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Fabrice Monnet restera-t-il sur sa faim?
Fabrice Monnet, fasciné par le loup depuis ses 15 ans, organise une manifestation samedi de 14h à 16h au col du Marchairuz, sur le parking de la grande Rolat.

Fabrice Monnet restera-t-il sur sa faim?

6 octobre 2021

Fabrice Monnet a entamé une grève de la faim le 22 septembre pour protester contre la décision de tuer deux individus de la meute du Marchairuz. Mais le résultat de son bilan de santé pourrait stopper sa quête tout net ce jeudi.

En quinze jours, Fabrice Monnet a perdu huit kilos, mais gagné des tonnes de volonté en se lançant dans une grève de la faim. L’habitant de Bofflens a dompté ses gargouillements pour défendre la cause animale, et plus précisément les deux meutes de loups du Marchairuz. «Cela fait des années que je milite pour les animaux, des années que j’organise des manifestations, et cela fait des années qu’on me prend pour un pion – pour rester poli. Cette fois, j’ai voulu faire quelque chose de plus fort», martèle le Nord-Vaudois, qui a démarré sa mission le 22 septembre.

Aujourd’hui, il a toujours la ferme intention de faire entendre la voix de ses amis à quatre pattes, mais son corps tiendra-t-il le coup? Rien n’est moins sûr. Car les premiers signes de faiblesse se sont déjà fait ressentir: fatigue, vomissements, vertiges. «Je ne me suis pas lancé comme ça, je m’y suis préparé et je suis suivi. Je sais qu’il y a deux risques principaux liés à une grève de la faim: la tachycardie et une atrophie des intestins», relève Fabrice Monnet, qui appréhende un peu le résultat de son premier bilan de santé réalisé hier. Et si son médecin venait à lui dire que le jeu n’en vaut pas chandelle, sera-t-il prêt à éteindre sa flamme? «Oui, j’arrêterai tout de suite. Je ne veux pas mettre ma vie en danger et risquer de laisser mes enfants et ma femme que j’aime seuls, a-t-il répondu du tac au tac. Je serais déçu, bien sûr, surtout que je n’ai pas vu de réaction du Canton… C’est là qu’on voit qu’on ne vaut rien aux yeux des politiques.»

Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir fait du bruit dans les médias, sur les réseaux sociaux et même directement auprès de l’Etat de Vaud. Il a aussi déposé un recours contre la décision de tir sur deux jeunes loups du Marchairuz auprès du Département cantonal de l’environnement et de la sécurité. «Ce sont les autorités le problème, lâche-t-il. Depuis 2009, on nous a avertis que nous devions nous préparer au retour du loup. Mais nous n’avons rien fait.»

Il tient pour preuve les parcs du Marchairuz et du Jura Nord vaudois, dans lesquels il vient souvent se promener. «Regardez! interpelle-t-il en s’approchant d’une clôture. Là, en bas du pâturage, il y a deux jeunes veaux. Ils sont protégés par une clôture qui ressemble plus à une passoire qu’à autre chose. Il y a trois fils, même pas électrifiés, qui sont tirés à 45 cm du sol (voire 60 cm à certains endroits). Un loup passe comme il veut!» Et d’ajouter avec ferveur: «C’est trop facile de laisser les portes de la maison ouverte et ensuite de crier au voleur! C’est comme si on jetait nos animaux dans la gueule du loup. Alors non, c’est trop facile de les tuer au lieu de prendre des mesures pour cohabiter avec eux.» Fabrice Monnet ne comprend d’ailleurs pas pourquoi le projet pilote d’enclos sécurisé mené au Marchairuz l’an dernier n’a pas été renouvelé, alors qu’il avait porté ses fruits, selon lui.

A écouter le berger de Bofflens, on pourrait croire que les agriculteurs ont aussi une part de responsabilité en n’ayant pas pris les devants pour protéger leurs animaux. «Non, je ne suis pas contre les agriculteurs. Je dis juste qu’ils n’ont reçu ni les bonnes informations ni les outils pour faire face au retour du loup.»

