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Exercice grandeur nature dans le tunnel d’Arrissoules
©Michel Duperrex

Exercice grandeur nature dans le tunnel d’Arrissoules

5 octobre 2017 | Edition N°2095

Rovray – Une quarantaine de personnes ont été mobilisées, dans la nuit de mardi à hier, afin de gérer une simulation de feu dans le tube autoroutier. Un moyen de tester la réactivité des sapeurs-pompiers.

Le scénario imaginé pour cet exercice, coûtant 40 000 francs, était un accident au milieu des 3 kilomètres de tunnel, où quatre mannequins et deux personnes devaient être secourues. ©Michel Duperrex

Le scénario imaginé pour cet exercice, coûtant 40 000 francs, était un accident au milieu des 3 kilomètres de tunnel, où quatre mannequins et deux personnes devaient être secourues.

Il y avait bien de la fumée sans feu, dans la nuit de mardi à hier, dans le tunnel d’Arrissoules, sur l’autoroute A1 entre Yvonand et Estavayer-le-Lac, fermée pour l’occasion. Et pour cause : 64 bonbonnes de fumigènes ont été allumées, afin de simuler un feu au cœur de la galerie Jura, soit sur la voie en direction d’Yverdon-les-Bains.

Il était 23h47, précisément, lorsque la première bonbonne a été déclenchée, comme un vésuve du 1er Août. Une odeur de Fête nationale qui a très vite commencé à piquer le nez des personnes sur place. Puis, c’est un nuage de fumée qui s’est élevé, tapissant la voûte du tunnel d’une strate grisâtre. En l’espace de cinq minutes, ce dernier s’est propagé en direction d’Estavayer-le-Lac.

 

Un tube bien surveillé

 

Les douze pompiers du SDIS régional du Nord vaudois ont mis plus de temps que leurs collègues d’Estavayer-le-Lac avant de s’attaquer au feu. ©Michel Duperrex

Les douze pompiers du SDIS régional du Nord vaudois ont mis plus de temps que leurs collègues d’Estavayer-le-Lac avant de s’attaquer au feu.

A peine le premier nuage de fumée créé qu’un signal a été transmis à la centrale des alarmes du canton de Vaud. «Ce tunnel, par exemple, est équipé de câbles détecteurs de fumée et de caméras capables d’identifier des objets immobiles sur la chaussée ou des voitures en contre-sens», explique Philippe Poffet, responsable du domaine Gestion du patrimoine à l’Office fédéral des routes (OFROU).

 

Simulation d’une heure

 

Une fois les lances d’incendie déroulées et les masques fixés, les sapeurs-pompiers nord-vaudois ont pu s’avancer dans le tunnel. ©Michel Duperrex

Une fois les lances d’incendie déroulées et les masques fixés, les sapeurs-pompiers nord-vaudois ont pu s’avancer dans le tunnel.

Une fois l’alerte donnée et vérifiée par un opérateur, les feux de signalisation ont indiqué la fermeture de l’autoroute. Les secours, ainsi que la police, ont également été avertis. «Maintenant, on va voir en combien de temps les premiers sapeurs-pompiers se rendront sur place, s’interrogeait, hier, Olivier Floc’hic, porte-parole de l’OFROU. Dans une telle situation, il faut environ vingt minutes aux brigades du Service de défense incendie et de secours (SDIS) régional du Nord vaudois ou d’Estavayer-le-Lac pour arriver. Entre-temps, les gens devront se débrouiller seuls (voir ci-dessous).»

Entre la fumée et l’obscurité qui régnaient sur place, la communication s’est avérée difficile. ©Michel Duperrex

Entre la fumée et l’obscurité qui régnaient sur place, la communication s’est avérée difficile.

En l’occurrence, lors du test, c’est l’équipe fribourgeoise qui a débarqué en premier sur les lieux, via le tube sain, c’est-à-dire côté Alpes, avant d’emprunter les galeries transversales pour atteindre le cœur du foyer fictif. Première étape : coordonner l’attaque en tenaille, c’est-à-dire que les secours s’attellent à maîtriser le feu des deux côtés en même temps. Puis, envoyer une équipe de reconnaissance pour repérer les lieux et les dangers -les pompiers ne connaissaient pas le scénario-, une autre pour l’extinction et une dernière pour la recherche et le sauvetage des quatre mannequins et des deux personnes «coincés» dans le tube sinistré.

L’exercice s’est terminé vers minuit et demi. Ensuite, il aura fallu plusieurs heures pour remettre en état l’autoroute.

