Yverdon-les-Bains - Plusieurs cas d’attouchements ont été signalés ces dernières semaines dans la Cité thermale. Alors que certains habitants dénoncent une véritable psychose, Police Nord vaudois adapte ses patrouilles. Objectif: tranquilliser la population.
Peu avant 17 heures, le premier lieutenant de Police Nord Vaudois Cédric Perrin donne ses dernières consignes. Et elles ont le mérite d’être claires: «La mission de cette patrouille: rassurer la population par votre présence.» C’est que depuis quelques jours, les rues d’Yverdon-les-Bains paraissent moins sûres pour certains habitants. Plusieurs cas d’agression ont été évoqués ou relayés, notamment sur les réseaux sociaux. Impossible pour l’instant d’affirmer qu’il s’agit du fait d’un seul individu, mais des similarités entre les cas ont permis d’établir un suspect type: un homme grand, vêtu de noir, portant une capuche et se déplaçant avec un vélo orange.
Lorsqu’elle a accepté que nous la suivions sur le terrain lors d’une soirée de patrouille, Police Nord vaudois a été claire. Les cas d’agression font l’objet d’une enquête en cours au Ministère public. Impossible du coup pour l’un de ses membres d’apporter de nouveaux éléments sur l’affaire. La volonté des forces de l’ordre reste cependant limpide: montrer que la police locale est présente dans la ville et agit contre ce phénomène. Les patrouilles, renforcées en cette période de fin d’année, ont donc été revues: «Nous adaptons les secteurs clés en fonction des évènements qui touchent la ville», explique le premier lieutenant. Mais comment ces «secteurs clés» sont-ils définis? «Nous nous basons principalement sur les plaintes et les témoignages. Nous regardons aussi les réseaux sociaux, mais nous demeurons méfiants à leur égard.» Il est difficile pour les autorités municipales et les agents de terrain d’en dire plus: l’information est entre les mains de la police cantonale et des procureurs, seuls habilités à renseigner sur les faits.
Une réaction disproportionnée?
Pour obtenir des informations sur l’affaire qui tourmente Yverdon-les-Bains, il faut donc s’adresser à Gabriel Moret, procureur de l’arrondissement du Nord vaudois, qui confirme l’existence d’un problème. «Sept cas d’agressions envers des femmes ont été recensés. Parmi eux, trois ont été suivis par des plaintes.» Une personne avait été appréhendée, avant d’être relâchée, notait 24 heures, mardi. «Le suspect, bien que libéré, reste concerné par l’enquête», indique le procureur. Ce dernier tient cependant à contextualiser la temporalité de ces agressions. «Les sept cas portés à notre connaissance s’étalent sur deux mois, le dernier datant du 18 novembre. Yverdon-les-Bains n’est donc pas plus touchée que les autres grandes villes du canton. Mais il est certain que la diffusion à large échelle de ce phénomène attise un sentiment d’insécurité», pense Gabriel Moret.
Jusqu’à la psychose? C’est en tout cas ce qu’affirment certaines sources proches du dossier, qui estiment que des aspects de l’affaire sont totalement exagérés. Un discours qu’il est bien évidemment impossible de tenir à visage découvert. Difficile dès lors pour ces représentants de la justice de faire connaître leur sentiment face à ce phénomène. Tous condamnent fermement les agissements du ou des harceleurs et relèvent le caractère inadmissible de tels attouchements. «Tout ce qu’on souhaite, c’est que les auteurs d’activités délictueuses soient arrêtés et jugés», nous assure l’un d’eux. Cependant, la plupart s’étonnent de l’ampleur de la réaction de la population. Selon eux, les cas rapportés ne démontrent pas de volonté de mettre en danger la vie d’autrui, alors que des agressions très brutales dans d’autres contextes sont récemment passées plus inaperçues.
«L’instinct» du policier
C’est dans ce contexte que, ce mardi soir, les patrouilles de Police Nord vaudois se déploient en rue, accompagnés par La Région. L’objectif étant de tranquilliser les habitants de la Cité thermale, les agents n’hésitent pas à marcher bien en évidence. Il s’agit là de l’un des avantages des patrouilles pédestres, qui sont bien plus abordables que leur équivalent motorisé. «On se fait souvent accoster par la population et c’est très agréable, estime un policier. À pied, la barrière du véhicule disparaît et permet d’avoir plus de contacts avec les gens.»
Si ces patrouilles ont surtout pour but de rassurer les Yverdonnois, les agents n’en demeurent pas moins à l’affût. «Si on remarque une personne suspecte, on effectue un contrôle, illustre le membre des forces de l’ordre. On a un signalement dans la tête et après, c’est l’instinct du policier qui fait le reste.» Les chances de coincer l’auteur d’un des attouchements recensés demeure faible. Ce que la patrouille n’ignore pas. «On se balade en uniforme, de façon très visible, fait remarquer un agent. Si on croise un agresseur potentiel, il ne va pas se montrer aujourd’hui.»
Du côté de la patrouille mobile, le constat est similaire. «Avec tout ce qui s’est dit sur les réseaux sociaux, le ou les individus que l’on recherche sont au courant de leur signalement, regrette un policier. Il est donc facile pour eux de faire en sorte de ne plus correspondre à la personne que l’on vise.» Tout comme leurs collègues, les agents motorisés ont pour mission principale d’assurer une présence, principalement autour des zones touchées par un cas d’agression, avec l’espoir d’également dissuader les harceleurs. «Mais notre meilleure chance d’interpeller un individu, ça reste de le prendre sur le fait.»
Les recommandations du premier lieutenant
Pour le premier lieutenant Cédric Perrin, il est donc primordial d’immédiatement contacter la police lorsqu’une agression survient. «Les victimes nous appellent parfois plusieurs dizaines de minutes après les faits, détaille-t-il. C’est malheureusement trop tard pour espérer attraper l’auteur du délit.» Une recommandation qui s’applique aussi aux témoins de la scène, qui peuvent donner l’alerte. Cédric Perrin invite également à renseigner les forces de l’ordre «lorsqu’une personne suspecte est remarquée.»
L’officier encourage les victimes à porter plainte. «Si la personne est arrêtée, elle sera jugée différemment si le nombre de plaintes est de deux ou de dix… De plus cela permet à la victime d’avoir accès au dossier, mais surtout d’avoir le sentiment d’être entendue.»