Nombre d’éleveurs de la région, et même dans son propre village, s’offusquent pourtant de la prise de position du Nord-Vaudois. Car eux, ils voient le résultat des banquets que s’offrent les deux meutes du Marchairuz. Même si les agriculteurs touchent des indemnités pour la perte d’un animal, ce n’est pas cela qui enlèvera la douleur qu’ils ressentent en découvrant Marguerite, la vache qu’ils ont vu grandir, qu’ils ont nourrie et soignée, et peut-être caressée la veille, éventrée.

«Je suis parfaitement conscient de leur souffrance, moi-même j’ai peur pour mes moutons à Bofflens car j’ai déjà vu une louve s’approcher du village. Mais il faut faire la part des choses, poursuit Fabrice Monnet. C’est un problème cognitif de l’humain. Cela ne l’embête pas d’empiéter sur le territoire du loup ni d’envoyer ses bêtes passer une nuit à l’abattoir avant d’être tuée, mais ils ne supportent pas de cohabiter avec le loup. Pourtant, les animaux sont tout autant en panique en sentant la mort durant des heures à l’abattoir. Certaines versent une larme rien qu’en montant dans la remorque parce qu’elles savent ce qu’il va se passer. Et je ne parle même pas de ceux qui font de l’abattage halal, qui est interdit chez nous», considère-t-il.

Alors qu’il avait su rester assez discret depuis son arrivée dans le Nord vaudois, Fabrice Monnet n’a pas réussi à garder ses lèvres scellées plus longtemps. Celui qui s’est déjà fait des ennemis en Valais pour ses manifestations contre la chasse se lance désormais dans un nouveau combat dans son nouveau chez lui. «J’espère que les Vaudois seront plus intelligents que les Valaisans!»

Pour l’instant, le fan club du défenseur des loups n’est pas très étoffé. Mais il compte déjà les personnes les plus importantes pour lui: sa famille. «Elle me soutient, même si les enfants ne comprennent pas tout», confie Fabrice Monnet, coupé par son fils Max, venu lui proposer un kiwi pour le goûter. «J’ai pris deux cuillères!», argumente-t-il pour convaincre son père qui ne craquera pas. «Ce qui est magnifique, c’est que ma maman (65 ans) fait aussi la grève de la faim depuis le 22 septembre par amour pour son fils et par amour du loup!»

 

Des solutions concrètes à proposer

 

Selon Fabrice Monnet, il y a deux solutions pour cohabiter avec le loup dans les pâturages: ne plus mettre des troupeaux à l’alpage, ou installer des clôtures électrifiées et adaptées. Mais il sait aussi que sans démarche concrète, les grandes idées tombent à l’eau. Lui qui a les pieds dans les talus, il est prêt à mettre les mains dans la boue pour aider les agriculteurs. Pour cela, il cherche 30 000 francs, au moins, pour acheter du matériel afin de sécuriser des enclos dans la région. «Je sais que ce montant n’est pas suffisant, mais c’est déjà quelque chose. Et en plus, je suis prêt à venir avec du monde pour installer une vraie clôture de 1,3 mètres de haut avec cinq fils électrifiés», assure l’habitant de Bofflens, qui n’arrive pas, pour l’instant, à convaincre beaucoup de monde d’investir dans son combat pour sauver le loup.
Informations: www.defendthewolf.org

 

Jean-Pierre Grin dépose une initiative

 

Le conseiller national UDC Jean-Pierre Grin n’est pas du même avis que Fabrice Monnet.
L’habitant de Pomy a, pour sa part, déposé une initiative parlementaire visant à accélérer le processus décisionnel pour tirer sur les loups.

«Actuellement, sa présence devient inquiétante, dans le Jura vaudois plusieurs meutes sont présentes, elles s’attaquent aux bovins, des veaux et des génisses ont été attaqués et en partie dévorés. La présence de meutes de loups dans des régions peuplées est aussi un danger permanent pour la population, développe-t-il. La régulation de ces meutes par des tirs devient urgente et comme tous les cantons ne sont pas touchés de la même manière, les autorités cantonales devraient avoir le pouvoir de décision sans s’en référer à la Confédération.»

Christelle Maillard