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Faons arrachés à une mort certaine

14 juin 2018 | Edition N°2267

Grégory Favaro repère les jeunes cervidés cachés dans les prés et leur évite d’être fauchés en même temps que les foins.

Enfoui dans les herbes d’un champ situé sur les hauteurs du village de Concise, un faon âgé d’à peine quelques semaines et pesant près de deux kilos reste immobile à l’approche de Grégory Favaro, qui recouvre délicatement le corps de l’animal avec une caissette en bois, entourée de fanions. «Désormais, il est protégé», chuchote-t-il, le visage lumineux. L’homme s’est levé aux aurores pour sauver les faons de la région. Il repère et signale leur présence dans les champs afin qu’ils ne se fassent pas massacrer par une faucheuse. En mai et en juin, la mise-bas et la période de fauche ont lieu en même temps. Les faons sont camouflés par leur mère dans les hautes herbes afin d’être protégés des prédateurs. A 6h du matin, ce vendredi 8 juin, Grégory Favaro a déjà inspecté deux parcelles à Arnex-sur-Orbe, sans trouver le moindre cervidé. «Un paysan du village m’a appelé hier soir parce qu’il a aperçu une chevrette (ndlr: la mère du faon) rôder dans son champ», explique-t-il. Mais les agriculteurs ne sont pas toujours aussi prévoyants. Il explique qu’à Concise, il a «dû batailler dur avec le paysan pour contrôler son terrain».

Survol des prairies

Pour repérer les animaux, cet auxiliaire de chasse qui s’engage pour la sauvegarde des faons de manière bénévole a fait appel à Boris Bron, un conducteur de drone. Celui-ci survole les prairies à près de 80 mètres de hauteur. Equipé d’une caméra thermique, l’appareil détecte la chaleur émise par le faon, dont la température corporelle peut atteindre 27 degrés, alors que le thermomètre affiche environ 18 degrés ce matin-là. «On aperçoit une petite tache noire qui bouge, il s’agit certainement d’un second faon», remarque Boris Bron. Mais le cervidé, un peu plus vigousse que le premier, ne se laisse pas recouvrir avec une caisse aussi facilement. «C’est bon signe, constate Grégory Favaro, qui tente de le déplacer sur une parcelle de blé, un peu plus bas. Cela signifie qu’il perçoit le danger et qu’il pourra prendre la fuite plus facilement si une faucheuse passe par-là.» Pas docile du tout, le jeune ruminant résiste et alerte sa mère, qui surveille la scène depuis la forêt et qui aboie en retour. «Ce type d’opération est délicat», précise Grégory Favaro, qui utilise des gants pour éviter d’imprégner son odeur sur l’animal au risque que la chevrette l’abandonne. Désormais à l’abri, le jeune faon est certain d’être épargné par la faucheuse. «J’ai vu des tigres en Inde et les big five en Afrique du Sud (ndlr: ce terme désigne un ensemble de cinq mammifères soit le lion, le léopard, le rhinocéros, le buffle et l’éléphant). Mais à chaque fois, je me dis qu’ici aussi, on a des animaux incroyables et qu’il faut les protéger», conclut leur ange gardien.

Valérie Beauverd