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«Ils m’ont accepté comme j’étais»
Valentin Rosati au saut. © Gabriel Lado

«Ils m’ont accepté comme j’étais»

5 mai 2023

Gymnastique - Formé aux Amis-Gymnastes Yverdon, Valentin Rosati est parti à Lucerne pour le travail il y a six ans. Il en a profité pour rejoindre la société locale, multiple championne de Suisse, avec laquelle il revient ce week-end sur sa terre natale pour la Coupe des Bains.

Il y a chaque année un goût de retrouvailles à la Coupe des Bains, celle-ci étant traditionnellement le premier concours de gymnastique de sociétés de la saison. La manifestation, dont la 36e édition se déroulera ce week-end au Centre sportif des Isles et à Léon-Michaud, a pris de l’ampleur au fil des ans, et accueille désormais les meilleurs clubs de Suisse. Parmi lesquels, la BTV Lucerne et son gymnaste yverdonnois Valentin Rosati, pour qui la compétition a une saveur spéciale.

Valentin Rosati, on imagine que c’est particulier de participer avec Lucerne à la Coupe des Bains, qui est organisée par les Amis-Gymnastes Yverdon (AGY), votre société formatrice…

Bien sûr. La première fois, en 2019, ça m’a fait trop bizarre de venir «à la maison» comme un étranger, avec d’autres couleurs, sans avoir contribué à l’organisation de la manifestation. D’autant plus que c’était la première fois que les Lucernois y participaient, je les y avais un peu poussés… Ça a été intense émotionnellement, aussi parce que je voyais les actifs-actives des AGY de l’extérieur, alors que j’avais été gymnaste et moniteur du groupe. Maintenant, cela fait quand même quelques années, donc je suis un peu habitué. Mais ça reste un week-end spécial. Ce sont de belles sensations, ce n’est que du bonheur!

Les groupes actifs-actives des AGY et de Lucerne concourent l’un contre l’autre au saut. Cela vous fait-il bizarre?

C’est clair! Mais il n’y a aucune compétition interne en moi. Je suis trop content tant quand Yverdon que quand Lucerne assurent. Je trouve trop cool quand on est ensemble en finale (ndlr: à la Coupe des Bains, les trois premiers de chaque engin disputent les finales le samedi dès 17h). Et, pour moi, le but n’était pas du tout de rejoindre l’une des meilleures sociétés de Suisse. J’ai vraiment cherché du travail partout en Suisse alémanique, et cela s’est fait comme ça.

Connaissiez-vous déjà certains gymnastes de la BTV Lucerne lorsque vous l’avez rejointe?

Oui, grâce aux concours et aux fêtes qui s’ensuivaient, je connaissais deux ou trois têtes. J’ai contacté un membre pour savoir à qui demander pour rejoindre les actifs-actives de la société. On m’a ensuite dit «tu n’as qu’à venir»! Là, il faut faire preuve de courage, et débarquer…

Comment vos débuts se sont-ils alors déroulés?

Ça fait un bout de temps, donc je n’ai plus tout en tête. Mais un souvenir que je garde très clairement, c’est qu’ils m’ont tout de suite méga bien accueilli. Ils m’ont aussi accepté comme j’étais, ce qui était très important parce que je venais d’un autre milieu. On ne dirait pas, mais on a quand même des habitudes différentes entre les AGY et Lucerne. Je faisais des choses qu’ils trouvaient peut-être bizarres, alors que chez nous, elles sont considérées comme normales.

Par exemple?

Typiquement, me mettre à torse nu. C’est quelque chose qui ne se fait pas là-bas. Du coup, on me précisait «hé Val, ça non». Donc c’était cool. Mais ils m’ont aussi souvent dit que j’amenais une autre dynamique «sans faire exprès», ce qui est apprécié.

Comment cela s’est-il passé au niveau de la langue?

Je ne parlais pas du tout allemand, encore moins suisse allemand. Donc à l’entraînement, je suivais. Mais mes coéquipiers m’ont toujours dit que si je ne comprenais pas, il fallait que je me manifeste. Ils ont été super sympas, très patients.

Y a-t-il des différences dans la façon de s’entraîner, de bosser entre des sociétés comme Yverdon et Lucerne?

De mon vécu, c’est beaucoup plus strict chez les Alémaniques. Et ils font un peu tout le temps la même chose, là où on laisse davantage de place à la créativité aux AGY, où on essaie d’apprendre de nouveaux éléments, où si on se loupe en début d’année, ce n’est pas grave. À Lucerne, on considère que ça ne sert à rien de faire un truc où tu tombes à plat ventre. Il y a un peu cette pensée que si la réception d’un saut n’est pas pilée, ça ne sert à rien de le faire. Après, je suis arrivé à une période où le groupe excellait et venait de remporter un double titre de champion de Suisse. Il y avait cette recherche d’excellence qui, six ans plus tard et aussi à la suite du Covid, a un peu changé. Ce ne sont plus les mêmes moniteurs, il y a une nouvelle génération, c’est plus détendu. Mais, de manière générale, il y a quand même cette volonté de pousser la précision à l’extrême. Et une autodiscipline hallucinante.

Cela vous convient-il ou regrettez-vous parfois la créativité yverdonnoise?

C’est une gym que j’ai toujours rêvé de pratiquer, précise, où tout le monde tire à la même corde, donc c’est cool. Et à force de viser un certain niveau de précision, tu y prends goût. En revanche, même si je suis sorti de la période où j’évoluais énormément, devoir réussir parfaitement un élément avant de l’avoir dans la production, ça t’oblige parfois à venir t’entraîner deux fois plus pour espérer que les moniteurs acceptent que tu le fasses en concours.

En tant qu’ancien gymnaste artistique, comment vous êtes-vous adapté aux engins spécifiques aux agrès?

Alors là… je n’avais jamais fait d’anneaux balançants avant d’arriver à Lucerne (ndlr: en artistique, les anneaux sont fixes). Ça a été difficile, mais en me retrouvant dans un groupe méga bon, motivé, avec une bonne ambiance, je ne pouvais qu’évoluer. J’avais évidemment la chance d’avoir de bonnes bases grâce  à la gym artistique, et en s’entraînant  avec des gymnastes qui font partie des meilleurs du pays, tu ne peux que progresser. De toute façon, avec cette expérience en Suisse alémanique, je suis une éponge: j’absorbe la langue, une nouvelle discipline gymnique, une autre façon de fonctionner, une autre mentalité. C’est un enrichissement de chaque instant.

 

Un gala avec les AGY

Quand Valentin Rosati est parti pour Lucerne, l’Yverdonnois n’imaginait pas qu’il y serait toujours six ans plus tard. Sa vie professionnelle ayant changé, celui qui est consultant en amélioration continue chez Hornbach passe désormais plus régulièrement du temps dans sa ville natale. Ce qui lui a permis de participer au gala Gymotion avec les Amis-Gymnastes Yverdon en janvier.

«C’était la première fois que je remettais les pieds à La Marive en tant que gymnaste. C’était un beau retour à mes racines. Peut-être aussi un adieu, car si je redéménage un jour à Yverdon, je ne suis pas sûr que je referai de la gym aux actifs-actives.»

Muriel Ambühl