d’accueil de la Kipole près de la gare». Il dénonce l’extension de «la liste des privilèges accordés à l’industrie du crack» estimant que ces prestations attirent de plus en plus de toxicomanes. Le conseiller communal ironise sur le fait que «les Verts veulent augmenter l’offre pour les toxicomanes, pourtant quand il s’agit d’autoroutes ou de parkings, ils nous disent que l’offre provoque la demande».

Réaction municipale

Dans un communiqué publié mardi matin, la Municipalité admet «qu’à l’instar d’autres villes du canton, Yverdon-les-Bains fait face à une présence et à une visibilité accrue du deal de rue», et que «ces dernières semaines, une recrudescence des vols et des incivilités liées à la consommation de stupéfiants a été constatée».

L’exécutif yverdonnois partage l’inquiétude et l’exaspération de la population et des commerçants, mais réfute tout laxisme et complaisance, parlant «d’accusations populistes». Il rappelle le cadre limité dans lequel il doit agir et les difficultés à endiguer ce commerce face à des «réseaux mafieux internationaux qui approvisionnent le marché». Il souligne que la gare jouxte un grand espace largement inoccupé, la place d’Armes, qu’il est difficile de surveiller et d’occuper en permanence.

Les facteurs de dégradation sont de deux ordres: l’espace d’accueil Zone Bleue a temporairement fermé à la suite de fortes tensions entre usagères et usagers, et de problèmes de sécurité pour le personnel. Ceci a eu pour conséquence que les toxicomanes se sont rapprochés de la Kipole. Les trafiquants de leur côté ont augmenté leur offre et leur présence au centre-ville.

Les demandes municipales

La Municipalité souligne «que l’éradication pure est simple du trafic n’est pas une option réaliste, car derrière le trafic et la violence qu’il engendre, il y a des consommatrices et des consommateurs, une grande misère sociale et sanitaire, qu’il s’agit de regarder en face.

Pour réduire le trafic et ses nuisances, il faut un nouveau cadre législatif fédéral, plus répressif à l’égard des dealers, et de moyens pour la police et la justice […] une politique sanitaire de prise en charge des toxicomanes, voire des locaux de consommation sécurisés, ou une légalisation partielle de la vente de stupéfiants, comme ce que teste Lausanne». La thématique débarque aussi au Grand Conseil, où le député nord-vaudois José Durussel, de Rovray, a développé  une interpellation dans laquelle il s’interroge sur le statut des trafiquants, les sanctions appliquées et les mesures prises pour protéger les élèves et enfants présents sur le site du Jardin japonais et de l’école toute proche.


Une restauratrice inquiète

La dégradation de la situation aux alentours de la gare d’Yverdon suscite de vives réactions des usagers des transports en commun, des commerçants et restaurateurs. Estelle Hardier, qui tient le restaurant de La Promenade à Yverdon, a récemment écrit à la Municipalité pour lui faire part de ses inquiétudes et interrogations. Elle constate que si cette zone qui était déjà fréquentée par des trafiquants, alcooliques et toxicomanes, la situation s’est encore dégradée avec l’apparition de la consommation de crack. «Les personnes vont déféquer et fumer – avec des pipes qui leur sont offertes – partout dans les immeubles, cages d’escalier, jardins et même sur les terrasses de bistrots.» Elle relève que ce problème touche également la rue des Remparts et les zones de jeux d’enfants et déplore que la nuit tombée (voire parfois de jour), les toxicomanes «font la tournée des terrasses pour mendier de l’argent». Elle pose une série de questions qui rejoignent celles du député José Durussel et déplore «un climat de peur» pour les habitants et les hôtes de passage qui se voient proposer de la drogue ou même des passes». Les consommatrices de crack proposent en effet leurs services pour pouvoir financer leur consommation de stupéfiants.


Pétition cantonale pour une «tolérance zéro»

Alors que la Suisse détient le triste record européen de consommation de cocaïne, des élus politiques vaudois issus de divers horizons ont décidé de lancer une pétition pour dénoncer l’inefficacité des mesures prises et exiger des actes concrets face à la dégradation de la situation à Yverdon, Vevey et Lausanne. En un mois, ils ont récolté plus de 1000 signatures. Samuel Dyens, municipal PLR et vice-syndic de Concise fait partie des trois initiateurs de la démarche. Il précise sur le fait qu’elle n’est pas partisane, mais citoyenne.

Les pétitionnaires estiment que ce problème doit devenir une priorité politique et rejoignent en cela le PLR vaudois, qui en a fait le thème principal de sa rentrée politique: «La présence de mendiants, toxicomanes ou dealers, toujours plus agressifs, rend l’espace public insécure pour de nombreuses et de nombreux citoyens. Il n’est aujourd’hui pas rare d’entendre que certains ne viennent plus en ville du fait de cette ambiance délétère», avait déclaré sa présidente Florence Bettschart-Narbel, insistant sur le fait que «la sécurité doit être un dossier prioritaire du Conseil d’Etat».

Alors que le gouvernement vaudois a défini une stratégie sur quatre piliers (répression, prévention, réduction des risques et traitement), les pétitionnaires appellent, eux, à une répression renforcée partant du principe «que le trafic de stupéfiants ne doit pas être toléré dans les lieux publics».

Dans leur texte, ils exigent «un éloignement et des sanctions» contre les trafiquants «par une présence permanente de la police intercommunale ou cantonale sur les lieux de vente, en journée comme en soirée». Ils insistent également sur la nécessité de protéger des personnes jeunes et vulnérables qui «risquent d’être influencées par les trafiquants qui les abordent, voire d’être victimes de certaines agressions».

Les pétitionnaires justifient l’urgence d’agir par le fait que le trafic amène aussi d’autres types de délinquance: «Des personnes dépendantes aux stupéfiants vont parfois commettre des vols ou des agressions pour se procurer des produits illicites».

Enfin, ils dénoncent le fait que «les toilettes publiques sont laissées dans un état déplorable, que des seringues usagées laissées dans la rue peuvent blesser ou infecter des enfants et que les trafiquants n’hésitent pas à proposer des stupéfiants à des jeunes influençables qui peuvent développer une dépendance».

Pourquoi avoir choisi la voie de la pétition, alors que les auteurs du texte disposent de relais politiques? Le Concisois Samuel Dyens considère «qu’il n’appartient pas aux seuls députés de se manifester, lesquels ne fréquentent pas forcément le secteur de la gare d’Yverdon, au contraire de citoyennes et citoyens qui sont quotidiennement dérangés par ce trafic».

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