Yvonand – Pile vingt ans après la sortie du film «Rolling», l’actrice principale, par ailleurs municipale tapa-sabllia, revient sur cette période et se livre à quelques confidences.
D’Emmanuelle Bigot, on connaît son investissement dans la vie politique locale, elle qui a été élue, en 2016, à la Municipalité d’Yvonand. Mais il y a aussi Emmanuelle Bigot l’actrice, celle qui a tenu le premier rôle féminin dans «Rolling», un film-documentaire à succès dressant le portrait de la jeunesse lausannoise, férue de roller et en quête d’accomplissement. Pile vingt ans après la sortie du film dans les salles, la Tapa-Sabllia de 51 ans revient sur cette belle aventure.
Emmanuelle Bigot, quels sentiments vous animent au moment de revoir les images du film «Rolling », vingt ans après sa sortie ?
Que le temps passe vite ! Je n’ai pas vu filer les années. Je ne garde que des bons souvenirs de cette époque ; une période joyeuse de ma vie, riche en rencontres humaines. Encore aujourd’hui, des gens qui ont vu le film m’arrêtent dans la rue et me reconnaissent. C’est rassurant, cela doit dire que je n’ai pas tellement changé, du moins physiquement.
Le film retrace la vie de votre compagnon de l’époque, Ivano Gagliardo, gloire nationale du roller. Comment avez-vous vécu l’immersion du réalisateur Peter Entell dans votre quotidien, durant toute une année ?
Très bien, vraiment. Peter nous suivait partout : sur les rollers, bien sûr, mais également lors des repas avec la belle-famille, et même dans l’avion (ndlr : Emmanuelle Bigot travaillait alors comme hôtesse de l’air). Nous ne jouions pas de rôles. Mais il faut dire que c’était une époque où la téléréalité n’existait pas. C’était sûrement plus facile qu’aujourd’hui.
L’équipe de tournage s’est même immiscée dans votre mariage avec Ivano, à l’église de Préverenges…
C’est vrai. Mais ce n’était pas une cérémonie qui nous représentait. Nous l’avions surtout fait pour ses parents, Italiens et très traditionalistes. Ce que le film ne montre pas, c’est que nous nous sommes dit «oui» à Las Vegas, sur un coup de tête, un 14 février, à 6h du matin, sous une tente et sans un sous, et déguisés en cow-boy pour couronner le tout. Mais ça, ma belle famille de l’époque a eu beaucoup de mal à l’accepter (rire).
Votre histoire d’amour a malheureusement tourné court, puisque vous vous êtes séparés peu de temps après. Avez-vous encore des contacts avec lui ?
Un peu. Il est parti refaire sa vie en Italie et il est aujourd’hui papa. Je viens d’ailleurs de lui envoyer un colis contenant des photos de l’époque, ainsi que des coupures de presse, afin que son fils en sache plus sur son père. C’était un gars adorable, avec une formidable aura, mais certainement pas fidèle, ce qui a valu la fin de notre histoire. Du jour au lendemain, il est parti, sans prévenir. Mais je n’ai aucune rancoeur, même si c’était une période difficile.
Des scènes du film vous montrent dévalant les rues, du haut de Lausanne à Ouchy, à des vitesses folles. N’aviez-vous aucune limite ?
On faisait ce qui nous plaisait, mais toujours en ayant conscience des risques encourus. Nous avions tous 25-30 ans et notre permis de voiture en poche, et pouvions donc anticiper les manoeuvres des voitures que nous dépassions. Le problème était que des jeunes de 15 ans, qui voulaient nous prouver leur talent, se montraient, eux, inconscients. Là, nous disions «stop».
Sur les rollers, vous défiiez non seulement les automobilistes et les piétons, mais aussi la police. Vous considériez-vous comme rebelle ?
Un peu, mais ce n’était pas de la provocation. Disons que plus une règle limitait nos droits individuels, plus nous allions à son encontre.
Vous aviez près de 30 ans à cette période. N’était-ce pas un peu tard pour adopter ce genre d’attitude à l’égard de l’ordre établi ?
J’ai connu une jeunesse difficile, avec quelques problèmes de santé. On va dire que j’ai vécu ma crise d’identité un peu plus tardivement que les autres.
Et la drogue dans tout ça ?
Il y en avait très peu. Bien sûr, on fumait. Mais jamais de manière addictive. De toute façon, on ne pouvait pas patiner en étant saouls ou drogués, cela aurait été beaucoup trop dangereux. Nous, tout ce qu’on voulait, c’était se marrer.
Aujourd’hui municipale à Yvonand, vous êtes du côté de l’autorité. C’est assez paradoxal…
C’est drôle, en effet. J’ai été obligée de me calmer, de me fixer un cadre et d’accepter les règles établies, même si ce n’est pas tout le temps facile. L’Exécutif est, à mes yeux, une mission dans laquelle on doit prendre soin de la population.
Et que reste-il de l’Emmanuelle un peu rebelle et à contre-courant d’il y a vingt ans ?
L’envie de faire avancer les choses, et que personne ne se sente à l’écart dans la société. Je me suis toujours considérée comme une activiste, mais dans le dialogue et la négociation. Quant au patinage, j’enfile encore de temps en temps mes vieux rollers de l’époque, accompagnée de ma fille (ndlr : issue d’un second mariage). Mais elle n’est pas plus assidue que cela (rire).
«Rolling», retour sur un succès inattendu
Tourné comme un documentaire et monté à la manière d’un film, «Rolling» a connu le succès lors de sa sortie au cinéma, en 1997. Sélectionné au Festival international du film de Locarno, le long-métrage réalisé par l’Américain Peter Endell dresse le portrait d’une jeunesse amatrice de sensations fortes, mais aussi en quête de respect de soi, de succès et d’accomplissement à une époque où la nouvelle génération ne se reconnaît pas dans le modèle de société établi. Le film retrace également l’organisation, par l’association La Fièvre, de compétitions internationales de roller, faisant de Lausanne la capitale européenne de la glisse. Emmanuelle Bigot a été l’une des chevilles ouvrières de l’association, qu’elle a quittée en 2005.