Hugues Gander, l’homme qui n’a jamais perdu une élection, s’en est allé
30 septembre 2021Hugues Gander s’en est allé jeudi dernier, à l’âge de 70 ans. Ancien municipal de Sainte-Croix et député au Grand Conseil, il laisse le souvenir d’un homme tourné vers autrui, socialiste dans les actes et dans les faits.
Il en souriait lui-même, Hugues Gander: jamais, dans toute sa carrière politique, il n’a été battu lors d’une élection! Que ce soit au Conseil communal et à la Municipalité de Sainte-Croix, ou au Grand Conseil vaudois, son nom est à chaque fois sorti des urnes en vainqueur, ce qui devait beaucoup, bien sûr, à la popularité et à l’efficacité du Socialiste, homme apprécié par tous, quelle que soit la couleur politique de l’intervenant. Son humilité lui faisait parfois d’ailleurs oublier de préciser qu’il avait terminé devant Pascal Broulis à Sainte-Croix en 2012 lors des élections au Parlement… Une preuve, s’il en fallait une, que cet homme savait fédérer autour de lui.
Toujours dans le dialogue, jamais dans le jugement, Hugues Gander était un homme de consensus et d’écoute, jusqu’au bout de son combat contre la maladie, jeudi dernier, à l’âge de 70 ans. Ecolier à Yverdon-les-Bains (dans la même classe que Rémy Jaquier!), le jeune homme se découvre un goût pour le sport. Football, ski de fond, VTT… Toutes ces disciplines le passionnent, que ce soit comme joueur, entraîneur, organisateur… Profondément impliqué dans la vie associative, le Sainte-Crix d’adoption aura siégé dans un nombre incalculable d’associations. Parmi elles, le CIMA figure en bonne place, tant il tenait à ce musée, dont il a été notamment le président de l’Association des Amis et du Conseil de Fondation, en plus de participer activement à sa restructuration.
Instituteur -il était monté en 1972 de Vaugondry à Sainte-Croix à l’âge de 21 ans-, Hugues Gander était profondément engagé contre les injustices, qu’elles fussent sociales ou simplement celles de la vie quotidienne. Il croyait à un Etat fort, mais juste, où chacun pourrait vivre selon ses moyens, et était loin d’être un dogmatique, bien au contraire. Il écoutait les arguments et les positions de tout le monde, sans jamais se départir de sa volonté d’aider son prochain.
«Pour moi, être solidaire signifie concrètement venir en aide au plus pauvre de notre société. J’ai toujours eu cette image en moi. Alors en effet, ce n’est pas toujours possible, on ne peut pas donner 4000 francs à tout le monde. J’ai toujours évalué ce qui était faisable, par rapport à ce qu’il fallait faire et ces deux notions ne sont pas toujours compatibles, que ce soit sur le plan politique ou économique», nous confiait-il en fin d’année dernière, dans ce qui ressemble à un leitmotiv de vie, de cette générosité qui l’a toujours accompagné.
A son épouse Mireille, à ses filles Anne et Claire -ancienne collaboratrice de La Région- et à toutes les personnes dans la peine, notre journal adresse ses plus sincères condoléances.
Le sens de l’écoute en premier
Il a beau être député de Lausanne «que» depuis 2017, Arnaud Bouverat connaissait Hugues Gander depuis longtemps. En effet, le secrétaire syndical d’Unia a grandi dans le Nord vaudois, à Orbe. « Je l’ai rencontré à de nombreuses reprises lors des différents meetings de la section régionale du Parti socialiste», explique Arnaud Bouverat.
Les deux hommes se sont donc retrouvés au Parlement, et plus précisément dans la commission de gestion, que le Sainte-Crix a présidée jusqu’en 2020. «J’ai lu de nombreux commentaires vantant sa pédagogie, note le député lausannois. Je les rejoins complètement. Hugues Gander avait un grand respect des institutions, tout en restant humble quant à son statut de député.»
Mais ce qu’Arnaud Bouverat gardera le plus de son ex-président de commission, c’est son sens de l’écoute. «C’est une qualité qui n’est pas toujours répandue en politique, sourit-il. En plus, il a un long parcours. Lorsqu’il débattait, il amenait toujours un contexte historique au sujet traité. On a parlé de son côté enseignant, c’est exactement ça. Il était l’homme que l’on écoutait.»
