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Duel politique autour  de Sports 5
Yverdon, 6 juin 2017. SPORTS 5. © Michel Duperrex

Duel politique autour de Sports 5

11 juin 2019 | Edition N°2515

Yverdon-les-Bains – La gauche et la droite ont bataillé ferme sur le projet de rénovation complète d’une friche industrielle. Malgré certaines réticences, l’Exécutif pourra bel et bien finaliser l’étude des travaux.

Sur les écrans, la scission était claire: d’un côté, il y avait le clan des «verts», c’est-à-dire la droite, qui validait systématique les préavis qui lui étaient soumis. Et de l’autre, celui des «rouges», ou la gauche, qui préférait les refuser afin que l’Exécutif explore d’autres options et revienne avec des dossiers plus complets. Les partis se sont opposés sur chaque point, et presque sur chaque article, qui devaient être votés jeudi dernier lors du Conseil communal d’Yverdon-les-Bains.

Le ton de la soirée a été donné dès le premier projet amené sur la table: la demande de crédit de 500 000 francs pour finaliser l’étude des travaux de rénovation complète du site de Sports 5. Le dossier a été validé de justesse, après trois motions d’ordre de la droite pour mettre fin aux débats. Pour rappel, la Municipalité souhaite remodeler la friche industrielle sise à l’avenue des Sports 5 pour y développer des activités culturelles et sportives, ainsi que des logements pour étudiants, de l’hôtellerie et de la restauration. Ce lifting a été estimé à 31,7 millions de francs. Comme la Ville n’a pas «les moyens de ses ambitions», elle s’est tournée vers un partenaire privé, à savoir le président d’Yverdon Sport, Mario Di Pietrantonio. Selon les premières discussions, ce dernier investirait 26,2 millions de francs dans le projet. La Commune n’aurait ainsi «plus qu’à investir»  5,5 millions. Celle-ci céderait, en outre, une partie du terrain pour 3,5 millions.

Une alliance de méfiance

A peine la discussion ouverte, les Verts ont évoqué leurs craintes (lire encadré dans notre édition papier) et appelé l’organe délibérant à renvoyer le dossier aux autorités: «Il est normal à ce stade de faire rêver la population et les conseillers. Et il n’y a pas à dire, les éléments fournis dans ce préavis donnent envie. Ceci étant, il nous semble qu’il met la charrue avant les bœufs sur toute une série de points, avance Céline Ehrwein, en faisant remarquer que les modalités de l’opération semblent déjà fixées. Or ces choix n’ont rien d’évident et ferment la porte à d’autres types d’accords. Quelles garanties avons-nous que la vie culturelle, sportive et nocturne continuera à exister sans frictions à côté d’un hôtel?»

Les conseillers communaux ont testé le vote électronique lors de leur première séance à l’Aula Magna. ©Christelle Maillard

Les conseillers communaux ont testé le vote électronique lors de leur première séance à l’Aula Magna. ©Christelle Maillard

Des inquiétudes partagées par le parti socialiste. «Je m’étonne qu’il n’y ait pas eu d’appel d’offres», relève Mireille Scholder. «Pour les autorités, la vente de biens communaux est séduisante à court terme, car elle donne l’illusion de financer des projets sans avoir à les répercuter sur la dette, note Guildo Dall’Aglio. Mais à long terme, c’est très coûteux pour la collectivité, car cela la prive de rentes et de plus-value. Elle prive aussi les générations futures d’une part de patrimoine.»

Une droite qui fait confiance

Les interventions de la gauche ont fait tiquer la droite qui a rétorqué avec vigueur. «J’apprends que le parti socialiste est insatisfait de la dette yverdonnoise alors qu’on a été plutôt ambitieux puisque je ne crois pas que, dans l’histoire de la ville, la dette ait été aussi élevée (ndlr: 280 millions), souligne l’UDC Ruben Ramchurn, étonné d’entendre des oppositions alors qu’aucun rapport de minorité n’a été établi en commission. Oui, on pourrait faire de la dette parce que les taux sont historiquement bas. Mais la dette, elle sera pour nos enfants. Et je préfère que ce soit un privé qui paie que nos enfants.» Pour Didier Forestier, un débat n’avait même pas lieu d’être: «On ne vous demande pas de voter sur le projet de Sports 5, mais sur un crédit d’étude. Quand la Commune présentera son projet définitif, là on pourra réagir, pas maintenant.»Et le PLR Laurent Roquier d’en remettre une couche: «32 millions à débourser, dont deux seulement par la Ville. Sans cette vente, jamais nous n’aurons les moyens d’investir encore les 5,5 millions.»

«Nous l’avons fait ensemble»

Puis, le syndic s’est levé pour s’expliquer: «Avant qu’on entame cette discussion, on était extrêmement fiers de ce qu’on vous présentait, car c’est un équilibre magnifique. Je suis surpris de cette bataille gauche-droite, car ce n’est pas du tout l’état d’esprit dans lequel ce projet a été conçu. Cette tension que je vois au sein du Conseil communal, la Municipalité ne l’a jamais eue. On a vécu cette histoire et on l’a construite ensemble, pour le bien des Yverdonnois.» Et de rappeler: «Dans le cadre du stade (lire en page 5) et de Sports 5 on n’arrivait pas à payer tous les programmes que l’on avait d’un côté et de l’autre. Donc un objet sert à financer l’autre.»

Finalement, un seul point a mis d’accord la gauche et la droite: lever la séance à minuit.

Christelle Maillard