Faire face à l’imprévu
12 septembre 2024 | Texte et photos: Virginie MeisterhansEdition N°3787
La Région poursuit la publication hebdomadaire d’un portrait d’une commune nord-vaudoise. Au travers de l’interview de son syndic, cette page aborde les réussites, les préoccupations, les projets d’une collectivité locale.
Aujourd’hui, place à Anne Baumann, syndique de Valeyres-sous-Rances.
Anne Baumann, vous nous faites une fleur en acceptant cet entretien, puisqu’il semblerait que vous n’aimiez pas trop cet exercice…
Ce n’est en effet pas ma tasse de thé, je ne me sens pas forcément des plus à l’aise dans ce rôle-là. Je suis plus dans le faire que dans le paraître. J’aime le travail d’équipe : à la Municipalité, nous sommes cinq qui apportons chacun notre pierre à l’édifice, je trouve que personne ne devrait avoir la tête qui dépasse. Mais mon prédécesseur m’avait dit que je devrais y passer, que cela fait partie du poste (rires)!
Êtes-vous alors d’accord de nous parler un peu de vous et de votre parcours?
Je suis originaire de Valeyres-sous-Rances mais j’ai fait une infidélité de treize ans à ma commune, puisque de 2001 à 2014 j’ai vécu à Orbe… tout de même pas trop loin du Suchet! J’ai fait un apprentissage de monopole comme assistante d’exploitation à La Poste. Je suis partie à Zurich durant une année pour apprendre l’allemand. À mon retour j’ai occupé un poste à Prilly, puis Yverdon avant de commencer à grimper les échelons au sein de La Poste qui proposait des CFC de commerce en cours d’emploi. J’ai également fait une formation d’économiste d’entreprise. J’ai ensuite travaillé au Canton, puis dans la réinsertion professionnelle dans des entreprises de pratique commerciale – des entreprises fictives qui travaillent entre elles, dans le cadre d’une mesure du chômage. J’ai arrêté de travailler quelque temps – bien que continuant à m’occuper de la comptabilité de mon mari et de mon beau-frère qui ont une entreprise d’électromécanique – parce que mon mari et moi souhaitions des enfants. Cela n’a pas été tout seul, nous avons dû faire appel à la PMA et cela a été un parcours compliqué jusqu’à la naissance de notre fils. Puis une année et demie plus tard notre fille est arrivée, comme une lettre à la poste (rires)!
Comment êtes-vous arrivée à la syndicature?
La politique m’a toujours intéressée. J’avais un grand-papa, bon bourgeois vaudois radical, qui connaissait M. Delamuraz et me faisait répéter le nom des conseillers d’État et députés. Un jeu qui me plaisait, moi qui aimais l’éducation civique. Mon papa a aussi été municipal et syndic. J’adore mes enfants mais en revenant à Valeyres, après un parcours professionnel passionnant, je ne me satisfaisais pas de n’être que maman. Je me suis alors impliquée dans la vie du village en tant que bénévole pour la paroisse et j’ai rapidement intégré le Conseil général. Au départ, je ne visais pas un poste à la Municipalité, mais lors d’une séance du PLR, Christelle Luisier, venue nous expliquer l’importance de s’investir ainsi que les bonheurs et écueils de l’implication en politique, a allumé une flamme en moi. Avec une équipe, j’ai décidé de déposer ma liste en 2021. Lors du départ du syndic, mes collègues ne souhaitant pas reprendre sa place, j’ai accepté le poste. Et j’avoue que j’adore ça!
Quelles sont les principales activités du village?
Nous avons une société de gymnastique très dynamique, l’Abbaye, le Tir, la Jeunesse et une société de musique qui anime les différentes manifestations du village. Nous bénéficions d’une superbe place de fête, la Cantine, qui a été reconstruite en un temps record par des bénévoles à la suite d’un incendie, ce qui démontre l’importance du tissu associatif. Nous avons quelques agriculteurs, des vignerons, une distillerie, un restaurant, trois self-services et une chèvrerie. Le Domaine du Manoir a également ouvert une tonnellerie et le Château de Valeyres offre une belle renommée au vin nord-vaudois. Enfin, nous avons la chance d’avoir toujours une école de quatre classes et une UAPE, qui donnent de la vie au village.
Au début de l’été, vous avez été durement touchés par les caprices de la météo. Racontez-nous…
J’ai toujours entendu que «gouverner c’est prévoir», et je suis tombée sur une citation qui ajoutait «mais prévoir, c’est surtout prévoir l’imprévu». C’est ce à quoi nous avons été confrontés: le 26 juin, le ciel nous est tombé sur la tête. Des pluies torrentielles ont rendu les terrains gonflés d’eau qui se sont transformés en une multitude de rivières et les rues sont devenues des fleuves. Des maisons ont été inondées, la voûte d’un pont a été détruite. Nous avons dû engager plusieurs dizaines de milliers de francs pour réparer des routes, pour détruire le pont afin de le reconstruire, etc. Nous avions fait un plan de législature assez ambitieux dans les rénovations de bâtiments et le développement de la commune et le bilan à la mi-législature était positif. Mais, par la suite, que va-t-il se passer au niveau des finances communales? Car au-delà des imprévus, ce sont aussi les écoles, le social, etc. qui augmentent nos frais.
Comment faire face à tout cela?
Des communes comme la nôtre doivent se poser la question de leur avenir. Qui peut continuer à consacrer autant d’heures à la Municipalité, en ayant les compétences et la motivation que ce travail requiert? L’idéal serait de collaborer entre communes. Nous avons tous les mêmes dossiers et règlements à réviser et nous y passons un temps incalculable, chacun dans son coin. Le problème des collaborations communales, c’est que cela nécessite du temps – que nous n’avons pas – et qu’il y aura toujours une personne qui voudra prendre le lead sur les autres. Le Canton incite aux fusions, un mot tabou qu’il ne faut surtout pas prononcer! Je ne suis pas pro-fusion mais je pense que ce ne sera plus possible de continuer ainsi. Nous aimerions fonctionner comme il y a vingt ans mais tout s’accélère. On ne connaît pas l’ampleur des conséquences qu’aura la vague de fond de l’intelligence artificielle sur les petites communes. La fusion ne fait pas disparaître les problèmes mais elle permet que ceux-ci ne reposent pas uniquement sur les épaules de cinq personnes. Arrêtons de regarder notre clocher! La voie de la sagesse ou de la lucidité serait de réagir avant qu’il ne soit trop tard et que plus personne ne veuille s’asseoir autour de la table.