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Fabrication des chiffons et circuit court
Une fois les tissus en coton triés et assemblés, le découpage peut commencer. Ils sont ensuite conditionnés par petites balles de 10 kilos. ©  Isidore Raposo

Fabrication des chiffons et circuit court

12 octobre 2023

Lausanne - Fondée à Sainte-Croix, Textura fabrique désormais des chiffons dans sa halle de Beaulieu.

Spécialisée dans la récupération d’habits, Textura, l’une des marques de la coopérative Démarche, a présenté sa nouvelle installation de fabrication de chiffons. Plusieurs industriels s’approvisionnent désormais auprès de la coopérative qui, outre l’intégration des personnes, s’attelle également à favoriser les circuits courts.

Concilier la formation et la réintégration professionnelle dans un esprit de développement durable, c’est la philosophie de Démarche. La coopérative, qui réunit onze marques, a son origine dans le Nord vaudois, plus précisément à Sainte-Croix, où Textura a été créée il y a un peu plus de trente ans. A l’époque, il s’agissait d’occuper des chômeurs en traitant les tonnes de vêtements dont se débarrassent quotidiennement les habitants de ce pays.

Une belle expansion

Textura est restée fidèle à sa mission, qui s’est considérablement développée avec le temps, dans le cadre de Démarche, la coopérative qui chapeaute l’ensemble des activités. Ainsi, les vêtements de qualité, après tri et nettoyage, sont pris en vente dans les boutiques de seconde main, Styyle et Ateapic, présentes notamment à Yverdon-les-Bains.

Quant aux textiles qui ne peuvent être vendus, ils sont simplement recyclés en chiffons. Car le problème, c’est que des milliers de tonnes de textiles sont exportés vers l’Afrique et l’Asie. Ils finissent parfois dans des décharges, ou sont transformés en chiffons. Ces derniers reviennent alors en Europe pour être utilisés dans l’industrie.

Favoriser un circuit vertueux

On imagine sans difficulté l’énergie utilisée pour envoyer des textiles dans les pays lointains, qui reviennent ensuite sous la forme de chiffons. Cette problématique a donné lieu à une réflexion, pilotée par Charlène Delhorme, chargée du projet recyclage et valorisation des textiles chez Textura.

Cette spécialiste du recyclage a expliqué, lors d’une présentation réalisée la semaine dernière dans la halle Textura de Beaulieu, que l’on jette chaque année 4 millions de tonnes de vêtements en Europe. Et, toutes proportions gardées, la Suisse se trouve au deuxième rang européen… derrière le Luxembourg.

Autre chiffre donné à cette occasion: le nombre de vêtements exportés vers d’autres continents a doublé entre 2000 et 2016. Et, comme expliqué, une partie non négligeable revient en Europe sous la forme de chiffons. Ainsi, la Tunisie réexporte les 30% des textiles qu’elle accueille sous la forme de vêtements de seconde main ou de chiffons. «Il nous a paru logique de relocaliser cette activité», déclare Charlène Delhorme. Et d’ajouter: «Sans un tri de qualité, on ne peut rien recycler.»

Premiers clients industriels satisfaits

C’est au terme de cette réflexion que Textura a décidé d’acquérir les équipements nécessaires, désormais opérationnels à Beaulieu, pour fabriquer des chiffons. Les représentants de deux clients de Textura, Scheuzer, entreprise spécialisée dans l’entretien des infrastructures ferroviaires, et Cimo, société qui assure la fourniture de l’énergie, l’élimination des déchets, et la maintenance de cinq sociétés de chimie à Monthey (VS) ont expliqué pourquoi la démarche de la coopérative les avait convaincus. Cimo fournit annuellement quelque 4 tonnes de chiffons à ses partenaires. Représentant de l’un des partenaires de Démarche, Alain Bolomey, directeur à la Direction générale de l’insertion professionnelle et du placement, a dit sa satisfaction de voir «des entreprises qui vivent les valeurs qu’elles véhiculent».

Un partenariat renouvelé pour quatre ans

Partenaire de Textura depuis 1998, la Ville de Lausanne, au terme d’un nouvel appel d’offres, a attribué un nouveau mandat de quatre ans à cette coopérative dont l’activité allie réinsertion professionnelle et recyclage dans une optique de développement durable. La prolongation du partenariat a été annoncée par Florence Germond, municipale en charge des Finances et de la mobilité.

«Je me réjouis de l’inauguration de cette nouvelle ligne de production de chiffons industriels», a relevé la municipale. Les différents points de dépôt de Textura sur le territoire lausannois permettent de récolter quelque 1100 tonnes de vêtements par année. Directeur général de Démarche, l’Yverdonnois Stéphane Manco se réjouit de la poursuite de la collaboration avec la Ville de Lausanne. Et souligne aussi qu’outre le recyclage, la coopérative se veut «apprenante». Elle vise à permettre aux personnes à développer leur employabilité et leur autonomie.

Près d’un millier de bénéficiaires chaque année

La coopérative Démarche occupe 183 collaborateurs et quelque 950 personnes bénéficient chaque année de ses services. Dans ses onze entités et marques, boutiques, ateliers, elle offre 350 places d’emploi-formation, 550 places de coaching et 50 places d’apprentissage.

A Yverdon-les-Bains, outre les boutiques de seconde main, la coopérative dispose de locaux au sud de la ville, avec un atelier-magasin de vélos, où sont formés des apprentis et des soudeurs. La coopérative est partenaire de la plupart des corps de police vaudois. Lorsque les vélos trouvés sur la voie publique ne sont pas réclamés dans le délai légal, la coopérative les remet en état et les revend, où en récupère les pièces en bon état lorsqu’ils sont irréparables.

Au total, ce sont 45 métiers qui sont pratiqués dans les 11 entités de la coopérative, dont Textura a été la base depuis sa création à Sainte Croix en février 1992. «Nous répondons à un enjeu d’insertion et à un enjeu de société», explique Stéphane Manco.

Isidore Raposo