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Économie dans le brouillard
Patrick Zurn responsable économique à la Chambre vaudoise de l’industrie et du commerce (CVCI), Jean-Pascal Baechler, responsable de l’Observatoire économique de la Banque cantonale vaudoise (BCV), et Claudio Bologna, chef de projet à Statistique Vaud, ont présenté l’étude de printemps portant sur le PIB (produit intérieur brut) vaudois.

Économie dans le brouillard

16 avril 2025 | Textes et photo: I. Ro.
Edition N°3929

L’étude sur le PIB vaudois revoit ses prévisions à la baisse. Pour cause d’incertitudes.

A peine remise de la crise du Covid, voilà que l’économie vaudoise affronte une nouvelle zone de turbulences, générée par de nombreuses incertitudes, forcément amplifiées par les taxes douanières que le président américain Donald Trump rêve d’imposer. Dans ce contexte, le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) et les experts qui conduisent les études sur le PIB (produit intérieur brut) vaudois ont revu leurs prévisions à la baisse, tant pour l’année en cours que pour 2026. Cela dit, à ce stade, ils ne craignent nullement une récession.

Dans ce contexte d’une économie globale en pleine déstructuration, avec des pays, telle la Chine, qui doivent gérer leurs propres démons –la crise immobilière n’y est pas totalement résorbée–, les spécialistes font preuve d’une grande prudence.

«L’économie mondiale, cela fait deux ans qu’elle patine», explique Jean-Pascal Baechler, conseiller économique à la BCV. Et d’ajouter: «La croissance qui s’annonce sera inférieure à la moyenne des quinze dernières années (2%).»

Pour cette année, la progression du PIB vaudois devrait se situer dans une fourchette de 1,2 à1,7%; et pour l’an prochain, entre 0,8 et 1,9%. Dans les deux cas, elle devrait rester légèrement supérieure à la progression du PIB suisse.

Le marché intérieur

Si elle pose un certain nombre de problèmes, notamment en matière de logement, la dynamique démographique s’avère être, dans les circonstances actuelles, un atout pour le canton de Vaud. La population a cru de 1,1% l’an dernier, et ce sont autant de consommateurs supplémentaires. La demande intérieure reste solide et elle devrait passablement aider au passage de l’écueil.

L’industrie souffre

Cela dit, avant même que le président des États-Unis ne lance le pavé dans la mare des taxes douanières, l’industrie souffrait déjà. D’ailleurs, le Canton de Vaud – cela a été annoncé lors d’une conférence de presse tenue à Y-Parc par la conseillère d’État Isabelle Moret– a réactivé le fonds d’investissement industriel, doté actuellement de 22 millions de francs.

Mais bien évidemment, les perspectives qui nourrissent une partie des inquiétudes des industriels vaudois, plus précisément ceux du secteur des machines, concernent autant les taxes que le franc fort, deux adversaires bien connus des exportateurs. D’autres branches, telle l’horlogerie, sont également sensibles de ce point de vue.

Patrick Zurn, responsable économique à la Chambre vaudoise de l’industrie et du commerce (CVCI) relève pour sa part que le pessimisme des industriels est aussi alimenté par des problèmes de liquidités croissants.

La diversification

Par ailleurs, les experts assurent que la diversification des exportations vaudoises, par exemple vers les États-Unis, est un réel atout: chimie-pharma (26%), matériel à usage médical (20%), industrie alimentaire (20%) et horlogerie (14%) en sont les points forts. Alors qu’au niveau suisse, la chimie et la pharma représentent à elles seules le 65% des exportations vers les USA.

Les exportations vaudoises vers les États-Unis ont marqué un fort développement ces cinq dernières années: +20% pour l’alimentation, +14% pour l’horlogerie, et +8% pour le matériel à usage médical.

En résumé, les experts parient sur une croissance pour la chimie, la pharma, les activités financières et d’assurance, le commerce de gros et de détail, les activités immobilières et les services aux entreprises. Ils s’attendent par contre à un repli pour les machines, les instruments, l’horlogerie, l’hôtellerie-restauration, les transports et les télécommunications.

En ce qui concerne le secteur de la construction, il devrait afficher une bonne tenue. En effet, la demande est forte alors que le nombre de logements sur le marché vaudois est à peine supérieur à 3000. La moitié des chiffres atteints en 2016 et 2018.

La Suisse a des arguments

Les États-Unis comptent réduire leur déficit commercial à coup de taxes douanières et accélérer leur réindustrialisation. Dans cet inévitable bras-de-fer, la Suisse ne manque pas d’arguments: «La Suisse investit 350 milliards de dollars par année et elle est le premier investisseur étranger en recherche et développement (R&D) avec 14 milliards par année», explique Claudio Bologna, chef de projet à Statistique Vaud. Et de relever encore que 400 000 emplois y sont créés chaque année, et 4 milliards d’impôts acquittés.