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Du baume au cœur du Moulin
Echallens, 10 avril 2018. Moulin, Philippe Gonin. © Michel Duperrex

Du baume au cœur du Moulin

11 avril 2018 | Edition N°2223

La coopérative poursuit ses activités à Echallens, après l’incendie du 1er février. Son avenir se jouera entre la Cité thermale et le chef-lieu du Gros-de-Vaud.

Tiré de son lit au beau milieu de la nuit, Philippe Gonin a débarqué à Yverdon-les-Bains à 4h du matin, le 1er février dernier. Cela faisait déjà 20 minutes que le Moulin était dévoré par les flammes. «Vingt ans de ma vie sont parties en fumée», souffle le directeur. Sur le moment, il n’a pensé qu’à une chose: assurer la suite. Une heure plus tard, il appelait Olivier Sonderegger, gérant de la Coopérative agricole et meunière d’Echallens. «Pourquoi lui? Je ne saurais pas le dire, c’était un réflexe. On s’est toujours bien entendus», glisse Philippe Gonin. Et ce matin-là, alors que la région était encore profondément endormie, Olivier Sonderegger a répondu. Une demi-heure plus tard, il débarquait sur les lieux du sinistre, suivi de Philippe Mermoud, président de la coopérative challensoise.

Production assurée

«On s’est assis tous les trois à une table et je leur ai dit: Que fait-on maintenant, se rappelle Philippe Gonin. Ils m’ont tout de suite dit qu’ils allaient prendre des mesures d’urgence.» Le jour-même, la quasi-totalité des employés du Moulin d’Yverdon-les-Bains – une dizaine – débarquaient à Echallens. Dans la foulée, les premières livraisons de la journée étaient assurées auprès des clients de la coopérative yverdonnoise. Au final, la vie du Moulin de la Cité thermale ne s’est jamais arrêtée, juste délocalisée.

En février, 95 tonnes de farine ont ainsi été livrées, contre 100 tonnes pour un mois ordinaire, avant l’incendie. «Mais février est un mois court et nous vendions deux tonnes en direct à Yverdon, ce qui n’est plus possible à Echallens», note le directeur.

Au final, rien n’a changé, ou presque. Les employés se sont bien acclimatés, à la différence qu’ils sont désormais répartis en deux équipes qui tournent entre 5h et 22h aux côtés de leurs nouveaux collègues du Gros-de-Vaud, alors qu’ils travaillaient de 7h30 à 17h auparavant. Quant aux clients, ils sont pratiquement tous restés fidèles à la coopérative yverdonnoise, à l’exception de ceux qui venaient directement s’approvisionner sur place.

«Je ne suis plus le même»

Quant à Philippe Gonin, il assure être «comme un coq en pâte» à Echallens: «J’ai un beau bureau, ma secrétaire aussi. Et ils nous ont mis des places de parc à disposition.» Mais il n’est plus tout à fait le même: «Je ne suis plus l’homme que j’étais avant. Ma femme me le dit tous les jours. Je n’ai plus la même niaque», confie-t-il. Avant d’ajouter: «Ça reviendra quand la situation sera claire.» Car ce qui le travaille, désormais, c’est l’avenir du Moulin. Pour l’heure, les installations challensoises permettent d’assurer le flux de la production, pour autant qu’elles tiennent le coup malgré leur vétusté: «On espère que ce sera le cas», glisse Philippe Gonin. La suite se jouera entre Yverdon-les-Bains et Echallens, en fonction des possibilités (lire encadré). Et le cœur du directeur balance entre ces deux variantes: «Je suis perdu. J’ai à la fois envie de reconstruire et en même temps, je suis bien ici.»

Pour le moment, le directeur se raccroche à l’idée d’avoir assuré la survie de l’entreprise: «Sur le moment, on a fait ce qui semblait être le mieux pour conserver cette fabrication de farine artisanale.» Et lorsqu’il revient les pantalons recouverts de farine et le sourire aux lèvres, après être allé faire un tour avec le photographe à l’intérieur du Moulin, on se dit que la niaque qui l’animait jadis n’est pas si loin.

Philippe Gonin et son équipe assurent désormais la production des farines du Moulin d’Yverdon-les-Bains depuis Echallens. © Michel Duperrex

Philippe Gonin et son équipe assurent désormais la production des farines du Moulin d’Yverdon-les-Bains depuis Echallens.

 

Deux variantes à l’étude

La perspective de reconstruire le Moulin à son emplacement historique a été définitivement enterrée. «On est sûrs qu’il y aura des oppositions», note Philippe Gonin. Deux autres variantes sont donc à l’étude. La première consisterait à reconstruire, mais à l’extérieur d’Yverdon-les-Bains: «Nous sommes en discussion avec le Service de l’urbanisme. Quatre parcelles ont été identifiées, dont deux retiendraient notre attention, note le gérant. La Ville nous aide beaucoup, on sent qu’ils sont derrière nous.» L’autre consisterait à rester à Echallens, en investissant pour moderniser les installations et en pérennisant la collaboration entre les deux coopératives. Pour l’heure, celles-ci «travaillent main dans la main mais dans les faits, chacun reste attaché à son moulin, note Olivier Sonderegger. On ne sait pas ce que l’avenir va nous offrir. Pour tout ce qui est structurel, il est important que les choses n’aillent pas trop vite.»

Caroline Gebhard