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Il tend à nouveau ses fils pour rendre hommage à Charlot

6 juin 2019 | Edition N°2513

Avec une dizaine d’autres artistes venus des quatre coins du monde, le maître des ficelles catalan, Jordi Bertran, fera valser le village lors du Festival international de marionnettes, qui se déroulera du 13 au 16 juin.

Il y a tout d’abord un regard, celui d’un enfant émerveillé par son père. Nous sommes au milieu des années 1950 et Jordi Bertran a 4 ans. Il observe les fourchettes et les serviettes virevolter sur la table de la cuisine, située dans un immeuble de Barcelone. Avec ses doigts agiles, le padre manipule les couverts et raconte des histoires empreintes de fantaisie. Soudain, l’homme se dresse et imite Charlie Chaplin, Harold Lloyd, Jacques Tati, ainsi que Laurel et Hardy, pour le plus grand bonheur de son petit garçon. Tous les éléments de Circus sont là, dans cette cuisine catalane. «Avec ce spectacle, j’ai voulu rendre hommage à ces artistes, mais aussi à mon père», révèle Jordi Bertran, au bout du fil. Le Barcelonais participera au Festival international de marionnettes de Concise, la semaine prochaine (lire encadré). L’année passée, le marionnettiste de renommée mondiale avait pris part à la première édition de la manifestation avec Anthologie. Par amitié pour Michel Poletti, directeur artistique du festival, il présentera non pas un, mais deux spectacles les 13 et 14 juin prochain.

Une âme d’enfant

Mais revenons à cette cuisine catalane et à Charlie Chaplin. «Il a été d’une grande influence, assure Jordi Bertran. Je me souviendrai toujours de mon premier film au cinéma. Un client demande à Charlot de réparer son réveil en panne (ndlr: Le prêteur sur gages). Il démonte l’appareil, mais lorsqu’il tente de le remonter, plus rien ne fonctionne», raconte l’homme à l’accent chantant. Avec Circus, le spectacle qu’il a créé en 2015, le marionnettiste tend les fils de son propre Charlot et retrouve ainsi son âme d’enfant. «J’ai toujours aimé faire le clown avec mes marionnettes», poursuit-il.

De la poésie jusqu’au bout des doigts

À l’âge de 25 ans, il est engagé comme musicien par Pepe Otal, qui dirige le Grupo Taller de Marionetas, à Barcelone. «Lorsque j’ai vu la troupe jouer pour la première fois, j’ai tout de suite été émerveillé par la magie des marionnettes. à cet instant-là, j’ai su qu’elles deviendraient mon moyen d’expression», se souvient Jordi Bertran. En 1987, il fonde sa propre compagnie avec la ferme intention de faire connaître son art et surtout de conquérir le public adulte. «C’est un langage universel, considère-t-il. On peut faire rêver à tout âge.»

De passage à Concise, l’artiste espagnol propose aussi de découvrir Poèmes visuels. Grâce à des tiges, il manipule des lettres qui forment une composition poétique étonnante. Si le «A» danse avec le «T» et le «K», les trémas du «I» et du «U» deviennent de véritables points conflictuels. Mais le sketch le plus connu de cette performance reste Le petit bonhomme en mousse, qu’il a d’ailleurs présenté à la télévision dans Le plus grand cabaret du monde, l’émission de Patrick Sébastien.

«J’ai créé les premiers poèmes en 1990 et, quatre ans plus tard, je mettais en scène tout un spectacle. À chaque fois, c’est un long processus de création», explique Jordi Bertran, qui se réjouit d’être de retour en Suisse. «J’ai rencontré Michel Poletti il y a une dizaine d’années à l’occasion du Festival international de marionnettes de Lugano», ajoute le sexagénaire. L’année passée, il m’a contacté pour venir à Concise. J’ai été très touché par l’implication des organisateurs et par l’ambiance qui régnait dans ce village.»

Valérie Beauverd