Des traits de caractère qui se retrouvaient évidemment aussi lorsque Hugues Gander se manifestait en plus petit comité, au sein de la commission de gestion. «Il avait la volonté de bien faire, de faire ce qui était juste. Je me souviens de son attachement à assumer son rôle de médiateur lors des débats de la commission.»
«C’était véritablement un homme extraordinaire»
Parmi les nombreuses passions d’Hugues Gander, on retrouvait le ski de fond. Il a d’ailleurs tenu à présider le Groupement des Skieurs de Fond des Rasses jusqu’au bout. Michel Roulet est le vice-président de l’association. Il se souvient d’un homme passionné. «C’était un personnage au service des autres. Je me souviens que lorsqu’il manquait des moniteurs, il n’hésitait pas à donner des cours lui-même. C’était véritablement un homme extraordinaire.»
Prêt à donner de sa personne, Hugues Gander a aussi été un président admirable pour le GSFR de par les réalisations qu’il a obtenues depuis son arrivée à la présidence, en 2006. «Il a notamment monté l’organisation des secours sur les pistes de ski de fond, ainsi que le balisage des pistes de raquettes, reprend Michel Roulet, ému. Et il n’hésitait pas à assurer lui-même une partie du travail.»
Et puis il y a le projet de centre sportif des Cluds, qu’il a poussé durant dix ans et qui arrive dans une phase décisive. «C’est dommage qu’il ne puisse pas voir le résultat de son implication. Mais on va tout faire pour que le centre quatre saisons aboutisse. En hommage à tout ce qu’il a fait.»
Forcément, Hugues Gander avait un lien particulier avec le ski de fond, un sport dont il était passionné. «Comme pour tout ce qu’il a fait dans sa vie d’ailleurs, ajoute Michel Roulet. La passion l’a toujours motivé. Mais depuis quelques années, il ne pouvait plus profiter des pistes. Alors il a tout fait pour que les autres en bénéficient au maximum.» Se démener pour les autres, comme il l’a toujours fait.
Un artisan de «L’Arbre de vie», l’EMS de Sainte-Croix
Hugues Gander a occupé de très nombreuses fonctions tout au long de sa vie. Mais il est l’une d’elles qui lui a permis de faire valoir toute son expérience, l’étude, puis toutes les étapes qui ont conduit à la construction du nouvel EMS de Sainte-Croix, L’Arbre de vie, qui est géré dans le cadre du Réseau santé du Balcon du Jura (RSBJ). «Hugues Gander était membre du conseil d’administration et il a présidé la commission de construction du nouvel EMS. Dans ce cadre, il a fait valoir toutes ses connaissances et qualités. C’était un homme à l’écoute des autres, qui pesait le pour et le contre avant de proposer une solution et de prendre une décision. C’était quelqu’un de très pondéré. Il a tenu de très nombreuses séances et s’est beaucoup engagé dans ce projet », témoigne Tito Haarpaintner, président du conseil d’administration du RSBJ.
Le défunt s’est aussi battu au niveau du Canton pour obtenir les crédits nécessaires à la construction, et au fonctionnement, de L’Oasis, une unité pilote créée dans l’EMS et destinée à accueillir des malades alités en fin de vie. Cette unité permet d’accueillir quatre malades dans une grande chambre spacieuse, ce qui leur permet, dans la mesure de leurs moyens, d’interagir, mais aussi d’éviter la solitude. Hugues Gander était parvenu à convaincre les autorités cantonales de financer cette expérience qui porte ses fruits. Dans cette unité, une infirmière est présente jour et nuit et l’effort est porté sur l’apaisement des résidents.
Un «esprit ouvert à l’autre»
En ouverture de la dernière séance du Grand Conseil, la présidente Laurence Cretegny a salué le travail et la personnalité d’Hugues Gander, notamment son «esprit ouvert à l’autre». Pour lui rendre hommage, les députés se sont levés pour observer quelques secondes de silence en l’honneur de leur ancien collègue.
Député durant plus de huit années, durant lesquelles il a notamment présidé la Commission de gestion, le Socialiste avait démissionné l’automne dernier. A Lausanne, il était réputé pour sa rigueur et son suivi des dossiers, une qualité qui tranchait parfois avec l’attitude de certains de ses collègues.
A Sainte-Croix, il a passé quatre législatures en tant que municipal, soit 17 ans et demi.