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Eudis: le cœur et les pieds

7 mars 2019 | Edition N°2451

Avec sa famille de nouveau à ses côtés, l’attaquant brésilien aligne les buts comme à ses plus belles heures. Pour le plus grand bonheur du FC Suchy-Sports.

Il n’est pas resté insensible aux critiques émises lors de sa première année au FC Suchy-Sports. Aujourd’hui encore, avant de s’ouvrir, de redevenir l’homme souriant et passionné qu’il est et de raconter son riche parcours, Eudis se méfie un peu. Etrange pour cet ancien pro, habitué à la fois aux flatteries et aux critiques? «Disons qu’en débarquant à Suchy, c’est un peu comme si j’avais débuté une nouvelle vie, une nouvelle carrière», explique le Brésilien. Jusqu’à mettre de côté ce qu’il avait connu dans sa «première vie», qui l’avait vu fouler les pelouses du pays, d’Yverdon Sport à Servette, en passant par le LS, Zurich et Young Boys.

«On a toujours tout fait pour moi»

Les mauvaises langues, justement, disaient que son football aussi, il l’avait perdu en retournant au Brésil, il y a cinq ans, en s’appuyant sur les chiffres: lors de sa première année en 4e ligue, il n’a trouvé que trois fois le chemin des filets. «Au début, je n’avais pas la bonne mentalité, c’est  vrai. Je pensais que tout allait être comme avant, que je recevrais des ballons parfaits, que les terrains seraient des billards. Et ça me frustrait de voir que rien n’était pareil, sans vouloir manquer de respect à qui que ce soit», détaille l’homme aux 90 matches de Super League.

Mais plus que dans ses performances, cette frustration trouvait sa source dans la situation personnelle du footballeur. «Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’on a toujours tout fait pour moi dans ma carrière. De mon arrivée en Suisse à 19 ans jusqu’à mon départ huit ans plus tard, j’ai eu du monde autour de moi. Un agent, ma femme, ma belle-mère. Je m’occupais du terrain et mes proches géraient le reste.»

Perte d’équilibre

En atterrissant à Suchy, début 2017, changement de décor: «Qu’on soit clair, je dois beaucoup aux gens de ce club. Ils m’ont permis de m’installer en Suisse, m’ont trouvé un job (ndlr: il travaille comme chauffeur dans une entreprise de transport), se sont occupés de moi. Mais à mon arrivée, j’étais seul. Je n’avais pas cet équilibre nécessaire pour me sentir bien. Quand je rentrais du boulot ou de l’entraînement, il n’y avait personne à la maison. Ça peut paraître bête, mais j’ai dû apprendre à me faire à manger. Rien que ça, c’était une étape.»

Séparation prolongée

Si sa famille ne l’a pas immédiatement suivi en Suisse, c’est qu’elle n’en avait simplement pas les moyens. «On pensait que ça prendrait quatre mois, tout au plus. Sauf qu’il m’a fallu un petit peu plus de temps que prévu pour trouver un travail ici et, surtout, que certains soucis de l’administration brésilienne ont retardé la venue de ma femme et de mes deux enfants.» Résultat, Eudis a posé le pied en Suisse au mois de mars, ses proches huit mois plus tard, en novembre. Les chiffres depuis que la famille est réunie: 21 buts en deux tours. Tout un changement.

Mais au fait, où était passé le Brésilien entre son départ de Servette et son retour dans le Nord vaudois? «Je suis parti en Israël. A quelques jours de la fin du championnat, j’ai appris le décès de mon père. J’ai terminé la saison et je suis rentré au pays, auprès de ma mère. Je me voyais mal repartir, il fallait que je passe du temps avec, sachant que j’ai quitté la maison pour le foot quand j’étais ado… J’ai trouvé un club pas trop loin, pour lequel j’ai joué durant une saison, avant d’en passer une autre en tant que directeur sportif. Cela se passait bien, mais avec mon permis C en Suisse, je ne peux pas passer plus de cinq ans à l’étranger. Il fallait que je revienne.» C’est au même moment qu’Eudis a reçu un message du vice-président du FC Suchy, Nicolas Rouilly. Les deux hommes avaient noué une belle amitié à YS.

«Nicolas et Suchy me sont venus en aide à un moment important de ma vie. Aujourd’hui, j’essaie de le leur rendre sur le terrain», lance l’attaquant, sans une once de prétention.

Le foot, mais pas que

L’aventure doit devenir encore plus belle ce printemps, avec la possible accession du «petit» Suchy en 3e ligue. «Si ça arrive, je serai très content pour le club. Pour moi? Disons que, désormais, il y a des choses plus importantes que mes performances sur le terrain dans ma vie. Si cela veut dire que je partirai du club un jour? Sans doute, oui. Mais quand, je n’en sais rien. J’ai envie d’aider Suchy, que ce soit pour encore six mois, une saison, deux ans. Mais je ne me vois pas être chauffeur toute ma vie. Mon domaine, et ce que je connais le mieux, c’est le foot. Alors pouvoir entraîner à bon niveau, par exemple, ce serait fantastique.»

 

 

Une histoire dans chaque club

Il ne veut vexer personne dans le Nord vaudois, mais ce n’est pas d’Yverdon Sport qu’Eudis garde les plus beaux souvenirs. «C’est surtout la faute des blessures, en fait. Je n’ai pas pu m’affirmer comme je le souhaitais.» Du coup, départ pour le LS, à une époque où il valait mieux faire le trajet dans l’autre sens. «Lausanne, c’était bien, vraiment. Il y avait de très bons joueurs, l’équipe était en plein renouveau et produisait du jeu. Les résultats suivaient. Tout allait pour le mieux.» Si bien qu’il est transféré à Zurich. «Sportivement, le point d’orgue de ma carrière. Là-bas, c’était vraiment le foot que j’aimais.» A la clé, une campagne en Europa League, puis… le retour des ennuis. Recruté par Young Boys, il n’y passe que six mois, la faute à une blessure. Départ pour Servette. «J’ai vécu une belle période à Lausanne, mais ma ville, l’endroit où j’ai des amis et des contacts ici, c’est Genève. Le SFC, c’est le club dans lequel j’ai passé le plus de temps. Si bien que c’est un peu chez moi.»

 

Deux anciens de ligue nationale ont signé

Ancien international luxembourgeois (il avait pris part à la célèbre victoire de son équipe face à la Suisse en 2008), Benoît Lang était attendu à Suchy durant l’hiver. Il n’y a finalement joué qu’une semaine, durant laquelle il n’a pas répondu aux attentes du club.

Mais le leader du groupe 4 de 4e ligue s’est tout de même bien renforcé durant la trêve. Le défenseur central Hervé Aka’a (15 matches de Super League avec Xamax entre 2005 et 2006) et le buteur ivoirien Stéphane Doua, qui a connu la Challenge League avec Delémont en 2011, ont signé. «Si ça nous garantit l’accession aux finales? Certainement pas, non! On a deux matches très difficiles pour commencer, contre Croy et Cossonay. Si on perd, tout sera à refaire», se méfie l’entraîneur Yann Rouilly.

Florian Vaney