 

Un test à 40 000 francs

 

«L’objectif de ce type d’exercice est d’entraîner les équipes de secours à intervenir dans un tunnel, ce qui est rare en Suisse», explique Philippe Poffet, responsable de ces formations qui coûtent environ 40 000 et qui sont organisées, en moyenne, trois fois par année. «Mais cela permet aussi de voir comment les intervenants s’organisent entre eux», ajoute-t-il.

Sapeurs-pompiers régionaux, renforts de Lausanne et Payerne, police, ainsi que Soutien sanitaire opérationnel (SSO) -pour la prise en charge médicale des hommes du feu et, bien sûr, ambulances pour les blessés : dans un tel cas, ce sont 41 personnes qui sont déployées sur les lieux, selon Eric Stauffer, commandant du SDIS Nord vaudois.

«La grande différence pour nous dans un incendie de tunnel, c’est que nous devons d’abord éteindre le feu pour sauver les gens, alors que, d’habitude, nous faisons l’inverse», poursuit-il. Autre challenge : la longueur de pénétration pour atteindre le sinistre -dans un tube qui mesure 3 km-, parce que les sapeurs-pompiers doivent supporter un équipement de près 50 kg et porter des tuyaux à travers des passages et de lourdes portes.

 

Bilan plutôt positif

 

«Tout s’est très bien déroulé, relève Alec Rouiller, venu analyser le processus de secours. La reconnaissance a été très efficace. Concernant l’extinction, la brigade d’Yverdon-les-Bains a été moins rapide parce qu’elle n’a pas choisi la bonne entrée pour atteindre le feu (ndlr : elle est arrivée au milieu du feu et a dû rebrousser chemin vers une issue 300 mètres en amont). C’était la bonne réaction.»

Petit bémol relevé par l’observateur : «Il faudrait améliorer le contrôle pour que chaque véhicule et chaque niche de secours soit bien vérifiée.» Il a aussi constaté qu’un marquage plus précis des voies de secours serait utile pour permettre aux pompiers d’emprunter directement la bonne issue.

Un bilan complet du test sera transmis à l’OFROU prochainement.

 

Les bons gestes à adopter

 

Selon Olivier Floc’hic, il y a trois règles à adopter en cas d’incendie dans un tunnel :

1) Suivre les chemins de fuite : des ampoules s’allument sur les parois du tunnel et des flashs indiquent les sorties de secours en évitant de se diriger contre la fumée ;

2) Avertir les secours à l’aide des téléphones d’urgence, car ceux-ci permettent de donner l’endroit précis du sinistre ;

3) Se réfugier dans les sorties de secours balisées en vert tous les 300 mètres -et bien fermer les portes-, afin de rejoindre le tube parallèle, qui est automatiquement fermé à la circulation en cas d’accident. Et surtout, ne pas se cloîtrer dans les niches de couleur orange, car elles ne protègent pas contre la fumée.

Dernier conseil : toujours prévoir une lampe de poche dans la voiture.

 

L’incendie d’autocar de mars 2014

 

L’accident de 2014 n’a, par chance, fait aucune victime. ©Duperrex-a

L’accident de 2014 n’a, par chance, fait aucune victime.

La dernière fois que les secours ont dû intervenir dans le tunnel d’Arrissoules, ce n’était pas pour un exercice, mais pour un incendie bien réel. Un bus, immatriculé dans le canton de Neuchâtel, s’était enflammé le 20 mars 2014, aux alentours de 7h40. «Il s’agissait d’une panne mécanique, ce qui a provoqué une surchauffe du moteur», rappelle Philippe Poffet, responsable de l’état des infrastructures, et notamment des cent tunnels suisses-romands. Heureusement, personne n’avait été blessé. Mais cela aurait pu mal se terminer, constate Olivier Floc’hic : «Les caméras du tunnel ont montré que les gens n’ont pas adopté les bons comportements : ils sont partis dans le sens de la fumée, ce qui aurait pu être très dangereux. Et, au lieu de rejoindre le tube parallèle, ils sont restés dans les zones saines, mais en laissant les portes ouvertes.»

En revanche, cet incendie a causé plus de trois millions de dégâts -notamment des pans de béton de la voûte sont tombés à cause de la chaleur- et a occasionné la fermeture du tunnel durant cinq semaines. «Normalement, c’est l’assurance du conducteur qui devrait prendre en charge ces frais, mais c’est toujours en discussion, car il y a d’autres éléments à prendre en compte, comme l’état de l’infrastructure», précise Philippe Poffet.

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Christelle Maillard